Raconter l’histoire du théâtre en une chanson
Tu te fous de moi dis tu me prends pour un con
C’est quoi au fond ton délire
Raconte-moi une fois j’ai bien envie de rire
Ton banal gymnase alors c’est ça
Alors c’est ça le théâtre c’est ça
Un gymnase des années 80 c’est ça juste ça
Et cette espèce de folle qui raconte des histoires
Que je n’y comprends rien à ces histoires
A cette hystérique qui vocifère
Qui de son allure outrancière n’a que faire
Alors le théâtre commence ainsi
A l’origine des cris des fantaisies
Et ce travesti qui rapplique
J’attends toujours sa réplique
Et le public ah le public
Sur les gradins ce serait pas ma foi le choeur antique
Et les comédiens tiens les voici en avant la zique
Alors ça serait ça d’abord ça un effort physique
La performance tout donner
Tout donner jusqu’au bout avant de tomber
Parce que c’est ça qu’il attend le public
Que tu lui donnes toutes les tripes de ton art lyrique
Que chaque effort soit pour lui une prouesse
Que l’impossible excite en lui sa liesse
C’est en toi qu’il vit tout ce qu’il aimerait vivre
Aller au delà de lui-même être ce qu’il rêve de franchir
Le théâtre ne serait-il qu’une affaire d’hommes
Et de femmes qui veulent être aussi des hommes
Crois-tu que dans cette compétition
Il y a une place à notre communion
L’union fraternelle d’une compagnie
Qui vient à ta rescousse et sourit
O toi la violoniste sur ta poutre en équilibre
A répéter inlassablement les mêmes mouvements te sens-tu vraiment libre
Ou toi le coureur à pied as-tu choisi de courir
Ou est-ce ce tapis roulant qui t’oblige à courir
Balancer tes mots comme une urgence
En cette fin d’humanité briser ses silences
Dire jouer célébrer l’instant de la beauté
Nous relayer nous retrouver reliés
Unis et dignes d’aller jusqu’au bout
Quitte à ce qu’on nous prenne pour des fous
Aller jusqu’au bout
Aliénés
De ce qui nous a fait naître
Être ou ne pas être
Le théâtre ne serait-il qu’un spectacle populaire
Qui ne se résumerait qu’à un seul air
Peut-être bien que je réfléchis à voix haute avec toi
Peut-etre bien que j’ai envie de marcher avec toi sur les toits
Et de te dire que c’est dans sa force sa volonté son indéfectible amitié
Son épuisement, ses encouragements sa fidélité que le théâtre trouve là toute son utilité
Le théâtre c’est avant tout des corps
Qui parlent à d’autres corps
Entre corps on se comprend on sue
Sous notre costume de parade on est nu
Nu au milieu d’un monde illusoire qui s’effondre
Un plancher inondé à éponger avant de fondre
Sous un soleil de plomb
Derniers bonds
Avant la mort de notre public
Fin tragique
Des pom pom girls et leurs fanions
Pour la culture et l’éducation plus guère de pognon
Vestiges d’humanité
Souvenirs de liberté
Sous les bourses des guerres
La course au nucléaire
Quels mots étaient écrits sur la pierre
Quel sens avais-tu compris à hier
Le théâtre pareille à une femme
Ne se donnait que par petites touches à ton âme
Le théâtre tournait à la dernière fin sur lui-même
Pour t’élever au plus profond de toi-même
Il te restait ça Marcel
Le sourire de Louise et un bout du ciel
Allez chauffe Marcel
Il te reste ça Marcel
Il te restera ça Marcel
L’histoire du théâtre raconté
Par Miet Warlop avant qu’il ne cesse d’exister
Avant que les derniers robinets de la création
Ne soient à tout jamais soumis à leur destruction
Quand viendra l’heure de la fin de la pensée
Viendra l’heure de la fin de l’humanité
Trois coups de marteau
Sur nos maux
Voici mon ultime déclaration
Au micro
Presque un hymne de rébellion
Les genoux dans l’eau
Théâtre je t’aime
Et c’est avec toi que je veux écrire ce long poème
Qu’importe le nombre imparfait de nos pieds
Nous sommes tellement de voix nombreuses à vouloir exister
Théâtre de toi j’ai envie
Pareils aux seins innocents d’une femme
Théâtre tu es toute ma vie
Et de mon cœur qui se languit
Jaillit la plus belle prunelle de tes flammes
Théâtre juste avant la fin de l’humanité
Il nous reste encore un peu de temps toi et moi pour nous embrasser
Juste pour nous embrasser
Dans les caniveaux
Et les ruisseaux
Un long et dernier baiser
Un long et langoureux baiser
Sur nos mots
Rideau
Thierry Rousse Nantes, samedi 23 mars 2024 "Une vie parmi des milliards" D’après le spectacle “One Song - Histoire du théâtre IV” de Miet Warlop, vu au Lieu Unique de Nantes le mercredi 20 mars 2024