Le dernier jour de Clémentine

Terminer deux mille vingt trois espoirs

Par Le Père Noël et ses histoires

ça te disait ce samedi trente décembre

C’était plutôt une bonne idée non

Pas vraiment tu disais sous ta couette à peine éveillée

Oui le vingt quatre décembre était déjà passé je savais et puis

Rêver encore un peu autour de la Terre

Tous les jours ça pouvait être Noël non

Qu’en pensais-tu

Te sentais-tu concernée

Pas plus que ça

Le Père Noël s’était égaré

Encore un coup du Professeur Bouledingue

Mais il finirait bien

Par retrouver sa mémoire

Grâce à ses fameux lutins

Qui étaient venus le voir

Tous motivés ce samedi matin

Marcel se prêtait au jeu

Enfilait son costume

La longue barbe blanche

Les bottes bien sûr

Et le bonnet rouge

Surtout ne rien oublier

Ce dernier samedi de l’année

Le clore en beauté

Marcel s’offrait un cadeau

Après avoir joué

Tout transporté et rangé

Une bonne choucroute bien chaude

Aux Trois Brasseurs de l’Ile Feydeau

Avait-il songé seulement à ce cochon

Ce brave cochon qu’on avait tué

Ce brave cochon qui avait peut-être vécu toute sa vie enfermé

Marcel s’en voulait

Les yeux au fond des poches

Du sang sur les mains

Coupable de ses envies

Il fuyait l’ïle des trois Brasseurs

La ville était si triste

Triste de toutes ces guerres

Alors

Il flânait pour oublier les cris du cochon dans son ventre

Entrait dans un musée

Pour s’abriter de la pluie

Elle était là

Là la culture française

Là en haut des marches

Le Paris des chats noirs sauvages

Une pauvre Clémentine de quinze ans

Qui se faisait appeler Marie

Fille de la Butte

Sa mère était lingère

Et elle après une chute

Devait renoncer à sa carrière

C’en était fini du cirque

Marie serait le modèle de ces peintres de Montmartre

Offrant les courbes nues de son corps à leurs regards

Aux caresses précises de leurs pinceaux

Académie des Beaux-Arts

Elle prendrait la pause des heures durant

En équilibre

Eblouissante

Fragile adolescente

Son métier était assimilé à celui de prostituée

Fille sans fortune

Modèle ou pute

Qui se louait pour quelques sous

Sur la place du marché de Pigalle

Marie la renommée

Serait l’apprentissage de ces artistes

Les chefs d’oeuvre de ces Auguste Renoir

Elle observerait leurs moindres gestes

Elle apprendrait à son tour à manier le pinceau

Etre de l’autre côté du miroir

Ses mains rendraient tout l’or

A ces corps des caniveaux

A tous les corps usés de la vie

Elle les surprendrait cachés dans leur intimité

Toulouse-Lautrec reconnaîtrait son talent

Elle la Marie des trottoirs

Deviendrait dans un portrait

Suzanne Valadon

Clémentine avait enfin un nom

Dans les cercles des Salons mondains

La pluie avait cessé

Marcel traversait le Jardin des Plantes

Perdu dans ses pensées

A la recherche du Père Noël

De Marie

De Suzanne

Et de Clémentine

Et de Clémentine

Thierry Rousse

Nantes, dimanche 31 décembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

« Suzanne Valadon, un monde à soi », Exposition du 27 octobre 2023 au 11 février 2024, Musée des Beaux-Arts, Nantes

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