D’une ville lumières aux villes portuaires

Parce que t’es devenue trop grande pour moi

Parce que toutes les lumières aujourd’hui de tes gratte-ciel

Me font peur

Parce que je suis resté un enfant de la terre

Ville lumières

Parce que j’me crois atterri sur un satellite

Quand je reviens vers toi

P’tit Prince

Au milieu de l’univers

Ton aviateur est en panne

Ville lumières

Parce que

Quand je pénètre

Confiné

Dans le dédale de tes boulevards

Ville lumières

Parce que

Quand tu surgis

Derrière la vitre de mon bus vert

Ville lumières

Parce que

Quand je glisse à travers lui

Au fond d’la grotte routière de Bercy

Ville lumières

Parce que

Quand je sors de ma bulle en verre

Ville lumières

T’as beau être une reine

Ville lumières

J’ai peur

Peur d’être ici

Ville lumières

Peur de tout ce monde qui se croise

Peur de tout ce monde qui erre

Peur de tout ce monde qui attend

Peur de tout ce monde qui hurle

Peur de tous ces écrans

Peur de tous ces haut-parleurs

Peur de tous ces bruits de balles

Peur de toutes ces directions

Peur de toutes ces informations

J’ai peur

Peur de ta misère

Ville lumières

J’ai peur

Peur de tous ces visages fatigués

Éprouvés

Peur de toutes ces lamentations répétées

Peur de toutes ces mains tendues

Quémandant quelques pièces de lumière

Ville sous terre

Parce que

Quand t’as voulu un été porter ce nom ville d’Olympe

Je n’ai pas vu tes dieux

Les aurais-tu chassés avec les mendiants

A la périphérie de ton cœur

Ville lumières

Toi qui te perds dans les obscurités de tes ambitions

Toi qui te crois éclatante

Cultivée

Centre nombril de l’hexagone

Tu caches ta misère dans les recoins sombres de tes vitrines

Ville lumières

Sur ton quai

Mes dents se resserrent

Mon estomac se crispe

Ville lumières

J’ai mal

Et déjà j’ai hâte de m’enfuir

Et j’me trompe d’orientation

Bercy Châtelet-les-halles

C’est par où qu’on sort de ton enfer

Ville lumières

Aux néons aveuglants sous la terre

Retour en arrière

Bibliothèque Mitterrand

Des marches au-dessus de ma tête

Et des milliards de mots pesants

RER C

Comme

Contenu

Contingent

Confinement

Tout le monde a les yeux rivés sur son écran

Je m’évade dans le mien

J’écris mes peurs

Ville lumières

Pour me rassurer

J’entre dans tes banlieues bleues

Les villes défilent

Juvisy

Savigny

M’échapper

Au loin

Retrouver la vie

Brétigny

Un peu de vert

Pardonne-moi

Ville lumières

J’voulais juste retrouver un peu d’humanité

Décoller

La tranquillité semble revenir

Un instant

A contre-sens contre une masse de gens

Me frayer un sentier dans la foule

Jusqu’en terre de Vendée

Tout près de l’océan

Sous une lune blanche scintillante

Minuit approche

Au matin

J’éplucherai des légumes

Au matin

J’ferai la plonge

Au matin

J’cesserai de songer à mes peurs

A ce qui me fait souffrir

Ville lumières

Derniers soupirs

Sentiment d’avoir tout raté

Déjà presque à la fin

D’une panoplie d’écorces

Que me reste-t-il

A l’aube

Pour me vêtir

J’fêterai l’humanité pour me consoler

Avec Tiken Jah Fakoly

Et Louise Attaque

J’sortirai de l’ordinaire pour retrouver mes repères

J’quitterai la ville lumières

Pour

Le repos d’une ville portuaire

Et ce qu’elle a d’extraordinaire

Devant un marché désert

Au Lancelot

Un samedi matin

Au p’tit café tranquille

D’un ciel maussade

J’entrerai dans les feuilles de l’automne

Premier jour

Abondance de larmes

Tout ce que les nuages

Avaient retenu dans leurs rêves

Se déversent

De Nantes à Saint-Nazaire

La pluie calme les esprits

Un répit sous la couette

Salutaire

Hier

Présent

Sortir prendre l’air

Réveiller mon corps assoupi

Aller découvrir le matrimoine

Accompagner mes pieds

Me confondre aux gens solitaires

Promenant leurs misères et leurs prières

Est-ce un temps pour prendre la mer

Est-ce un temps pour prendre la mer

Ou la terre sous un autre ciel

Ou un autre ciel sous d’autres anneaux

Jeter à l’eau mes mots

Sous le regard de Julo

Pousser la lourde porte de la Hab Galerie

Occuper ma solitude

Qu’y-a-t-il à comprendre du béton

Que veux-tu me signifier Caroline

A travers ces silhouettes métalliques

Ce tonneau vertical

Ces traces de mains

Dans l’immensité d’un espace sans issue

J’me perds dans ton regard

J’cherche en vain une réponse

Dans ton intention

Quelle est la vocation de ton art

Conter le chaos

Ou nous distraire

Le carnaval des animaux

Des robinets aux larmes d’or

Poser le décor

La place des humains

Et m’endormir

D’une ville lumières aux villes portuaires

Réinventer les échanges entre nos genres

La ville n’est lumières portuaires

Que des rayons d’une lune de tendresse

La ville naît de lumières portuaires

Que des rayons d’une lune de tendresse

Thierry Rousse
Nantes, samedi 21 septembre 2024
"Une vie parmi des milliards"
Caroline Mesquita, “Cuco et co”, Hab Galerie, Nantes

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