Tu te promènes avec toi-même
Un vendredi
Une fin d’après-midi
Une faim de reconnaissance
Qui te regardera
Avec élégance
Qui te dira que tu es belle
Que tu es beau
Bohême
Echoué.e au bout d’une avenue
Qui n’en finit pas de descendre
Quarante pieds au bord d’un fleuve agité
Quai de la Fosse
Croisière de guerre
Trêve
Port d’attache
Instant de repos
Tes kilos d’os, de chair et de muscles
Sur le comptoir pesés d’un rhum arrangé
Parenthèse d’un routard
Lève-toi et marche avant qu’il ne soit déjà trop tard
Prends ce tramway qui t’élève sur sa butte terminus
Scintillement d’un lac
Apprécie cette belle vue
Après la chevauchée des monticules de poubelles
Et des longues cités emmurées d’errances
Respire sur un autre monde bienvenu
Opulence d’un regard plein sud
Calligraphie sur ta peau de soie
Pluies de lettres qui dansent
Entre tes courbes sensuelles
L’amour enlace ton corps d’émoi
Souvenir d’un dernier éclat d’étoiles
Avant le crépuscule du cube noir
ONYX
L’autre planète
« Là, quelqu’un » (1)
Qui aura besoin de toi
Et te laissera
Quand il n’aura plus besoin de toi
Qui te photographiera
Qui disposera ton portrait
Sur sa table de chevet
Son travail achevé
L’être seul te renvoie à ta solitude
Théâtre de la vie et des fictions
Une femme de l’autre côté
De l’autre côté de la vitre
Du temple moderne de la consommation
Juste parce que derrière les frigos il fait chaud
Juste ça pour exister encore
Allongée
Des kilos de larmes blotties
Et cachées à l’oeil des caddy qui roulent
Frénétiquement vers les marchandises
Accumulées
Là, quelqu’une
Une boîte métallique vide qui résonne
Qui sait d’où elle vient
Ce qu’elle a vécu cette femme
L’origine de sa présence ici
Des enfants interrogatifs l’observent derrière la vitre
S’approcher ou s’en méfier
L’accueillir
L’inviter
La connaître
Dormir à ses pieds
Tu te promènes avec toi-même
Un samedi
Juste avant le lever du soleil
Tu partiras
Discrètement
Juste avant de souffrir
Une nouvelle séparation
Un nouveau déchirement du coeur
Juste avant ça
De ces ruptures qui déchirent les abîmes de l’âme
De ces mots durs
Ta dernière consolation fut
Y a quelqu’un.e
Thierry Rousse
Samedi 8 avril 2023
« Une vie parmi des milliards »
(1) « Là, quelqu’un » d’Eddy Pallaro, L’Atelier des fictions, Théâtre ONYX, Saint-Herblain, le 7 avril 2023