A Missak Manouchian

Dans le fourgon

Te menant

Au Mont-Valérien

Toi et tes camarades de la Libération

Aux yeux de l’occupant

Etiez perçus comme des vauriens

Vous avez été torturés

Pour balancer vos pairs

Et toi tu n’as rien dit

Roué de coups

Le corps ensanglanté

Sur le quai de ton martyre

Entre les barreaux de votre fourgon

Tu voyais deux bouches s’unir

Dans ce Paris insouciant

Le long d’une Seine romantique

Sous des lampions aveugles et sourds

Des lèvres chantaient avec légèreté

Y’a de joie

Voulait-on nous faire croire

A cette douce félicité

A ces pluies de baisers

Quand dans les fours crématoires

Périssaient enfants et parents

Au nom de leurs origines

Au nom de leurs croyances

Quel être digne aligné au ciel

Pouvait se soumettre à de telles lois

Tourner les regards

Vers ces guinguettes

Vers ces divertissements

Quand on rasait

Dans l’indifférence

Les têtes des innocents

Quand on faisait couler impunément

Leur sève

Dans les sous-sols et les camps

Missak

Toi à l’âme intègre

T’avais quitté la poésie

Pour un juste combat

“Ivre d’un grand rêve de liberté”

Mais t’avait-t-elle au fond vraiment quitté

La liberté

Cette muse de toute beauté

Les saveurs de tes rimes

Exprimaient tes plus intimes désirs

La poésie les avait gravés sur ton cœur

Les saveurs de ces hymnes

Exprimaient tes plus profonds désirs

Tes mots avaient été publiées sur tous les murs

Et ta mémoire

Au Panthéon

Enfin avait été enfin honorée

En cette “Douce nuit d’été”

Reste ton livre

Je voudrais m’abreuver

De chacun de tes mots

Les parfums de tes origines

Me ravissent

Me délivrent

Le bonheur n’appartient pas à la haine

Le bonheur n’appartient pas à la haine

C’est ma croyance

Et tes mots offerts me sont présence

Dans le train de l’absence

La lecture de chacun de tes poèmes

Mérite à chaque instant mon attention

Un flottement au-dessus du temps

Goûter du bout des lèvres tes pensées

Avant d’y revenir

M’y plonger tout entier

L’éveil de mon désir

Un dimanche

Une matinée d’été

Attendait

Ton retour

Sur le quai d’une gare

Quelque part

Je retourne à ton combat

Pure exaltation de la beauté des sentiments

Qui peut nous assurer

Que l’horreur n’arrivera plus

Que la démocratie sera toujours bien protégée

Que les silences toujours seront brisés

Que la poésie ne finira pas en fumée

En rivières de sang

Oubliée

Thierry Rousse
Nantes, juillet 2024 et jeudi 5 septembre 2024
« Une vie parmi des milliards »
Missak Manouchian, "Ivre d'un grand rêve de liberté", Points Poésie

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