Le « r » de trop
Pour ce mot
« Mort »
Le « r » que personne
Ou presque
N’aimait dire
Ou n’osait dire
Ou presque
De crainte
De l’appeler bien trop
Vite
« r »
Qu’on expulsait en vain
De ce mot
Penser la vie
La cultiver
L’entretenir
La prolonger
Presque à l’infini
Presque à l’infini
Presque
A l’infini
Reculer l’instant fatal
Du départ
Irréversible
La loi d’attraction
M’incitait
A diriger mes pensées
Vers ce souffle de vie
Ouvrant ma voile
A sa puissance
Divine
Je visais fièrement les cent ans
D’Edgar Morin
Contemplant les cinq doigts de ma main gauche
J’avais déjà bien vécu un demi-siècle
Suivi ses lignes brisées
J’étais à l’aube du second
A l’orée d’une autre main
Plus adroite
Sans doute
Pourtant
L’imprévisible
Pouvait interrompre à chaque seconde mon élan
A tout moment
Un étouffement
Face contre terre
Et je serais là
Corps inanimé
L’âme flottante
D’un bateau sans sa voile
Sans sa voile
Et sans toi
Là
Gisant
Que faire de mon corps maquillé
Raide et glacial
Juste le regarder un instant
Et te dire que mon âme est là
Auprès de ton coeur
Chaque instant à présent
Partout en fait
Parfum d’une rose rare
Dans l’air que tu respires
Comme un baume de tendresse
Comme un baume de tendresse
Roseraie de l’amour
Aux alentours
Regarder les photographies de nos souvenirs
Sur cet écran du crématorium
Les regarder et sourire
Peut-être pleurer
Libérer la peine
De ne plus nous revoir
Du moins comme avant
Nous voir autrement
Maintenant nous ressentir
Nous deviner
Etre à l’affût du moindre signe
Du moindre signe
Entre nous
Secrètement
Aller répandre mes cendres dans ce joli jardin
Que tu auras choisi
Brûler avec tous mes carnets intimes
Entreposer mes livres
Mes musiques
Mes films
Dans cette maison des correspondances poétiques
Et rire
Partager un bon repas
Lire des poèmes
Chanter
Danser
Ecrire
Je serais tellement heureux de te voir être ainsi avec moi en pensée
Vivre cette aventure dont j’ai toujours rêvée
Par moments fugaces
Réalisée
Voici
Un bout de mon testament
Mes spectacles
Des moments de vie ensemble
Une brume enveloppant la vallée
D’un fleuve dessinant ses courbes
Jusqu’à l’océan
Jusqu’à l’océan
Des gouttes de pluie
Ensoleillée
De ton amitié
Tout cet air libre
Libre
Pour nous relier
Thierry Rousse
Lundi 24 juillet 2023
« Une vie parmi des milliards »