Simplement dormir

Simplement dormir

Simplement entrer dans la nuit

Etait-ce si simple d’entrer simplement dans la nuit

Cogner à sa porte discrètement ?

Pouvais-je m’endormir chez toi

Fermer les yeux là

Oublier le jour

Ne plus penser

Songer

Songer

Une parcelle d’âme dans la nuit

Me laisser traverser par tes doux nuages

Tes cocons flottants

Etourdis

Tantôt blancs

Tantôt gris

Tantôt noirs

Me réveiller en sursaut au milieu de toi

Bain Rouge d’ivresses

Etre accueilli par tes éclats de rire

Ou bien tes cris

Tes grincements d’automobiles

Tes déferlements de trains de marchandises interminables

Où allait ton monde

D’une gare à un port

De la terre à ses océans

Exils nocturnes

Interdits d’exister

M’efforcer à retrouver le sommeil

Me battre avec les plumes de mon oreiller

Oiseau craintif migrateur

Qui avait perdu sa boussole

Les lumières envahissaient mes nuits

Les pensées triomphaient

Occupaient progressivement tout mon esprit

Qui n’avait qu’une hâte

Se lever et passer à l’action

Cocher des cases

Duel entre la déraison de mon âme et la raison de mon corps

Trop tôt bien trop tôt encore

Agacement de ne plus pouvoir simplement dormir

Simplement reposer mes idées

Une bataille se déclenchait

Entre les puissances de jour et de la nuit

Je cueillais cette sombre dame

Je l’observais

Je l’écoutais

Je veillais ses silences obscurs

Qui aimait

Qui travaillait

Qui souffrait

A cette heure

Tardive

ou

Matinale ?

Qui naissait et disparaissait de chaque côté ?

Les nuits étaient bien longues et courtes à la fois

Je lisais tes bobines de mots

Tes fils qui s’échappaient du temps

Qui s’enmêlaient et s’enlaçaient

Toi

Christian Bobin

Natif du Creusot

« Les livres sont des secrets échangés dans la nuit » (1)

Thierry Rousse

Nantes, lundi 6 mars 2023

« Une vie parmi des milliards »

(1) Christian Bobin, « La grande vie », édition Gallimard

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