Vivre sous le seuil de pauvreté
Finissait par t’épuiser
Au fil de ces années
Marcel
A toujours compter
A toujours espérer
Pouvoir vivre
Un peu plus serein
Le mois prochain
Être un peu plus libre
Juste un peu
Juste
Vivre sous le seuil de pauvreté
Réduisait quoiqu’on disait tes possibilités
De relations
De sorties
De moments partagés
De rencontres idylliques
Venise engloutie rêvait toujours de palais
Et de gondoles romantiques
Bien sûr
Il te restait un petit noyau d’amis
Marcel
Tes camarades
Tes sœurs
Tes frères
Qui luttaient comme toi
Pour sortir leur tête à la surface
D’autres s’accomodaient de leur pauvreté, en faisaient une alliée, déployant de formidables kits de survie et de plongée en apnée
D’autres voyaient en la sobriété l’hymne du nouveau monde
Ces adeptes semblaient vivre de peu
Peut-être d’une rente
D’un héritage
D’autres avaient vécu ou avaient connu une certaine expérience de la pauvreté
Et voulaient vraiment t’aider
T’encourager
Ces petits noyaux étaient des perles
Des oasis dans ton désert
Marcel
Vivre sous le seuil de pauvreté
Peu à peu te cantonnait
A des lieux précis
Voire conçus pour accueillir les pauvres
Collecter leurs soucis
Des lieux où il y avait toujours une fin solidaire
Restaurant solidaire
Épicerie solidaire
Café solidaire
Friperie solidaire
Garage solidaire
Vie solidaire
Solitaire
Au soir venu
Vivre sous le seuil de pauvreté
T’apprenait à vivre dans une société parallèle
Composée d’allocations
De primes d’activités
D’aides coups de pouces
De micro-crédits
De mobicartes
De cartes blanches
De transports solidaires
De Cmu
De chèques vacances
Vivre sous le seuil de pauvreté
T’apprenait ou t’incitait à rester
Juste au seuil sous la limite de ton coefficient
Au risque de perdre tous tes avantages acquis
Au risque de voir chaque dépense passer à son prix fort
Chose Impossible à assumer
Si tu passais tout juste au-dessus du coefficient
Vivre sous le seuil de pauvreté
Te marginalisait peu à peu
Atteignait ton sommeil
Tes habitudes alimentaires
Ta santé mentale
Ta santé physique
Ta confiance
Ta légitimité à être aimé
Embrassé
Cajeolé
Vivre sous le seuil de pauvreté
Était un cercle vicieux dont tu ne voyais plus la sortie
Cage dorée
Brume nébuleuse
Caste privée
Où tu te retrouvais
Piégé
Vivre sous le seuil de pauvreté
Te faisait fuir ceux que tu voyais se détruire
Des loques ambulantes
Puantes
Étalées dans la rue
Dans la pluie
Dans le froid
A quémander de quoi manger
Une cannette de bière à leurs pieds
Comment ces êtes déchus en étaient arrivés là
Encore plus bas
Enfants pourtant ils avaient été
Tu en venais
Adultes
A les juger
Les rejeter
Dans leur errance
Leur apparence
Leur souffrance
« Dans la dèche de Paris à Londres »
Pour rien au monde
Tu ne voulais devenir Orwell
Connaître la misère pour l’écrire
Marcel
Vivre sous le seuil de pauvreté
Et travailler pourtant
Travailler auprès d’enfants
Dans les écoles publiques
Connaître ces semaines gruyère
L’impression d’être toujours au travail
Dans les transports
Dans les préparations d’activités
Pour au final gagner une maigre pitance
A peine sept cents euros par mois
Pour les plus bons mois
Quand tu n’étais pas malade
Quand tu remplissais bien ton agenda
Vivre sous le seuil de pauvreté
Questions et réflexions entre deux strophes presque poétiques
Presque
Éthiques
Était-ce permis
Comment l’institution française n’était pas en capacité
De combler les trous du gruyère
D’assurer un minimum de trente heures hebdomadaires
Et un digne revenu
A celles et ceux qui contribuaient dans leur discipline artistique au bien-être et à l’éducation des enfants dans les écoles
Tu te demandais
Marcel
Macaron avait-t-il la réponse dans son château d’argent
Prince charmant
Et saltimbanques
Bulle de savon
Champagne
Et puis j’oublie
Vivre sous le seuil de pauvreté
Et faire semblant de ne pas être pauvre
Faire semblant d’appartenir au monde normal
La tête haute
Défendre ce qu’il te restait de dignité
Marcel
Tout était dans le vêtement
Propre
Irréprochable
D’une couleur unie
Noire
L’attitude
La parole
Le
Je vais bien
De rigueur
Avec le sourire qui va bien
Tout allait bien
Sous le seuil des tabous
Tout allait bien
Vivre sous le seuil de pauvreté
Quand l’heure était venue de refuser
La misère
De tout ton être
Vivre sous le seuil de pauvreté
Juste indécent
Ce consentement
A quand la prochaine révolte
D’un peuple insoumis
Rien à l’horizon
Que des promesses et matraques
Contente-toi de ce que tu as
Et sois heureux
Marcel
Proverbe des sages
Vraiment
Vraiment
Vivre sous le seuil de pauvreté
Les lèvres de la lune sont beauté
Et l’éclat du soleil majesté
Majesté
Thierry Rousse Nantes, samedi 17 février 2024 "Une vie parmi des milliards"