Y’a d’la joie Charles

Une vie parmi des milliards

Y’a de la joie en mille neuf centre trente sept

Qui pouvait deviner ce qui se tramait dans l’ombre

Qui voyait fil après fil

La toile d’araignée sombre

Couvrir l’Europe de pénombre

Qui

Toi

Charles

Tu nous faisais voir

Dans le ciel

Par dessus les toits

La joie

Comme dans un miroir

Mais

De tout ce qu’il y avait sous les toits

Tu fis silence

C’est vrai que j’te connaissais à peine

Charles

C’est vrai qu’j’avais presque rien lu de ta plume

Charles

Que les mots qui m’apportaient

Des boum boum dans mon foyer

Et me tenaient chaud

C’était cette joie dont j’avais besoin

Ta joie

Charles

Au petit matin

En ouvrant ma fenêtre

Pousser ta chansonnette

Bonjour les hirondelles

Y’a d’la joie

Bonjour les hirondelles

Y’a d’la joie

Du soleil qui ruisselle dans mes ruelles

Du pain perdu sur le bord de ma fenêtre

Hé mais qu’y avait-il sous les toits

Des ruisseaux de lumière

Et sur les boulevards

Un avant-goût de la guerre

On ne savait quel orage approchait

Quels pas résonnaient

Dans le labyrinthe des catacombes

Et toi

Charles

Réfugié

Dans ton jardin extraordinaire

Tout le jour

Ton cœur battait

Chavirait

Chancelait

Et la nuit

Quels cauchemars

Ou quels rêves

Te réveillaient en sursaut

Hé dis-moi Charles

C’est l’amour qui venait et tu ne savais quoi

Au-dessus de ta tête

Bonjour les demoiselles

Y’a d’la joie

Bonjour les demoiselles

Y’a d’la joie

Et bien bonjour

Hé bonjour

J’ai un bon jour à vous souhaiter

Pour bien commencer votre journée

Y’a d’la joie

Partout sur tous les toits

Y’a d’la joie

Partout la joie se répand dans vos yeux

Comme un parachute

Au-dessus des toits

Dans les rues et les jardins

Y’a d’la joie

Y’a d’la joie

Ma joie de vivre

Mais quelle joie

Était-ce

De l’ignorance

De l’indifférence

De l’insouciance

Une douce romance naïve

Ou un acte de résistance

Dans ce monde

Quatre vingt sept ans après

Entre les guerres

Les incendies

Les maladies

Le réchauffement climatique

Ou le manque d’eau

J’entendais encore ta voix fredonner au balcon

Y’a d’la joie

Y’a d’la joie

Parce qu’il fallait bien un peu de joie

Pour trouver un sens à nos vies

Un peu de joie

Pour trouver un sens à nos actions

Un peu de joie

Pour trouver un sens à notre instant présent

Parce que la joie était plus qu’une émotion

La joie était un sentiment

La joie parfaite ne pouvait émaner que de ton soleil intérieur

Bonjour bonjour les hirondelles

Bonjour bonjour les demoiselles

Y’a d’la joie qui déborde de mon coeur

Et si cette joie était simplement

De savoir l’entretenir

A toute heure

Comme une source intarissable

Comme ton plus bel avenir

Comme ton plus douillet nichoir

Comme un coquillage de sable sur ta poitrine

Même dans les pires heures de l’histoire

Y’a d’la joie

Même dans les ciels gris de l’histoire

Y’a d’la joie

D’aimer

Thierry Rousse
Nantes, jeudi 29 août 2024
D’après la chanson de Charles Trenet “Y’a de la joie”
"Une vie parmi des milliards"

Le voyou des mots (2)

Une vie parmi des milliards

Dans le cœur de Georges Brassens

Le voyou des mots en fut prince

Y avait la femme esseulée

Devant le tonnerre affolée

Son mari partant installer

Un paratonnerre aux foyers

Dans le cœur de Georges Brassens

Le voyou des mots en fut prince

Le poète prit cette femme

En larmes dans les chaudes flammes

De son cœur il la fit sécher

Sous l’coup d’foudre de ses baisers

Dans le cœur de Georges Brassens

Le voyou des mots en fut prince

Y avait toi le mécréant

Qu’avait voulu être croyant

T’enfilais cette vraie soutane

Et grimpais cossu sur un âne

Dans le cœur de Georges Brassens

Le voyou des mots en fut prince

Y avait là une pieuse

S’esclaffant toute radieuse

Chantez-moi donc mon Père un air

Qu’je me joigne à votre prière

Dans le cœur de Georges Brassens

Le voyou des mots en fut prince

Aussitôt tu pris ta guitare

Lui offrit ton plus beau nectar

Ciel quand je pense à Fernande

A Lola vous aussi je bande

Dans le cœur de Georges Brassens

Le voyou des mots en fut prince

Ciel vous irez en enfer

Quelle prière donc mon Père

Quand vint Dame de charité

Au-moins beauté il sait aimer

Dans le cœur de Georges Brassens

Le voyou des mots en fut prince

Y avait cet étang de Thau

A Sète où tu baignais tes mots

Pêcheur t’embarquais tes copains

D’abord pour chanter ce refrain

Dans le cœur de Georges Brassens

Le voyou des mots en fut prince

Thierry Rousse
La Regrippière, vignoble nantais
Mercredi 28 août 2024
"Une vie parmi des milliards"

Les deux regards pile ou face

Une vie parmi des milliards

Pile ou face c’est pile

Isolé sur ton île

Y’avait l’regard qui t’voulait rien qu’à lui

Qu’à chacun d’ses pas docile tu le suis

L’oeil gentil si toujours t’étais à son service

L’oeil noir si tu vaquais à un autre exercice

Regard réprobateur t’accusant d’mille erreurs

T’jugeant égoïste n’pensant qu’à ton bonheur

C’regard qui t’disait toujours c’que tu devais faire

Toujours plus fort plus haut qu’toi pour le satisfaire

Ces regards t’en a connus depuis l’enfance

Te renvoyant minable à ta propre indigence

Ces regards d’beaux savants jugeant tes ignorances

Des maltraitances qu’on étouffe sous silence

Sous c’regard tu n’es qu’un Gros René qu’un bouffon

Sur l’trois-mâts du roi qu’un éternel moussaillon

Pile ou face c’est face

D’l’autre côté d’la glace

Y’avait l’regard qui t’voulait rien qu’à toi-même

Qu’à chacun d’tes pas c’est ton avenir qu’tu sèmes

Dans l’instant facile ou ardu l’oeil qui t’soutient

L’oeil qui t’encourage à suivre ton chemin

Regard accueillant tes chutes comme autant

De découvertes faisant de toi un savant

C’regard qui t’dit toujours sois ton meilleur ami

Toujours plus patient sois ta propre alchimie

Ces regards bons qui des cendres t’ont fait renaître

T’offrant tout le ciel tous les champs de la terre

Où déployer tes ailes ces regards aimants

De toutes tes odyssées se réjouissant

Sous c’regard t’es la nuit blanche Cyrano

Où toute étoile nous éclaire de tes mots

Pile ou face c’est face

Et pile enfin s’efface

Thierry Rousse
La Regrippière, vignoble nantais
Mercredi 28 août 2024
"Une vie parmi des milliards"

Balade bucolique

Une vie parmi des milliards

Déjà la fin de l’été j’rêve de balades

A pied ensemble on prépare la salade

Mozzarella tomate noire et basilic

Le doux chant des oiseaux sera notre musique

Et on ira par les sentiers sinueux

Toi moi sans boussole en la nature heureux

On se perdra parmi l’océan vert des vignes

Joachim de sa colline nous fera signe

Montez amis le banquet des vers est dressé

Contez ce que la terre compte de beautés

L’amour et la poésie sauveront le monde

En choeur en dévoileront sa source profonde

Déjà la fin de l’été j’rêve de balades

Avec mon sac à dos de moineau d’escalades

J’rêve de prendre de la hauteur dans ton cœur

Cueillir plein de sourires après le labeur

Les saules pleureurs ne pleurent plus comme avant

Ils jouent avec leurs branches dansent dans le vent

Les chèvres les moutons les poules et les oies

Ont dit au chaton abandonné sur la voie

On va te bâtir une maison de câlins

Tu verras enfin tu t’y sentiras bien

Nous serons ta nouvelle famille sur Terre

T’auras plus à craindre tes nuits solitaires

Déjà la fin de l’été j’rêve de balades

Boire tous deux cette vie à la régalade

Pourquoi partir aussi loin chercher le bonheur

Quand il est simplement blotti au fond des coeurs

Là à l’ombre sur l’herbe une partie de jeux

Te souviens-tu d’un scrabble si joyeux

Quand les p’tits mots dans une lettre se rencontrent

Le A nous fait grandir oublier notre montre

Aimer la lavande l’avalanche d’envies

De ces promenades où tout le mal s’oublie

A la croisée d’chemins intimes au présent

On construit demain qui se vit dans l’instant

Déjà la fin de l’été j’rêve de ballades

Chanter sous l’éventail un brin de rigolade

Dans notre Lubéron un Muscadet d’soleil

J’croirai même que Nantes est bien Marseille

Insouciante fourmillante de cigales

Ayant bien capté d’nos besoins l’principal

Marcel Pagnol ne nous dirait pas le contraire

Plutôt nous enlacer que faire tant de guerres

Notre chien aussi nous a appris la vie

Marcher c’est savourer chaque mot qui fleurit

Entre toi et moi découvrir les bonnes rimes

Qui nous emmèneront éternels sur les cimes

Déjà la fin de l’été j’rêve d’escapades

A pied ensemble on prépare la salade

Une balade bucolique

Pour notre songe romantique

Thierry Rousse
La Regrippière, vignoble nantais
Jeudi 29 août 2024

Viens en notre maison

Une vie parmi des milliards

Viens entre en notre maison

Sous notre toit tout l’monde est bon

C’est qu’on loge à la belle étoile

On a hissé la grande voile

La toiture on l’a détruite

On dit qu’on a pris la fuite

Puis des on dit on a ri

On dit qu’on chérit l’infini

Viens entre en notre maison

Cousue de paille au Ripaillon

Chante un air frais fais-toi connaître

La lune aime le cœur des êtres

Des larmes Fées ça peut pleuvoir

Des voix brisées nous émouvoir

Comme on est fou tout ou rien

D’ici ou de loin c’est bien

Viens entre en notre maison

Y’a d’l’amour en toute saison

En tram à pied en vélo

On sème partout nos p’tits mots

Toutes langues sans frontières

Se croisent nos vers sont fiers

On a pour unique label

Que la voie lactée du ciel

Viens entre en notre maison

Toi et moi on se correspond

D’un regard on trace un chemin

Les cailloux dansent sur nos mains

Entre le vent reste un moment

Souffle sur nos lèvres torrent

Bâtis d’images et de sons

Là notre nomade maison

Vit – vise notre frondaison

Où tou.tes nos potes iront

C’est juste au bout au fond du coin

Notre roulotte qui sent l’foin

Les gens de palabres voyagent

Semelles de mots sans attache

Leurs vifs ruisseaux n’ont pas d’âge

Contant tout l’or des paysages

Viens entre en notre maison

Ici non jamais en prison

Tu seras comme cet oiseau

Libre de porter tous tes maux

Ouvre l’éventail des ami.es

Je commence par toi Fanny

Forcément déjà j’en oublie

Esther Nico Billy Julie

Viens danse en notre maison

Ose donc franchir le grand pont

Sur la rive des gais lurons

T’apprendront à faire des bonds

C’est un éventail de poètes

Jongleurs cracheurs de pirouettes

Micka Leila Lolo Marie

Francis Jéjé Cédric Dany

Viens rêve en notre maison

Le bocal ouvert des poissons

Pour Mila Sylvain Pierrot

Malika chante au bord de l’eau

Et de Nantes à Aurillac

Prête-moi Plume ton hamac

Que j’écrive mes souvenirs

Sous les étoiles mes désirs

Viens mange en notre maison

C’est la rentrée de la moisson

Paysan gratte ta guitare

Et nous autres restons fêtards

Michel de ses notes nous berce

Ses épis de mots nous transpercent

Damien aux impros cocasses

Entre nous sait briser la glace

Viens bois en notre maison

Tourne jusqu’à la déraison

Ivresse de l’oud Najeh joue

Coulent sur nos joues des mots doux

Du sable on fait jaillir des roses

Des lettres nues tracées qu’on ose

Jamel l’âme du calligraphe

Kamel l’esprit du slam décoiffe

Viens dors en notre maison

La Sèvre est notre lit fécond

Est heureux songer comme Ulysse

Quand toi Joss malice nous glisse

Exil en île Poésie

Déjà dépassé minuit

L’encre en nos Muses ne tarit

Aimer perdu jusqu’à l’envie

Viens entre en notre maison

Sous notre toit tout l’monde est bon

C’est la Belle Vie ripaillons

On a trouvé notre cocon

Thierry Rousse
Mardi 27 août 2024, La Regrippière, vignoble nantais
"Une vie parmi des milliards'

Polyphonie de l’Escargot

Une vie parmi des milliards

Ralentir

Ralentir le temps

Te frayer un chemin dans les effluves touristiques estivales

Suivre les pas des randonneuses

A chaque escale

Assis à cette petite table en bois

Sous la Vièrge à l’enfant de Murat

Les cloches sonnent

Ce qu’il reste de foi

Et de pèlerins

Le marché bat son plein

Entre aligot et poulet grillé

Goût de fin d’été

Trouver un abri serein

Dans le nouveau bistrot du village

Face à l’Hostel du Bailli

Ici

Tu n’es que de passage

Randonneur

Voyageur

Ou pèlerin

Rétrécir

Rétrécir l’espace

Trouver ta place

Ombrage à L’Escargot

Tavernier

C’est ma tournée

Un p’tit jaune soleil

Entre les livres et les jeux d’éveil

Est le bistrot où il fait bon vivre

Le bistrot où le pastis est sauvage

Sauvage ruisseau

Entre les cascades des paysages

Tout est beau

Des gouttes sur ta coquille

Jusqu’aux brins d’herbes

Apprivoiser le temps de vivre

Apprivoiser le temps d’être heureux

Les rues se vident

Le calme revient

Les touristes ont quitté la ville

Tu savoures cette heure tranquille

Brassens n’est pas loin

Avec tous ses copains

Il manie les pieds et les mains

Comme un joyeux poète coquin

Sa fleur est ravissante

Chanteuse Margot

A la longue jambe nue

Enjôleuse

Aux cheveux bouclés

Au sourire d’ange

Venue d’un océan breton

Accoudée au comptoir

Laisse entrevoir

En Auvergne

Par sa robe fendue

Toute son élégance

Autour de ses dessous brodés

La terrasse s’anime

Descend des cimes

L’amour est liberté

A L’Escargot de Murat

Au temps de l’apéro

Rêver est bon

Tu t’es fait tout petit

Trois fois

Pour admirer la vie

Au-dessus des toits

Les puy t’appellent

Volcans des sentiments

Quitte ton verre

Et enlace l’air

Viens

Il est temps de partir

Il est temps de vivre

Il est temps de ralentir

Ralentir

Ralentir

Traverser le plateau des mille vaches

Serpenter les forêts de Corrèze

Puis de Haute Vienne

La vie est belle

La vie est fragile

Comme une porcelaine de Limoges

Prends-en soin

Escargot pèlerin

De retour à Bellac

Sans ta coquille Saint-Jacques

Ralentis

Ralentis le temps

Et rebondis

Sors de ta loge

Et resplendis

Thierry Rousse
Murat - Bellac, vendredi 23 août 2024
"Une vie parmi des milliards"

L’humanité

Une vie parmi des milliards

Garde ta dignité

C’est la fleur de l’amitié

Ne sois jamais soumis

N’accepte pas d’être dénigré

Ni insulté ni bafoué

Va vers l’âme juste

Qui t’accueille

Tout entier

Fuis le roi

Qui ne voit en toi

Que sujet pour le servir

Et te dégrade

Si tu oses exister

En ton nom

Liberté

Écrit

Sur ton coeur

Va vers l’âme

Qui souhaite ton bonheur

Sur les chemins de campagne

Au goût de fromages et de myrtilles

Méfie-toi des rumeurs qui fourmillent

Et causent aux alentours mille malheurs

N’emprunte pas les pas des détracteurs

Leurs tracteurs ne labourent que leurs mal-être

Leurs semences ne sont que germes de leurs tonnerres

Fissurant en miettes stériles la terre

Garde ta loyauté face au roi

C’est la couronne de l’amitié

Bien mieux que toute royauté

Ta pauvreté

Sait reconnaître les richesses de l’univers

N’est-ce au milieu des déserts

Que se dévoilent les innombrables étoiles

L’innommable infini

Du commencement de la vie

Garde ton humilité

Accueille ta divinité

Ton corps est sacré

Ton corps est une voile

Sois l’amour qui demeure en toi

Et se déploie hors de toi

Ici se raconte en Auvergne

Dans les roulottes tant d’histoires

Mieux que dans toutes les villes

L’humanité

Thierry Rousse
Ussel (Cantal), 22 août 2024
"Une vie parmi des milliards"

Côté route ou côté champ

Une vie parmi des milliards

Entre le bruit assourdissant des voitures

Et les cloches des vaches

Quelle musique préférais-tu pour t’endormir

Côté route

Ou côté champ

Au beau milieu de ce plateau

A mille mètres d’altitude

Côté champ évidemment

Aurait dit Monsieur Toulemonde

Les cloches des vaches

Te rappelaient l’enfance

La grande évasion bucolique

Par les sentiers des montagnes

Mais c’était sans penser aux vaches

Te voyais-tu porter jour et nuit

Au cou au poignet ou à la cheville

Une mélodie carillonnante

Qu’on t’aurait imposée

Simplement pour te retrouver

Ou éloigner de toi les loups

Mains et pieds liés

Une cloche pour te protéger

T’abriter

T’empêcher de t’évader

Une cloche et tout son contraire

Te libérer ou t’enfermer

Côté route

Ou côté champ

Rien n’était si évident

N’en déplaise à Monsieur Toulemonde

De quel côté te tourner

Dans le lit de ta roulotte

Dans les doux songes d’un paisible voyage

Où tout ne serait que beauté et douceur

Sans crainte de te perdre

Sans crainte de finir dans le ventre du loup

Plus besoin de cloche

Côté champ

Que l’enchantement des étoiles

La touche pause du silence

Un soulagement

Lire Brassens à la nuit tombée

L’entendre chanter Aragon qui disait

Il n’y a pas d’amour heureux

Même à mettre l’amour sous une cloche

A trop vouloir le posséder

On l’étouffe

On le brise

Il devient sourd et fou à lier

Qu’un champ de souffrance

Qu’une route assourdissante

D’où viens-tu

Où vas-tu

Vache d’Auvergne

Humain de passage

Que fais-tu de la vie

Côté route

Côté champ

Thierry Rousse
Ussel (Cantal), 21 août 2024
"Une vie parmi des milliards"

Un autre toit

Une vie parmi des milliards

Gaga t’annonçait ce soir avant de t’endormir

“La croissance de vos followers a ralenti la semaine dernière

Publier tous les jours peut permettre d’animer votre communauté et d’attirer de nouveaux followers”

Tu te sentais alors dans l’obligation de publier quelque chose

Écrire mais écrire quoi

Tu avais bien commencé à aligner quelques mots dans un bus un café un moment de désœuvrement

Mais tu n’arrivais pas à trouver la suite

Tu les trouvais plats au fond tes derniers textes

Manquant de reliefs d’images de surprises

De virtuosité

Ordinaires trop ordinaires

Ta muse t’avait-elle quitté un été

Entamais-tu une décroissance vertigineuse

Tu marchais à côté de toi-même

Dans l’épuisement des jours

Voyager c’était perdre tes repères

Être un temps déboussolé

A la limite angoissé

Ne plus savoir qui tu étais

Était-ce un autre ce visage barbu

Tu le regardais avec curiosité

Cet étrange inconnu

Non je ne le connais pas

Ce n’est pas moi

Au point qu’il finissait par te faire peur

Ce visage barbu croisé dans un ailleurs

Où tu devais peu à peu te trouver de nouveaux repères

Voyager c’était le perpétuel recommencement

Perdre la sécurité que tu avais pu enfin trouver

Pour faire face à une nouvelle insécurité

Qu’il te faudrait à nouveau apprivoiser

Sur un plateau des monts d’Auvergne

A mille mètres d’altitude

Boire le bon air

Chercher le paysan que tu aurais voulu être

Le paysan ou la vache

Au mieux des alpages

Une cloche suspendue à son coup

Qui sonnait au moindre de ses mouvements

De quoi être fou

Qui avait inventé pareille torture

Pour l’être qui le faisait vivre

Venais-tu de ranimer ta communauté

En jetant ces mots

Dans le jeu de l’écriture automatique

En avais-tu vraiment une

Communauté

Qui étaient ces followers

Un deux trois

A tout casser

Dans un à peu près déversé

Fallait-il toujours absolument tendre vers la beauté

Ou se dévoiler dans la sincérité

Et en rire

En sourire

La question était posée

T’abriter sous un autre toit

Une roulotte à l’abri des étoiles

Et voyager dans tes rêves

T’offrir une trêve

Une grève de mots

Pour écouter le silence te parler

Te soigner

Thierry Rousse
Ussel, lundi 19 août 2024
"Une vie parmi des milliards"

Les parapluies de l’absence

Une vie parmi des milliards

Aurillac sans ton camarade

Était-ce encore Aurillac

La pluie fine et régulière

Tombait depuis trois heures

Inondait la ville de son gros chagrin

Suspendait ses spectacles de rue

Hormis quelques chanceux sous chapiteaux

La foule continuait pourtant à festoyer

Partout où elle pouvait s’abriter

Riait

Buvait

Chantait

Se réchauffait d’aligots sous les barnums

Et la soirée s’annonçait belle

L’eau et ses innombrables ruisseaux

N’auraient pas sur la fête le dernier mot

Et quand il n’y avait plus de spectacle

Les festivaliers se donnaient en spectacle

Et la bière coulait à flots

Coude à coude dans les gosiers

Car Aurillac c’était d’abord ça

Les copains les copines d’abord

Et cette année parmi cette foule

Tu marchais seul

Ton camarade n’avait pu te rejoindre

Aurillac sans ton camarade

Était-ce encore Aurillac

Avec qui partager tes coups de cœur

Avec qui échanger

De ce que tu venais de voir

D’écouter

Ces mots

Ces corps

Qui t’avaient ému ou fait rire

Avec qui parler

Avec les parapluies

Ton second ciel

Parler aux parapluies multicolores

Des femmes qui désiraient un enfant

Et quand elles l’avaient

Découvraient leur vie bouleversée

Joie

Peines

Regrets

Briser les tabous

Des choses qui ne se disaient pas

Le théâtre au-moins servait à ça

Parler aux parapluies

Tout leur dire

De tous nos exils

On ne quitte pas sa terre sans raison

Parler aux parapluies

Aussi de la vieillesse

Comment on la vit

Comment on voit peu à peu

Ses êtres chers disparaître

Comment on finit peu à peu seul

Encore plus seul

Quand on n’a pas d’enfants

Quand on n’attend plus que la mort

Qu’elle nous emporte sur ses ailes

Le théâtre comme un miroir

Nous renvoyait à nous-mêmes

On s’y retrouvait

Pas du tout

Un peu

Beaucoup

A la folie

Qui avait dit que le théâtre n’était pas essentiel

A l’heure du confinement

Le théâtre était ton second ciel

Mais

Aurillac sans ton camarade

Était-ce encore Aurillac

Tu recevais tes trois premières notes

A la scène slam de Lulu

Tes mots prenaient l’eau

Nageaient comme des dauphins

Soulageaient ton cœur de leur gros chagrin

Aurillac sans ses parapluies

Était-ce encore Aurillac

Thierry Rousse
Aurillac, mercredi 14 août 2024
"Une vie parmi des milliards"