Il est des lieux
Des moments
Où tes mots lus à voix haute
Passent sous silence
Rien
Personne ne vient te dire un mot
Rien de ce qu’une oreille a ressenti
Rien
Aucun commentaire
Tes mots ont-ils laissé tout le monde monde indifférent
Tu leur avais offert tes mots
Et tes mots te restent comme un bouquet entre tes mains
Et dans leurs discussions autour d’un verre
Tu es planté là comme un être invisible
Tu cherches à te frayer un chemin
Avoir une contenance un verre à la main
Tu te rapproches du monde
L’écoutes
Cherches à entrer dans ses conversations
Personne ne te regarde
C’est sûr maintenant
Tu es l’homme invisible
Tu pourrais être là
Comme ne pas être là
Qu’est-ce que ça changerait au fond
Alors tu regardes tous ces livres
Tu t’occupes comme tu peux
Pour sembler exister dans le monde
Etre affairé
Débordé
Pour ne pas avoir à livrer aux regards du monde l’état de ton désarroi
Boire
Grignoter
Occuper tes mains
Chercher les toilettes
Les toilettes se trouvent bien quelque part cachées
Le refuge idéal pour sortir de cet enfer
Quand l’enfer est devenu les autres
Sartre avait-il raison
Dans ce huis clos
Quand tu te sens vraiment inexistant
Le téléphone devient ton sauveur
Appeler qui tu peux
Te relier à une personne qui t’écoute et te parle
Sortir enfin de cet enfer
Rejoindre une petite bulle de paradis
Pourtant l’échec est bien là
Bien présent
Ce silence et ce rien
Tu as tort pourtant de te méfier des apparences du monde
Une voix vient enfin discrètement te parler
Te dire
Comment tes mots ont réveillé en elle une partie oubliée de son existence
La voix te remercie
Te partage un brin de sa vie passée
Et tu revis
Tes fleurs portaient ce soir-là un parfum invisible
Il est d’autres soirées ensoleillées
Que tu as envie de prolonger
Déambuler dans les allées
N’être qu’un piéton nomade
Entre luisants pavés
Et coulée verte
Un air de liberté
L’été semble avoir remplacé pour de bon l’hiver
Mais la vie franchie à chaque pas t’a appris
Que rien n’est vraiment acquis
Alors en profiter
Répondre à tes envies
Avant que ne revienne Madame la pluie
T’asseoir à une terrasse
Où trouver ta place
Pour observer le monde
Traversé de ses ondes
Commander un couscous
Pensées mélancoliques et douces
Revoir les remparts d’Essaouira
Un tramway te sourira
De ses couleurs vives
Un dimanche soir
T’offrir le temps d’un répit
Avant que cette douleur ne te relance
Sur toute ta joue comme une lance
Te prenne jusqu’aux tripes
Mal de dents
Mal d’amour
Quand à la vie tu t’agrippes
Instant fragile
Tu te faufiles
Dans ces divertissements
Pour échapper au défilement
Des années
Des journées
La scène aux Fleurs du Malt est aux Drag Queen
Entre extravagance et spleen
De leurs métamorphoses
Ces artistes défendent leurs causes
Le droit d’exister
Dans leur propre identité
Homme
Femme
Mélangés
De quels sexes
Es-tu né
Un peu des deux
Si ce n’est des dieux
Pensées vagabondes
Sur les cimes du monde
Les résultats sont tombés
De quelle Europe rêves-tu
Quand montent les extrêmes
Aucune cause n’est trouvée à ton mal
Tu souffres en silence
Comme notre Mère la Lune
Incapable d’éclairer ces cœurs perdus
Il est des lieux
Des moments
Où tes mots lus à voix haute
Passent sous silence
Mais méfie-toi des apparences
L’amour entre en résistance
Thierry Rousse
Nantes, mardi 11 juin 2024
"Une vie parmi des milliards"