Quand je vis cette nuit ma photographie
Froissée dans ta poubelle
Je compris que tes mots de bienvenue
Ne duraient que le temps d’une expression
Tu m’parlais des autres formidables
Et j’les trouvais effectivement formidables les autres
En c’qui me concerne tu disais peu de mots
Ton silence résonnait comme un vide dans ma maison
Une question sans réponse au fond de mes réflexions
Quelle image te faisais-tu de moi
Ma question était restée sur ce trottoir
Comme un courant d’air
Aujourd’hui j’ai tiré ma révérence au monde
Je m’en suis allé sur des chemins champêtres
Du côté de la mer
Les albatros m’ont raconté leurs périples
M’ont montré à chaque étape tous leurs nids
J’ai compris l’odyssée d’un exil au-dessus des déserts des châteaux et des palais
Combien faut-il en traverser des nuages
Des brumes des orages
Pour percevoir d’un visage
Ne serait-ce qu’un rivage
La vie est à la fois un si long et un si court voyage
Une photographie une nuit froissée à la poubelle
Suffit à en briser ce qu’elle a de plus belle
Je suis aujourd’hui au fond de cette corbeille
Et de l’ombre je m’en émerveille
C’est qu’il y a à la surface
Un soleil au coeur de cet abîme universel
Là où tout au fond de son iris j’me vois
Son regard m’élève jusqu’à lui
Un oiseau franchissant les frontières
Avec l’audace de son ramage
Il voit bien dans la brume qui luit
Un marais de toutes les couleurs
Sur les briques d’un pub irlandais
Les fleurs du bien une lande sauvage
Qui du spleen à la terre le retient
Quand je vois maintenant son portrait sur ses murs
Je comprends que la poésie
Ouvre une pléiade de fissures
Elle laisse entrer dans chaque obscurité de l’hiver
Doucement dans mon cœur sa tendre lumière
De la voix de tant de slameuses et slameurs
Tant d’écume bouillonnante déferlante de chaleur
Les fleurs du bien ici
Poussent dans la bière
Naissent parfois de petits riens amers
Sous ses lampadaires
Un mercredi au soleil couchant
De leur encre qui se répand
Thierry Rousse
Nantes, mardi 29 octobre 2024
“Une vie parmi des milliards”