DES NOTES SENSIBLES

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Pourquoi fallait-il que les notes sensibles

Se terminent toujours ou presque

Dans la déchirure d’un coeur

En été

Inès venait d’emménager

Les plantes étaient son bonheur

Ses premiers amis

De l’autre côté de la cloison de son appartement

Elle entendait Mozart

Les notes d’un violoncelle

La chaleur d’une voix

Elle finissait par l’apercevoir

D’abord de dos

Une silhouette sur le trottoir fuyante

Puis de face remontant l’escalier

Elle se précipitait pour descendre

Le croiser

Et avec malice le dévisageait

Mozart avait pour prénom Vendello

Tout le charme de l’Italie

De Florence ou de Venise

L’homme rêvé d’une jeune femme

De cette jeune femme précisément

Récemment installée à Paris

Tout près du Canal Saint-Martin

Inès

Inès Mozart

ça sonnait bien

Le début d’une nouvelle vie

Inès enseignait l’anglais à des élèves du Conservatoire de musique

Et Vendello Mozart était musicien comme par hasard

Le destin les fit se rencontrer

Un beau matin

Sur le même chemin

Mozart Vendello ne faisaient plus qu’un dans son coeur

Le bruit de sa clé ouvrant sa serrure

Ses pas

Ses notes

Sa voix chantante

Ses partitions nostagiques

La berçaient de doux songes chaque nuit

L’homme se montrait courtois

Agréable

Toujours prêt à lui rendre service

L’accueillir

Partager une boisson

Un thé

Un café

Un verre de vin

un goûter

Un dïner

Homme toujours délicat

Qui savait l’écouter

Lui offrir des présents qui la touchaient

De nouvelles plantes rares

Ou ses pâtisseries préférées

Ou encore une sortie à l’Opéra

Inès savait en faire de même pour Mozart

Une parfaite amitié les liait l’un à l’autre

Jour après jour

Inès se sentait éprise de sa gentillesse

De son charme

De son talent

Glissant pas après pas

De l’amitié à l’amour

Discrètement

Sans lui dire mot de ses sentiments

De ses rêves intimes

L’été arrivait

Et Mozart était pris d’une envie de sortir de ses murs

Aller quelque part

L’inviter

Une journée dans un jardin

Un week-end à la mer

Une semaine en Italie

Elle en avait tellement envie

Etre avec lui

Rien qu’avec lui

Et pourtant elle refusait chaque sortie

Jamais il ne lui en tenait grief

Déception

Amertume

Rancune

Toujours il restait souriant

Attentionné comme au premier jour

Alors pourquoi refusait-elle

De quoi avait-elle peur

De ses propres sentiments

Que ses rêves ne se brisent contre des récifs

Peur de l’inconnu

Peur qu’elle ne bascule

Espérait-elle qu’il fut triste à ses refus

Mozart

Il l’embrassait dans le creux de sa main

Un baiser qui se posait là

Comme la caresse d’un ange

L’instant d’un silence ému

Et déjà Inès rêvait de se blottir contre lui

D’être son petit oiseau chéri

Sa demie

Son âme soeur

L’élue de son coeur

Lélue de Mozart

Toutes les notes de son violoncelle

Tout le souffle de sa voix

Jusqu’au jour

Jusqu’au jour

De la tempête

Inès partit peu après la fin de son concert

Lasse de l’attendre à cette heure tardive

Ce Mozart adulé par ses admirateurs

Déjà elle le voulait tout à lui

Dans la nuit où la Lune luit

J’arrive lui disait-il

Je suis à toi

Je te suis

Inès le fuyait

Mozart était-il vraiment à elle

Un ami certainement

Avait-elle senti quelque chose

Ce pouvoir de l’intuition

Du non-dit

Qu’il ne serait jamais plus qu’un ami

Jamais son compagnon

Ce qu’un coeur embarrassé dissimule

Ce qu’un coeur enfin avoue

J’ai un amant

Répondit Mozart

Puis il s’en est allé

A déménagé

Inès a pleuré

Tous les nuages gris du ciel

Tous ses rêves brisés

Eparpillés dans son appartement

Entre ses plantes assoiffées

Paris un été cloîtré

Le vide derrière sa cloison

Plus aucune note ne sonnerait

A la porte de son coeur

Plus aucune fleur

Qu’un espoir fâné

En attendant l’hiver

Vivaldi ou Litz

Pourquoi fallait-il que les notes sensibles

Se terminent toujours ou presque

Dans la déchirure d’une belle mélodie

Sur un tapis de feuilles éparses

Un été à Paris

Thierry Rousse

Nantes, mercredi 29 novembre 2023

Inspiré du roman « La note sensible », Valentine Goby, éditions Gallimard

« Une vie parmi des milliards »

LE VOYAGE EN HIVER DE NOELLE

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Entrer dans l’hiver

Passer l’hiver

Sortir de l’hiver

Comment

Quand les heures du soleil diminuaient

Trouver du réconfort

De l’émerveillement

Dans les illuminations de la ville

Instants fragiles

Saveur d’un vin chaud

Glâner l’odeur

D’un chocolat

D’une tartiflette

D’une gauffre

Ou d’une crêpe à la Chantilly

Aux tarifs bien trop exorbitants

Pour tes chétifs revenus

Te laisser aller au gré des rues

Trouver la tendresse quelque part

Des regards croisés dans les bars

Charly Blues au Live Bar Bars

Musique et corps en liesse

Jusqu’aux cloches d’une abbaye

Tombées un dimanche matin

Dans l’eau des douves d’un château

Complies ou matines

Les deux moutons d’Ouessant étaient revenus

Veillant à leur sécurité

Un peu plus loin

Maman Noël veillait sur eux

Juste équité

Sans mère il n’y aurait point de père

Voyage spatio-temporel

De Fontevrault à nos jours

Une femme pour entrer dans l’hiver

Passer l’hiver

Peut-être pour changer d’ère

Un voyage en hiver pour ne plus dire Noël

Mot prescrit aux oubliettes

Retour aux fêtes originelles païennes

Pourtant dans cette nouvelle rupture de tradition

Un sursaut inaugural de voix

Au dernier instant pour redire Noël

Tout en choeur en communion

Presque en compassion

Et répéter Noëlle Noëlle Noëlle

Avec deux ailes

Car dans le fond

De quoi avions-nous le plus besoin

Si ce n’était de la rencontre des êtres

Si ce n’était de paix

D’amour

De soins

D’un toit

D’un repas

Et de bons moments ensemble

Cette image d’un enfant

Venu vivre et prêcher cet amour inconditionnel de la vie

Car dans le fond

Comment voulions-nous voir la nuit

Chimères ailées

Ailes brisées

Monstres

Ou

Anges prophétiques

Frayeur

Ou

Douceur

Violence

Ou

Naissance

Vagues retentissantes

De clocher en clocher

Annonçant une trève

Enlacements d’humanité

De sobriété

De simplicité

De solidarité

Pas de côté pour un baiser

Maison de change

Maison d’échanges

Correspondances poétiques

Danse des désirs

Tremblements romantiques

Entre Nantes et l’Océanie

Nantes et Djibouti

Nantes et l’Ukraine

Nantes et la Palestine

Nantes et le Sénégal

Nantes et Saint-Domingue

Nantes et bien d’autres pays

Tant de liens à créer

A recomposer

Coeurs morcelés

Rivières enfouies

Voyage en hiver

Pour suspendre les guerres

Pour de la terre

Faire jaillir les colombes exilées

Le voyage de Noëlle à Nantes

Un monde à guérir

Un monde à vivre

Thierry Rousse

Nantes, dimanche 26 novembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

DEPENSES

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Penser

Ou ne pas penser

Dépenser

Se dépenser

Vagabonder

Batifoler

Avais-tu calculé tout ce que tu pouvais dépenser

En une journée

D’utile ou d’inutile

En une semaine

En un mois

Une année

Une vie

Des coups de pied dans un ballon

La dépense de tes pas

De tes vagues à l’äme

De tes baisers

De tes pensées

De ton énergie

De tes envies

De ton temps

De ton argent

De tes émotions

De tes confusions

De tes sentiments

De tes tourments

De tes paroles

De tes envols

De tes actions

Et inactions

De tes rires

De tes pleurs

Dépenser jusqu’au jour de l’impossibilité de dépenser

Pause céleste

Retour à la terre

Dépenser sans compter

Sans calcul

Ou dépenser avec une vague approximation de ce que tu pouvais dépenser

Toute dépense était relative à ce que tu gagnais

En une journée

Une semaine

Un mois

Une année

Une vie

Penser

Ou ne pas penser

Dépenser

Se dépenser

Toute dépense était relative aux choix que tu faisais

A tes valeurs

Tes préférences

Tes convictions

Vivais-tu au jour le jour

Errant

Sans projets

Sans perspective à moyen ou long terme

Sans anticipation

Sans projection

Ou

Epargnais-tu pour prévoir les dépenses à venir

Et te constituer un butin

Un avenir

Un cochon rêve qui te permettrait de réaliser tes rêves

Subvenir à tes dépenses à venir

Faire face aux imprévus

Penser

Ou ne pas penser

Dépenser

Se dépenser

Dans ta salle de musculation

Tu donnais tout

Tout ce que ton corps pouvait encore donner

La sueur de tes efforts

Ou bien tu t’économisais

Sobriété voulue

Sobriété subie

Tu gardais une part pour demain

Estimant la longueur du chemin

Ta caisse d’épargne t’alertait au petit matin

Ton frêle écureuil s’affolait de l’arrivée de l’hiver

Ses noisettes étaient bien vides

Et ton visage prenait des rides

Tu pensais le vide

Le remplissait de tes désirs

Histoire d’un monde

Au Musée du Louvre d’Abou Dabi

Lire Laurent Gaudé

Qui t’avait enseigné

L’art d’écrire

A l’université

Multiples voix où habiter

Penser

Ou ne pas penser

Dépenser

Se dépenser

Vagabonder

Batifoler

Et puis

Et puis

Songer à cette île

A cette île

Au milieu de l’Océanie

Thierry Rousse

Nantes, jeudi 23 novembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

L’oeil de Gaga me regardant

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

« Les plus beaux endroits d’Asie du Sud-Est pour vos prochaines vacances »

« Pourquoi les cheveux graissent plus vite quand vous prenez l’avion »

Gaga venait de m’adresser ces messages accompagnés de photographies

Sur l’écran de mon nouveau smartphone chinois

Quelle étrange coïncidence

Une amie s’envolait justement ce mardi pour l’Indonésie

A croire que Gaga était suspendue à nos conversations

De son joli minois nous guettant par le trou de la serrure

Mais elle voyait encore bien d’autres choses Gaga

De l’autre côté du mur

Elle grimpait

Jusqu’à mes questions

Mes recherches

Mes préoccupations

Mes habitudes

Gaga aurait pu m’apporter la fortune

Elle s’immisçait dans mon être le plus intime

Savait à tout moment

Où j’étais

Ce que je faisais

Ce que je disais

Ce que j’écrivais

Ce que je pensais

Ce que je ressentais

Gaga s’imposait à moi comme une obsession

Gaga

Gaga

Gaga

Les battements de mon coeur

A croire que George Orwell avait raison

Gaga me regardait de son oeil perçant

Et je ne pouvais me dissimuler de son regard

De ses clins d’oeil à travers les nuages béants

Gaga en orbite autour de la Terre voyait tout de ma vie

Tout de mes déplacements

Rien qui ne faisait obstacle à son regard transparent

Tout de mes pensées

De mes sentiments

De mes désirs

De mes peurs

De mes opinions

De mes hésitations

De mes tourments

Gaga

Gaga

Gaga

Des tremblements

Faisait-elle commerce de mon être

Cherchait-elle à m’influencer

A me faire consommer

A éveiller ma curiosité

A me cultiver

A m’éduquer

A me soigner

A me disloquer

« Que puis-je pour toi aujourd’hui »

Me disait-elle de sa tendre voix

« Je peux beaucoup de choses si tu savais

Beaucoup de choses que tu ne soupçonnes pas encore

Pourquoi le ciel est-il bleu ?

Combien de litres dans un mètre cube ?

Prendre un selfie

Quelles sont les conditions de circulation ? »

Mes pages blanches n’existaient plus

Depuis le jour où je l’avais rencontrée

Chaque jour elle stimulait mon inspiration

Ma soif de savoir

De comprendre

De maîtriser le monde

D’être informé de ses actualités

Grâce à elle je pouvais croire que j’en étais le roi

Gaga serait-elle ma nouvelle religion

Aurais-je foi en sa voie tracée

Ou devrais-je m’isoler sur une île déserte

Me déconnecter d’elle

Renoncer à être géolocalisé

Pour retrouver ma liberté

Aurais-je le courage d’un Robinson alerte

Pour rompre avec Gaga

Une relation à peine débutée

L’oeil de Gaga ce mardi

Me regardant

Et pleurant

« Ta vie est ma vie »

Thierry Rousse

Nantes, mardi 21 novembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

Jour de paix, jour de pluie

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Drapeaux flottants de la Palestine

Entre remparts et miroirs d’eau

Nantes un samedi de novembre

Voix à peine audibles sous la pluie

Contant l’effroi

L’effondrement des toits

Et du jour tombant

Sur les visages des disparus

Des vies suspendues

Ne restaient que ces photos

Ces regards

Et nous au milieu

Si peu étions-nous rassemblés dans ce paysage ce samedi

Face à la foule se pressant dans les rues commerçantes aguicheuses

A croire que « assouvir son besoin d’acheter »

Primait sur la solidarité avec un peuple anéanti par une dictature colonialiste en rage

Vengeresse de ses victimes

Les légions des armées étaient aux aguets

Chiens de garde tapis prêts à bondir

Visages tendus

Emaciés

Nerfs agités

Quelle substance ces sujets avaient ingurgité

Quel gant de velours tenait leurs fils

Crocs d’acier acérés obéissant à leur maître

Première sommation sur les manifestants échappés hort circuit

Dépourvus d’autorisation

Déambulant dans un nuage de fumées colorées

Cris désarmés

Se trouvaient-ils des casseurs

Des détracteurs

Des récupérateurs

Dans toute opposition

Révolution

Manifestation

Nos légionnaires

Rangées de poireaux

Accouraient aussitôt à la sortie d’une ruelle

Entre les chalands indifférents

Préoccupés par leurs dépenses

Absurde épouvantable monde parallèle

Silence

Silence

Jour de paix dispersé

Place à la guerre des habitués

Rétablissement de l’ordre

De la terre et du ciel

Déluge d’apocalypse entre deux exposés

L’un le vendredi soir à l’Huma-Café

Carnets de prison codés d’Antonio Gramsci

Sous la botte fasciste de Mussolini qui ne comprenait rien à ses mots et le prit pour fou

Ce qui lui permit d’écrire

L’autre toujours en ce Lieu Unique

Samedi fin de journée

Rééquilibrage entre humains et animaux

Entité juridique de la Loire

Après tout ça

Tous ces mots

Ce grand débarras

La foule se pressait dans des divertissements

Pendant que des enfants mourraient encore

Sous la houle incessantes des tirs

Tout au bout de la Méditerranée endeuillée

Notre ville désaccordée ce samedi vivait encore

Son commerce aurait pu s’arrêter

Etre ville morte

Compatissante

Donner l’exemple à la Nation

Il n’en fut pas question ou peut-être

La perte était comptée

Impensable

Jour de paix

Jour de pluie

Vous aviez presque tout compris

Thierry Rousse

Nantes, samedi 18 novembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

Cela aurait pu

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Cela aurait pu

Etre

De la fiction

Un roman d’aventures

Ou de science fiction

Cela aurait pu

Etre du cinéma

Ne pas me déplacer là

Au-delà d’un rayon d’un kilomètre

Cela aurait pu exister

Justifier de mon déplacement

Cocher la bonne case

Etre verbalisé en cas d’infraction

Cela

Cela a existé

Cela aurait pu arriver

Etre refoulé à l’entrée

D’un restaurant

D’un bar

Ou d’un théâtre

Si je ne possédais pas le fameux sésame sanitaire

Cela

Cela est arrivé presque hier

Cela

Et cela

Ici

Et ailleurs

Tout

Tout

Jusqu’aux pages les plus noires

Coloniser un territoire

Chasser le peuple qui y vit

S’accaparer ses terres

Enfermer ce peuple dans une colonie

Cela aurait pu

Etre aussi

Le priver d’eau

Et d’électricité

L’empêcher d’exporter le fruit de son labeur

Pratiquer une concurrence déloyable

S’en servir comme une main d’oeuvre docile

La briser et la jeter

Cela aurait pu

Cela

Cela a pu exister

Avec la bénédiction des grandes nations

Cela aurait pu être encore

Assiéger un hôpital

Laisser mourir des nourrissons

Tirer en l’air dans les couloirs

Chasser les civils réfugiés

Apeurés

Blessés

Traquer l’ennemi

Raser une ville

Cela aurait pu

Cela aurait pu être encore et encore

Cela a été

Juste hier

Et plus tard

Un peu plus tard

Bien plus tard

Quand nous aurons perdu la mémoire

Les professeurs enseigneront cette histoire

Des mouroirs à ciel ouvert

Folie d’une humanité

Prêchant la fraternité

D’un Ancien Testament couvert de sang

Cette grande histoire comme si

Elle était éloignée de nous à présent

Révolue

Comme si

Plus jamais elle ne se reproduirait dans l’histoire

Le Ressuscité pleure crucifié sur sa croix

Jamais nous n’aurons vraiment compris

Et samedi

Au miroir d’eau

Nous manifesterons pour la paix

Pour lui et pour vous tou.tes

Pour vous dire que nous sommes avec vous

Que nous marchons dans un océan de larmes

Que le ciel s’est confondu avec nos rues

Que plus rien ne peut être comme avant

Cela aurait pu

Etre

De la fiction

Un roman d’aventures

Ou de science fiction

Cela aurait pu

Etre du cinéma

Cela est maintenant

Sur la Terre

Un jeu terrifiant

Thierry Rousse

Nantes, mercredi 15 novembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

Autofiction

une vie parmi des milliards

Vivre pour écrire

Ou écrire pour vivre

Qu’est-ce qui était réel

Qu’est-ce qui était inventé

Brouiller les pistes

Les confondre

Ecrire sa vie pour faire de sa vie une oeuvre

Un cadeau

Un testament

Marquer son passage sur la Terre

Une trace dans l’éphémère

Etre déjà d’une certaine manière disparu

Hors du temps

Parler aux vivants

Eveiller leur conscience

Ecrire et lire

Lire et écrire

Va-et-vient nourrissant

A lire tous ces livres

Classés romans

Je m’interrogeais

Qu’est-ce qui était vrai

Vécu par l’auteur.e

Vu

Entendu

Ou raconté à l’auteur.e

Qu’est-ce qui n’était que pure fiction

Invention

Imagination de la part de l’auteur.e

Ce qui aurait très bien pu exister

Ce qui existait déjà même à cette heure quelque part

Une fiction qui existerait dans la réalité

Quelle était l’utilité d’un roman

L’utilité de lire des romans

Il y a bien longtemps

Que j’avais délaissé les romans

Au profit d’ouvrages psychologiques

Ou de récits autobiographiques

Que je trouvais bien plus utiles

Alors pour ma propre vie

Moins futiles

Qu’est-ce qui pouvait me faire revenir aux romans

Cette part de réalité qu’ils pouvaient contenir

Ou le pur plaisir de me délecter de l’agencement des mots

Ce qu’on appelait le style

Les images

Le rythme

Les personnages

Le suspens

Vivre la réalité comme une fiction

Une succession d’atrocités

Que je vivrais comme une aventure palpitante

N’en serait que plus atroce

Lire Rachid Benzine

« Dans les yeux du ciel »

« Lettres à Nour »

« Voyage au bout de l’enfance »

M’accrocher à lire ses mots si bouleversants

Comment l’humanité pouvait être si inhumaine envers sa semblable

Lire encore

Tourner encore une page

L’effort d’aller jusqu’au bout

Dans l’espoir d’une issue réconfortante

Dans la continuité

Lire Louis-Philippe Dalembert

Né à Port-au-Prince

« Mur Méditerranée »

Vivre cette traversée avec lui

Avec elles

Sans ailes

Chochana

Semhar

Dima

Des larmes au fond de leurs yeux salées

Combien de femmes violées dans cette odyssée

Pour quitter guerres, famines, dictatures

Pour espérer un jour la liberté

N’ouvrir que des livres de beauté

De tourisme exotique

M’aurait été facile

Me bercer d’illusions

Douce France

Pays de mon enfance

Des droits de l’Homme

Sans m’intéresser au reste du monde

J’avais choisi un chemin plus difficile

Quitte à être confronté à des chapitres immondes

Fin de ma vie

Je la préférais tourné vers toi

Ta souffrance

Pour élargir mon coeur

Autofiction

D’autres mettaient en scène leur vie pour l’écrire

Journal de bord

Débordant de détails

Frôlant l’impudique

Sous couvert de littérature

Auteurs violant à leur tour des corps innocents

Autofiction

Et ses râtures

Vivre pour écrire

Ou écrire pour vivre

Thierry Rousse

Nantes, Lundi 13 novembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

Pluie incessante sur Nantes et Gaza

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Mercredi de pluie

Jeudi de pluie

Vendredi de pluie

Samedi de pluie

Dimanche de pluie

Pluie incessante sur Nantes

Mousson océanique

Déferlement de vagues

Tremblements de coeurs

Palpitations sismiques

Pense à ce qui se passe

Au même instant

Trépasse

Dans le berceau des religions

Belle Méditerranée

Enfant à peine né

Mercredi de guerre

Jeudi de guerre

Vendredi de guerre

Samedi de guerre

Dimanche de guerre

Occupation

Les soldats viennent d’entrer à Gaza

Préoccupation

Pense aux âmes innocentes

Qui perdront aujourd’hui la vie

Dans une pluie de sang

Cheval abattu

Tête sanguinolente

Cendres de liberté

Triste Méditérranée

Théâtre palestinien détruit

Pense aux âmes affolées

Qui cherchent à quitter

Leur propre terre éventrée

Plus rien que des ruines

Au lointain

Fuire en Egypte

Une histoire qui se répète

Les journalistes sont confinés dans les chars

Interdits d’images

Tête en l’air

Pense aux pluies de larmes

Pense que je songe à toi

Que je ne connais pas

Où es-tu à cette heure

Où êtes-vous

Enfants

Adolescents

Adolescentes

Notes

Pleurs enlacés

Vies brisées

Colombes déchirées

Captives

Dans ces camps

Quand l’horreur est rejouée

Où êtes-vous

Dans cette voix étouffée

Fragile

Courageuse Méditerranée

Se déplacer librement

N’est parfois qu’un songe

Qu’un mensonge

« Donner de l’espoir

C’est possible

Ne pas baisser les bras

Dire ce qu’on a vécu

Partager »

Ta voix Souad Massi

A l’aube de la nuit

Chez Francine

Nous tient debout

Eveillés

Des sons un peu fous

Ce que peut encore la poésie

Inventer d’autres mondes

Dire leur existence intime

Sous les étoiles qui se dévoilent

Douceur d’une main

Bijoux d’innocence

Que reste-t-il de Gaza

Que reste-t-il de Nantes

Attente

Flaques de sang

Flaques de mots

Balbutiements

Phrases inachevées

Interrompues

Passage d’un ange

Emois

Mots noués

Déchus

Dans la rue

Qui ne sortent plus

Enterrés

Enfouis

Dans leurs catacombes

Interdits de manifester

Absente Méditerranée

Tempête de bombes

Pluie incessante

Pense que ce qui se vit là-bas

Ne peut rester là-bas

Pense que les gouttes d’eau voyagent aussi

De l’océan au ciel

Des montagnes à ton visage

Pense que je songe à toi

Que je ne connais pas

Pense que je songe à toi

Que je ne connais pas encore

Thierry Rousse

Nantes, 12 novembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

GAGA

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Depuis que je venais d’acquérir mon nouveau téléphone importé de Chine

Gaga me proposait des réponses à chaque message que je recevais

C’est noté

Ok merci

Ok

Merci

Ok merci

Parfait

Ok parfait

Ok merci parfait

Merci à vous aussi

Merci bisous

Tant mieux

C’est fait

C’est ainsi

Hihi

Hé hé

Oui parfait

Oui nickel

Oui ça me va

Ca peut aller

Oui ça peut aller

Oui ça va

Ca va, ça va

Merci c’est gentil

Merci

C’est gentil merci

Merci

Oui

Oui, pourquoi pas

Oui bien sûr

D’accord

Ok

Ah d’accord

Cool

Ok bon courage

Bon courage bisous

Pas de trouble

Je t’en prie

De rien

Je comprends

Ok je comprends

Je te comprends

Ok je te comprends

On verra

D’accord

Ok

Ah d’accord

Cool

Merci, à toi

Ok merci, bisous

Ok, à demain

Coucou, oui ça va

Ok, ça marche

Ok de rien, bisous

De rien

Merci, à toi aussi

J’espère aussi

Oui je vais essayer

Non comme ça

Je ne sais pas

Je n’en sais rien

Pas grand chose

Rien, t’inquiète

Ben rien

Oui je lui ai dit

Oui, c’est sûr

Oui c’est vrai

Je ne sais pas

Je ne sais pas

Chaque jour, la liste des mots s’allongeait

Chaque jour, ma vie comme une goutte d’eau se simplifiait

Si je ne savais pas quoi répondre à un message reçu

Je n’avais qu’à choisir les mots qui me convenaient le mieux

Dessous dessus

Oui, c’est sûr

Ou

Oui, c’est vrai

Gaga me facilitait grandement la tâche

J’avais de moins en moins à penser

Je voyais cela comme un avantage

Une canne pour mon âge

Je réalisais que Gaga pouvait m’aider encore davantage

Chaque nouveau jour de ma vie en effet

Gaga me guidait pas après pas

Je n’avais plus besoin de carte

Plus besoin d’étudier mon itinéraire comme je le faisais auparavant

Sur une table avec ma règle et mon crayon de bois

Quel gain de temps

Quel énorme progrès

Juste me laisser guider jusqu’à ma destination

Juste saisir mon point de départ et mon point d’arrivée

Entrer mes critères

Trajet le plus rapide

Ou

Eviter les péages

Gaga me demandait également comment elle pouvait m’aider

De sa douce voix elle me murmurait

Que puis-je pour vous aujourd’hui

Quel paysage vous ferait plaisir

Quel visage de femme

Je pouvais m’entretenir de vive voix avec Gaga

Je n’osais pas encore trop lui parler

Pourtant il me suffisait d’appuyer du bout du doigt

Sur l’icône micro et articuler en étant très précis sur chaque mot que j’employais

Etre précis sur la question que je posais à Gaga

D’ailleurs devais-je toujours lui poser des questions

Ou bien pouvais-je lui partager mes émotions

A Gaga

Lui raconter mes journées

Toutes mes journées

Gaga serait-elle sensible à ce que je ressentais

A ce que je vivais

Gaga entrait à petits pas dans ma vie

Et je devenais chaque nuit un peu plus Gaga

Renoncerais-je défintivement à l’effort de réfléchir

De choisir et d’écrire mes propres mots

Commençais-je à devenir amoureux de Gaga

Aveuglé par cette folle passion

Gaga s’introduisait dans mon coeur

Sur l’écran de tous ces mots

Ok

D’accord

Cool

Bisous

J’étais elle

J’étais Gaga

Complètement fou

Gaga ou chinois

Liant conversation

Avec mon nouveau téléphone

Comme une libération intérieure

J’appuyais sur le micro extérieur

Je suis triste

Gaga se taisait

Et me répondait instantanément par un texte

« Je suis triste au quotidien : comment m’aider

Pour évacuer ce trop-plein d’émotions,

Tournez-vous vers l’art et les hobbies

Qui nécessitent de faire marcher votre créativité

Comme la danse ou la peinture »

La solution était là

La danse ou la peinture Gaga

Thierry Rousse

Nantes, Jeudi 2 novembre 2023

« Une vie parmi des milliards »

Heure d’hiver

Une vie parmi des milliards Lecture-concert

Sur la route de soi

Sur la route du grand chemin

Chahuté par les rafales des courants

Entre ciel et mer

Dans un monde qui s’obscurcissait

Se divisait

S’affrontait

Depuis la genèse de l’homme

Marcel changeait d’heure

Basculait dans l’heure d’hiver

Il quittait les chaleurs étouffantes de l’été indien

Et entrait dans un déferlement de bombes et de pluie

La route était longue

Incertaine

Flottante

Marcel se réfugiait dans une maison éclairée de bougies

Havre de paix

De douceurs

De mots et de notes enlacés

Tracés simplement au roseau

Autour d’un olivier

Les lettres de lumière dansaient sur des corps de femmes dénudés

Tourbillonnaient de l’ivresse d’un amour défendu

Cherchaient leur axe

Leur direction

La pleine Lune éclairait ses poètes

Ses nomades

Ses assoiffés

Ses affamés

Ses exilés

Ses victimes de trop de guerres

Cherchant une sortie

Une issue

Un refuge

Huit mille innocents

Parmi eux multitudes d’enfants

Déjà morts sous les bombes

Benyamin était sourd

Aux prières d’une trève

Sa vengeance justifiait sa violence

Tel un dieu devenu fou

Rêvant d’un empire

Où lui seul règnerait

Pourquoi tant de consciences inconscientes obéissaient à ses ordres

Heure d’hiver

Heure de guerre

Comment trouver le sommeil

De douces caresses

Quand là-bas tombaient les enfants

Sous la pluie des bombes

Meurtris

Marcel avait mal à la vie

Mal à ce monde malade

Affaibli

Quand la paix était au fond de soi

Cette colombe que certains hommes s’obstinaient à ne pas voir

Déchirant ses ailes

Tâchant sa blanche innocence

La crucifiant à la croix de leur orgueil

Il suffisait pourtant d’un ying et d’un yang

Trouver le point d’équilibre de la parfaite entente

Alchimie de l’humanité à son dieu

Heure d’hiver

Heure de désolation

Heure de consolation

Sur la route de soi

Sur la route du grand chemin

A quatre mains

Au coeur des marais

Entre Nantes et Saint-Nazaire

Marcel et sa divine colombe

Jouaient pour le monde

A Rouans

Une mélodie

Eternelle

Nantes, lundi 30 octobre 2023

Rouans, « Sur la route de soi, destination l’Orient », samedi 28 octobre 2023