Il y avait urgence
Il fallait sauver Noëlle
Un corps seul et transi sur son trapèze
Dans sa hutte
Noëlle qui n’osait plus descendre
Noëlle effrayée à la vue de tous ces monstres
De tous ces monstres accrochés aux balcons
Aux balcons des hôtels particuliers de son quartier
Bouffay
Bouffons
Ces visages de farces sanglantes
Aux traits outranciers
Ces visages qu’on éclairait à la nuit tombée
Que lui voulaient-ils
Que lui voulaient-ils
Ces visages hilares
Riant de ses chutes
Ces masques de pierre
Ces masques de tragédie antique
Ou d’opéras
Ces lanternes colorées de carnavals
Etaient-ils les fantômes qu’on faisait renaître de ces murs
Ces fantômes qui hantaient les rues obscures de sa ville
De sa ville encore marquée des vestiges de son passé
De son passé colonial peu glorieux
Ces armateurs qui avaient enrichi d’édifices
De lieux de divertissements la cité portuaire
La peur rôdait à chaque coin de trottoir
Alors toutes les habitantes
Solidaires de Noëlle
Se mobilisaient pour sauver notre circassienne
Elles commençèrent par planter des sapins
Le long de la Loire sur le quai de la Fosse
Afin de l’aider à se cacher
Puis elles sauvaient le renne géant emmuré
Tout près d’un clocher étonné
Et
Lui affrétant un traïneau
Elles couvraient le bitume de neige
Et le ciel en larmes d’étoiles filantes
Noëlle fuyait ainsi vers l’océan
Déployant ses ailes
Retrouvant sa liberté
La voile de son enfance
Les yeux de sa beauté
Ces yeux qui pétillaient tellement à son approche
Noëlle
Noëlle
Après ce tour du monde de quatre vingt jours
Jusqu’en Indonésie
Pouvait revenir dans sa cité
Rejoindre les mains de son trapèze
Nous amuser
Nous éblouir
L’acrobate inouïe de nos nuits
Les monstres désoeuvrés
Délaissés
Etaient tombés des balcons
Une bonne fois pour toutes disparus
Du port maritime des rues de Noëlle
Nantes resplendissait de son voyage
Le voyage de Noëlle
Sur le manège des enfants
Cette nuit les balcons seraient fleuris de sourires
Et il en était mieux ainsi
Vive Noëlle
Vive Noëlle
Thierry Rousse
Nantes, jeudi 30 novembre 2023
« Une vie parmi des milliards »