Reprendre le stylo
Peut-être le plus difficile
Du désir de le reprendre
à …
Je suis trop fatigué
Je n’ai pas le temps
Je dois faire autre chose de plus important…
Demain, je le reprendrai
Et demain
De nouveau…
La page blanche des petits carreaux
Ecrire, écrire quoi ?
Le confinement était fini
Ma liberté m’avait été rendue
Ecrire quoi ?
Le quotidien du travail
La spirale du temps
entrecoupé de moments de détente?
Détente
D’où venait cette expression ?
Etais-je tendu au travail ?
Concentré ?
Oppressé ?
Est-ce que le travail au contraire me rassurait,
me donnait un cadre, des repères?
J’aimais m’y réfugier
y trouver un sens, une utilité, un but, une nécessité
Le travail pour mieux savourer au bout le moment de détente mérité.
La détente devait-elle à chaque fois être méritée ?
Travailler pour gagner mon beurre
que j’étalais sur mes tartines de pain complet
En conserver
Ne pas tout dépenser
Epargner
Prévoir
Prévoir
C’était encore imaginer un avenir
Voir devant le bout de mon nez
Un pré et des sourires
Me dire que
Demain
Je vivrai
Encore
Que je n’avais pas fini
Pas fini de vivre
Exister encore un peu
Ne pas terminer mes phrases
Gommer les points
Ranger le beurre au frigo
Il en restera encore
Bien une louche
demain matin
Et puis lire
« Sagesse de l’herbe »
Anne Le Maître
« Quatre leçons reçues des chemins »
Lire
C’était rencontrer
Celle ou celui qui écrivait
Rencontrer sa vie
A travers ses mots
A travers ses notes
Deviner son visage
Peut-être se tromper
Les mots
Que pouvaient dire les mots
De nos pensées
De notre âme
N’étaient-ils qu’une annexe
A la périphérie de la vie ?
Rien
Ou si peu
Ou peut-être tout
Une cime
Un précipice
Une rivière
L’étendue d’une forêt obscure
Laissant par-ci, par-là traverser la lumière des astres
Ou juste une clairière
Un miroir d’eau
Une forteresse
Le ciel bleu du Québec
Un froid ensoleillé
Qui nous faisait revivre
Une boule de neige qui nous faisait danser et rêver
Autour du brasero des Nefs
Tout près d’un éléphant en exil
Les effluves d’un vin chaud n’étaient pas loin
Juste à portée de main
Ivresse d’un ailleurs
Inde aux mille visages
Un lieu unique pour le coeur
Chapiteau inondé
Chantiers Navals abandonnés
Et déjà, la nuit
La nuit étincelante de l’hiver
Reflets des candélabres
Lumières jaunâtres
La pluie avait son charme
Petite pause à Taïwan
Rien d’important
Un comptoir
Une table et des feuilles
La femme devant son écran
Elle, juste, reprenait son stylo
Obsever
Relever
Se relever
Apprendre
Se souvenir
Vivre
Vivre encore
« Reconnaissons à chaque oiseau, chaque papillon, sa place sur la planète et nous aurons alors peut-être un jour la joie de le surprendre au détour d’une promenade, comme dans la foule on tombe sur un ami ». (1)
Thierry Rousse
Mardi 27 décembre 2022
Nantes
« Une vie parmi des milliards »
- « Sagesse de l’herbe, Quatre leçons reçues des chemins » d’Anne Le Maître
édition Transboréal