C’est vous qui toussiez dans la rue
Me demandait la secrétaire d’accueil
La secrétaire d’accueil
De la jolie maison du quartier
Toute verte
Moi
Est-ce que c’était moi qui toussait dans la rue
Je jetais un oeil dans l’entrebâillement de la porte
La rue était déserte
Je me tournais vers elle
L’interrogeais du regard
Dans son étroit bureau
Madeleine
Ainsi je la nommais
Craignait les inconnus qui toussaient dans la rue
Je me présentais à elle
Lui demandais s’il y avait à tout hasard une salle disponible pour répéter la semaine prochaine
Je lui expliquais tout du pourquoi
L’objet de cette affaire urgente
Lui déclinais
Mon matricule
Mon pedigree
Mes origines
Je ne venais pourtant pas d’une maison du quartier
D’ailleurs
Que n’avais-je pas demander là
La Lune à Madeleine
Je sentais sa confusion sa gêne
Et ses réponses déjà toutes faites
Avez-vous contacté le service de location des salles
Oui naturellement
Et bien
Écrivez-nous un mail
Je n’avais pas la réponse à ma question
Madeleine
Une salle était-elle disponible oui ou non
Mystère et boule de gomme
Dans le secret des maisons
Je repartais avec ma question en l’air
Heureusement le ciel était d’un bleu limpide ce mardi
Un film se tournait dans la rue
L’homme qui toussait
Il y avait longtemps que je n’avais pas vu si bleu si grand le ciel
Dissimulé sous ces innombrables cotons de pluie
Barbara acquiesçait
Elle et moi marchions
D’un commun accord
Sur la ligne verte
Je longeais avec son ombre le quai de l’île Feydeau
L’ancien port des armateurs trafiquants d’esclaves
Des milliers de corps noirs soumis
A qui ces visages blancs bouffis de graisse et de barbe
Devaient leur fortune
Je traversais le potager qui se réveillait de son long sommeil
En face dans le jardin de Jean-Baptiste
Il y avait deux silhouettes assises sur un banc
Deux parmi le vide
Un jardin déserté
Des migrants relogés
Square Daviais
Où ces deux jeunes colombes s’étaient posées
Et se nourrissaient de baisers
Je grimpais la colline
Rue Jean-Jacques Rousseau
A son sommet m’attendait la nouvelle caisse de mon petit écureuil
Ce gentil petit écureuil me remettrait ma nouvelle carte bleue
Bleue
La matinée était vraiment d’un bleu parfait
Place Graslin face à l’Opéra
Je nageais
Je sonnais
La porte transparente
Au bout d’un long moment
Finissait par glisser
J’entrais comme un prince royal
Le vent en poupe
La sensation soudaine d’être un homme riche et respectable
Le tapis rouge amortissait mon atterrisage
Les employé.es exquis des deux sexes
Jeunes, élégant.es, belles et beaux me souriaient
Luxe
Calme
Et volupté de cette banque
Trésors d’argent
Tapis rouge volant
Nouvelle vie
Au-dessus des lignes de flottaison
La cargaison s’offrait à moi
Dans la cour du roi Soleil
Et de son prestigieux hôtel
Je relevais la tête
Cinq minutes de soleil et plus
Je me faufilais dans les ruelles
Direction la médiathèque
Un homme dont il ne restait que la tête
Se cognait à un cube immense décidé à ne pas bouger
Triste sort face à lui-même
Quand il n’avait qu’à contourner l’obstacle
Pour entrer
Prendre la clé des champs
Ce que je fis aussitôt
Par l’emprunt de ces livres
Dernière évasion possible
« Dans l’univers de Bonnard »
« Le livre des beautés minuscules »
« L’arbre m’a dit »
« Trente poèmes pour célébrer le monde »
Cinq minutes de soleil et plus
Chercher mon Bob
Entre les jets d’eau
Les arbres roses en fleurs
Le trouver
Dans les musiques du monde
Un reggae éternel
Mon Bob était en vie
Je repartais avec lui
Une dernière escale au pays basque
Un plat du jour exquis pour douze euros
Le bon plan des routards
Je n’ai pas dit un pétard
Cinq minutes de soleil et plus
Faire durer l’instant
Douze douceurs
Toi et moi Barbara
Et tant pis pour Madeleine
Et tant pis pour Madeleine
Aujourd’hui brillait le soleil
Thierry Rousse Nantes, mardi 27 février 2024 "Une vie parmi des milliards" Titres cités : "Dans l'univers de Bonnard", Sophie Comte-Surcin et Caroline Justin, Belem - "Le livre des beautés minuscules" Carl Norac et Julie Bernard, Rue du monde - "L'arbre m'a dit" Jean-Pierre Siméon et Zaü, Rue du monde - "30 poèmes pour célébrer le monde", Belin