« A la quête du bonheur ».
Je venais de réaliser mon erreur en attribuant ce titre au blog que j’avais commencé d’écrire lors du premier confinement, deux années déjà écoulées, inattendues, étranges, angoissantes, révoltantes, joyeuses, tendres aussi.
Tant que j’étais à la quête du bonheur, je ne pouvais pas être heureux.
Le bonheur ne se demandait pas.
Demander le bonheur à l’autre, c’était comme lui demander « une petite pièce à son bon coeur ».
Demander le bonheur à l’autre, c’était dépendre de lui, de cet être qui me donnerait le bonheur s’il l’avait décidé.
Ce bonheur ne pouvait qu’être éphémère et fragile.
Si l’autre avait décidé, d’un coup, de se retirer de ma vie, ne plus m’écrire, ne plus me voir, je me retrouvais aussitôt anéanti, perdu au milieu d’un jardin, où le soleil, aussi radieux fusse-t-il, ne pouvait plus réchauffer mon coeur.
La peur de l’abandon était ancrée dans mon corps depuis l’enfance, malgré moi.
On n’écrivait pas sa vie quand on était tout-petit, on ne savait pas encore écrire, d’autres l’écrivaient pour nous, alors, on la subissait. Parfois, on se retrouvait comme l’enfant rejeté des autres, qui n’aurait jamais dû naître.
Je pensais avoir trouvé maintenant un bouclier, insensible aux aléas du monde.
Et, pourtant, je me retrouvais désemparé, affolé, ne sachant plus auprès de qui recevoir du réconfort.
J’avais beau entrer dans une librairie, parcourir les livres, ceux-ci ne parvenaient plus à remplir mon âme de joie. Je la quittais, marchant au bout d’une rue sans savoir qui m’attendrait au bout, qui me dirait les mots qui sécheraient les larmes de mon ciel.
J’entrais dans la nuit à la recherche d’une étoile qui me ramènerait à la vie.
Une longue nuit parsemée de sourires.
J’avais perdu mon bonnet rouge.
Je fis demi-tour, j’entrais de nouveau dans la librairie.
« Devant soi », un joli nom pour une librairie.
Devant moi, mon bonnet rouge était là, posé entre les livres.
Je cherchais des livres qui portaient le mot « nuit ».
« Histoires de la nuit », « La nuit des béguines », « La nuit aveuglante », « L’ombre de nos nuits », « La nuit juste avant les forêts », « Vol de nuit », « La nuit du coeur ».
Poésies de la nuit qui se livrait.
La poésie touchait à l’essentiel quand elle abandonnait son bouclier de rimes. Ses pages étaient alors des correspondances d’âmes et de coeurs blessés remplies du désir d’un amour si pur.
Le bonheur, je devais le vivre, ici et maintenant, à la bonne heure de l’instant léger, gracieux comme une plume.
La « Cocotte Solidaire » sur son île de paix devenait mon repaire où il faisait bon échanger, rire, chanter, danser, contempler la rivière, les fleurs, les rochers, les arbres-nuages, inventer des projets pour nous enrichir les uns des autres, des projets qui donnaient sens à la vie.
Le bonheur, il était en moi. Aimer, simplement. Simplement, aimer chaque instant, chaque vie.
Renouveler mon amour à l’infini, un amour qui ne cherchait pas à posséder l’autre, ni la Terre, ni le ciel, ni la rivière, ni les rochers, ni les fleurs, ni les arbres-nuages.
Autant de vies, autant d’amours.
Poser sur une page mon coeur, parce que, sans doute, je n’étais pas le seul à être traversé par le doute, les questions, les peurs, les histoires du passé enfouies qui remontaient parfois à la surface de l’eau.
Ecrire les lettres qui dansaient dans le ciel de l’hiver, le miroir des anges.
Au bout de la rue, m’attendaient mes amis.
A la bonne heure, je les prenais dans mes bras alors que Monsieur Julon criait : « Distanciation sociale ! Gestes barrières ! « .
Je sautais les barrières pour serrer contre mon coeur tous ces anges que j’aimais.
Ces deux années sans contacts m’avaient épuisé, vidé.
Du vide, ne pouvait naître que le meilleur à venir.
Thierry Rousse
Nantes, mercredi 12 janvier 2022
« A la bonne heure ».