» – Combien de vaccins aujourd’hui, Adjudante ?… – Euh… – Que faites-vous? Vaccinez, que diable ! ».
J’imaginais le Grand Chef rouge de colère. Songeait-il déjà aux prochaines élections ?
Peu avant Noël, le Grand Chef avait été testé positif à La Covid. Oui, maintenant, nous disions « La Covid » et j’en ignorais la raison profonde. Encore un coup du sexe masculin ? La femme avait bon dos, coupable de tous les maux des hommes. Le Grand Chef s’était isolé dans un joli Pavillon de Chasse à Versailles. Tout le monde ne chassait pas. Il allait mieux, le Grand Chef. Après cet épisode royal et champêtre, des vacances l’attendaient avec sa Dame dans un Château Fort, sur une île bleue en Méditerranée, à l’abri de la vilaine sorcière de notre siècle. Le Grand Chef avait proclamé ses voeux. Je ne les avais pas écoutés. J’avais décroché, à dire vrai, depuis quelques temps.
France Culture et une nouvelle rentrée prenaient le pas sur cette guerre contre le virus. Mes pensées s’ouvraient sur d’autres sujets. Je me sentais plus libre, plus léger. Préserver ces moments d’écriture, ces temps de lecture m’étaient essentiels. Une bulle d’oxygène dans la brume hivernale. Apprendre de nouveaux mots. Les explorer. En saisir tout leur sens, en goûter leur saveur. Continuer d’évoluer dans cette quête du bonheur infinie, exaltante.
J’avais décidé d’aider notre Roméo de Clisson, enfin, l’aider à s’aider lui-même.
Roméo était parvenu à regarder tout ce qui était beau sur le chemin qu’il avait parcouru jusqu’à ce jour. C’était déjà un premier pas vers le bonheur. Ne considérer que ce qui avait échoué, râté, ne voir que ses erreurs, ses négligences, ne ressasser que ses failles, n’aidaient en rien. Et tout ce qui n’aidait pas était inutile. Il paraissait bien plus constructif à Roméo de regarder ces quelques pierres qui lui permettraient de bâtir que ce toit effondré, des heures et des heures, le regard dans le vide. Au lieu de continuer à dégringoler et dégringoler de son arbre, Roméo avait décidé de s’élever.
« Je voudrais être ton oiseau ! » (*)
Il n’était jamais trop tard pour être heureux. Le bonheur était l’addition de toutes ces joies semées, cueillies et partagées sur les sentiers, même en temps de guerre. Même au temps de la vilaine sorcière, l’amour fleurissait.
« Il faut toute la vie pour apprendre à vivre » disait Sénèque.
Thierry Rousse,
Nantes,
Lundi 4 janvier 2021
« A la quête du bonheur »
(*) « Roméo et Juliette », Shakespeare