Le canapé des mots

Une vie parmi des milliards

Le canapé était confortable

J’n’avais pas tout compris

J’m’étais endormi

Tu m’dis

La poésie n’est pas affaire de compréhension

Mais de perception

Alors j’n’ai pas tout perçu d’la poésie

J’lui dis

J’vais boire un verre

Pour y voir plus clair

Crois-tu j’suis l’seul dans ce cas

J’voudrais bien m’accrocher à leurs mots

De quoi ils parlent

Qu’est-ce qu’ils racontent dis-moi

Qu’est-ce qui vibre

Là sur l’clavier de leurs touches

Quelque chose d’urgent qui m’touche

Est-ce qu’ils nous voient

Au-moins

A qui ils parlent

A un micro

Qui porte leurs mots

A qui ils parlent

Au miroir de leur égo

A qui ils parlent

A leur copain Oulipo

Le canapé était confortable

J’n’avais pas tout compris à leurs mots

J’m’étais endormi

La poésie avait ses publics

Ses langages

Ses mondes parallèles peut-être

A quels carrefours pouvait-on se rencontrer

On se croisait

On s’voyait

Est-ce qu’on se parlait

Est-ce qu’on s’écoutait

On s’jugeait

On s’méprisait

On s’ignorait

On s’acceptait

On cherchait

On questionnait

On apprenait

On s’cultivait

On s’élevait

On régressait

On n’avait peut-être rien à dire

P’t’être qu’on voulait rien dire

Ou qu’on ne savait pas comment le dire

Alors on décortiquait le langage

Comme un objet

C’était quasiment purement formel

On s’créait un réel

On recopiait les notices des jeux vidéos

Les conversations virtuelles

Tout devenait des tas d’réels

Des vies de toutes pièces inventées

Fuites d’un monde insensé

Ou pures vacuités

Pures vanités

Des mots distordus

Exercices d’écriture

On s’construisait des cercles fermés

Sur les sièges des universités

On s’congratulait d’éloges

Et puis après

Surgissaient enfin les mots qui te saisissaient

La force d’un souffle

Les mots qui jaillissaient

Comme des vagues d’une source intarissable

Des cascades d’images

Des litanies de sons

Fallait qu’ils sortent tous ces mots allongés sur l’canapé

Fallait qu’ils sortent c’était vital

Des marées de mots d’hirondelles

Là où l’corps avait besoin de s ‘exprimer

Là où ça faisait mal

Quand son élan avait été contraint au silence

Des mots d’Iran ou d’Haïti

Là où le poème était un pain quotidien

La parole était partagée

La parole était libérée

Thierry Rousse
Dimanche 13 octobre 2024
« Une vie parmi des milliards »

Quand ça arrive tout ça

Une vie parmi des milliards

Quand ça arrive tout ça

Les feuilles mortes sur les trottoirs

Quand ça arrive tout ça

Les jours qui raccourcissent

Quand ça arrive tout ça

Les brumes des p’tits matins

Quand ça arrive tout ça

Les pluies diluviennes

Quand ça arrive tout ça

Les bleus du ciel

Quand ça arrive tout ça

Les lampadaires diffusant

La douceur d’un soleil

Quand ça arrive tout ça

Des clairs de lune de tendresse

Quand ça arrive tout ça

Des amis se retrouvant

Sur les terrasses des brasseries

Quand ça arrive tout ça

Des amoureux dormant sur les marches

Quand ça arrive tout ça

En haut des marches

Tu vois déjà Noël

Quand ça arrive tout ça

Tu voudrais qu’ta vie soit belle

Quand ça arrive tout ça

On dit qu’les gens seuls

Se cachent sous des feuilles mortes

Quand ça arrive tout ça

On dit qu’leurs nuits

S’allongent dans l’hiver

Quand ça arrive tout ça

Que leur reste-t-il après le travail

Quand ça arrive tout ça

Les brumes des vendredis soir

Quand ça arrive tout ça

On dit qu’ils ne peuvent plus écrire

Noyés dans des pluies diluviennes

Quand ça arrive tout ça

Des bleus dans leur tristesse

Quand ça arrive tout ça

Des lampadaires diffusant

La douceur d’un soleil

Quand ça arrive tout ça

Des clairs de lune de tendresse

Thierry Rousse
Nantes, samedi 12 octobre 2024
« Une vie parmi des milliards »

Un dernier chapitre

Une vie parmi des milliards

Comment ça s’terminerait toute cette histoire

Dis

Comment ça s’terminerait

C’est qu’il s’en était passé des épisodes

Des envols

Des disputes

Des silences

Des pardons

Des ailleurs

D’autres rencontres

Des retrouvailles

Des voyages

La détermination

Les réussites

L’indépendance

Les déceptions

La solitude

Les amours éphémères

Et puis toujours lui

Qui revenait

Qui s’accrochait à toi

Comme son dernier espoir

Et cette surprise

Qui bousculait ta vie

Celle que tu n’attendais pas

Au matin d’une nuit d’ivresses

Que faire

Que faire de cette vie

Fragile

Balbutiante dans ton corps

La laisser grandir

Atterrir sur la terre

Ou

Ou

Et après

Le dernier chapitre en dévoilerait la fin

Allais-tu le lire Marcel maintenant

Ou

Laisserais-tu passer la nuit

Comme un train de nuit

Comment tout ça finirait

Pour toi

Pour elle

Pour lui

Pour cette p’tite graine du hasard

Qui n’avait rien demandé à la vie

Cette p’tite graine née dans l’océan d’ton corps

Tout ça finirait dans ces pages

Posées sur ta table de chevet

Qui t’attendrait demain

Qui t’attendrait demain

Une nouvelle vie

Ta nouvelle vie

Ton dernier chapitre

Qui l’écrirait

Toi

Elle

Lui

L’auteur de ce roman

Le hasard

La providence

L’humeur d’un instant

Une longue réflexion

La voix de l’intuition

Ton dernier chapitre

Tu venais de le lire Marcel

Natalia avait choisi de laisser naître cette p’tite graine de son corps

Avait rappelé son ami Simon

Et tous trois unis

Commençaient une nouvelle vie

Il est certains livres qui se finissent bien

Certains livres qu’on aimerait écrire

Comme un dernier chapitre

Thierry Rousse
Nantes, vendredi 11 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”
Inspiré de
Rien n'est jamais écrit d'avance”
Roman de Daniel Bercheux
Éditions Maïa

Parler d’la mort

Une vie parmi des milliards

Parler d’la mort

C’est p’t-être bien parler d’la vie

Quand as-tu su qu’t’allais mourir

A quel âge tu t’souviens

Qui t’l’a dit

Comment l’as-tu appris

Est-elle innée ou acquise

La conscience de la mort

Qu’est-ce que ça t’a fait de savoir

Qu’t’allais mourir

A l’âge où tu l’as su

Que pouvais-tu en dire

Pouvais-tu au-moins en parler

Pouvais-tu seulement y réfléchir

Non j’pense pas

Peut-être que ça s’est logé

Dans la mémoire d’ton corps

Peut-être t’a-t-il dit alors ton corps

Faut qu’tu vives

Jusqu’à cet instant qu’tu ignores

Cet instant où ton corps sera mort

Faut qu’tu vives le plus heureux possible

Qu’tu prennes soin d’ton corps et d’ton âme

Faut qu’tu aimes

Qu’tu les aimes

Ton corps et ton âme

Et tous les autres corps

Et toutes les autres âmes

Parler d’la mort

C’est p’t-être bien parler d’la vie

Et que fais-tu des corps qui sont morts

Chéris-tu leur âme encore

Avec qui vis-tu

Que connais-tu des origines de la vie

Et de cet infini de l’univers

N’es-tu que poussière d’étoile

Qui se pose sur la terre

Emportée par les ressacs de la mer

Parler d’la mort

C’est p’t-être bien parler d’la vie

Honores-tu les morts chaque jour

Au même titre que les vivants

Vis-tu avec eux

Penses-tu à eux

Comme un dieu éternel

Au-delà des murs des cimetières

Ta pensée fidèle éviterait bien tant de guerres

Parler d’la mort

C’est p’t-être bien parler d’la vie

Combien en as-tu tué d’êtres vivants pour vivre

Combien en as-tu sauvés

A qui t’as donné vraiment la vie

T’es-tu nourri seulement de la vie

Parler d’la mort

C’est p’t’être bien parler d’la vie

Thierry Rousse
Nantes, mercredi 9 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”

Midi midi Poésie

Une vie parmi des milliards

C’est l’bleu limpide

D’un ciel d’automne

Qui m’pique les yeux de bonheur

Quand le vent a chassé

Tous ses nuages gris

C’est l’bleu uni

Qui m’rappelle toutes nos promenades

Sur les falaises de Pornic

C’est la fin d’un dimanche

C’est la menace d’une tempête

C’est notre attente avant l’déluge

Derniers instants de poésie

C’est pour nous place du Change

Un marché d’livres qui s’étale

A nous d’sauver ces belles reliques

Avant leur fin tragique du pilori

C’est au bout de tous ces mots

Tout au bout de tous ces mots

Des tréteaux qui s’montent

Quels saltimbanques

Verrons-nous traîner au crépuscule

Peut-être bien un François Villon

Un Rimbaud ou un Verlaine

Ou le spleen d’un Baudelaire

Ou les Misérables d’un Victor Hugo

Ou la santé d’un Grand Corps Malade

Peut-être bien tout ce peuple de la rue

Nantes la révoltée ne manque pas de voix et d’espoirs à c’que je crois

C’est là où je suis

Sur cette planète-ci

A cette heure-ci

Crois-tu qu’la scène est ouverte

C’est Midi Minuit Poésie

Et après minuit

C’est Minuit Midi Poésie

La moitié d’un autre monde

Des quartiers de lune restant sur l’pavé

Toutes ces étoiles argentées

Tombées de leurs nuages de coton

Qui n’auront pu

Sous les sunlights des subventions

S’exprimer

Ce sont quatre garçons

De retour dans l’vent

C’est la jeunesse qui s’enivre

C’est une Guinness qui t’dit

Savoure-moi doucement

Je t’aimerai tendrement

C’est Minuit Midi Poésie

C’est un jeu de fléchettes

Tire dans l’mille de mon coeur

Les mots qui chantent leur envie

Tout au fond d’ce pub irlandais

C’est Midi Midi Poésie

Tout un jour sous la pluie qui s’ennuie

Où le sens se languit

Qu’en feront nos élites

Des fusées vides lancées dans l’univers

Plus

J’n’ai rien à dire

Que toi

J’essaie

Même pas

Poète des trous noirs

La musique sauve tes mots

Gros bisous du chaos

Ce sont tes derniers cris

Pars

Et ne te retourne pas

Les bien aimé.e s sont bien au chaud

Rue de la paix

Et la poésie n’a pas dit son dernier mot

Thierry Rousse
Nantes, mardi 8 octobre 2024
“Une vie parmi des milliards”

Pierrot, Amélie et tous les enfants du monde

Le p'tit grain de sable Pécheur d'histoires Spectacle jeune public Conte et théâtre miniature

Quand est-ce qu’on sort d’cette boîte

Y’en a marre d’être confinés

Je sais

Je sais

Pierrot et Amélie

J’voudrais bien vous sortir de là

Vous emmener un peu partout

J’sais que les enfants vous adorent

Mais

Ça ne dépend pas que d’moi

Moi aussi j’suis triste

Triste de rester ici

J’aimerais encore

Rejouer avec vous

Pierrot et Amélie

Pour l’plaisir des enfants

Et parce qu’on a

Tous les trois

Oui

Tous les trois

Tous les trois des choses à partager encore ensemble

Avec tous les enfants du monde

Mais hélas la vie est ainsi

Plus personne nous appelle

Pour nous faire venir

Plus personne ne répond à nos lettres

Les frontières sont toutes fermées

Plus personne

Qu’un désert

C’est que

Qu’ces gens-là

Qui pourraient nous programmer

Sont sans doute bien débordés

Dans leurs contrées

Sous une avalanche de propositions

C’est que

Qu’ces gens-là

Qui pourraient nous programmer

Sont sans doute limités

Soumis à de fortes restrictions

C’est que

Qu’ces gens-là

Peut-être

Tout simplement

Nous connaissent pas

Alors

Alors

C’est fini

On restera toujours dans notre boîte

Notre p’tite boîte

Comme une tombe

Oubliée au milieu d’un cimetière

Sous des primevères

Des chrysanthèmes

Ou des perce-neige

Peut-être

Peut-être

Je n’sais pas

Pierrot et Amélie

Faut toujours y croire

C’est c’qui nous fait vivre

Toujours

Y croire

C’est

C’qui nous fait vivre

Toujours

Toujours

Y croire

En tout cas

Un jour

J’vous sortirai d’là

C’est promis

Vous serez chez moi

Dans mon appartement

On jouera ensemble comme avant

On nettoiera tout l’océan

De tous ses vilains bouchons en plastique

Et la sirène de ses couplets nous mènera

Tous les trois dans le palais de son roi le dragon

Ce p’tit poisson qu’t’avais sauvé

Qui remontait le courant des rivières

Sa persévérance l’avait couronné

Il t’avait offert ce qu’il avait de meilleur

Ses fruits de mer

Et ce p’tit bateau

Et cette huître géante

Et cette huître géante

Tu t’en souviens Pierrot

Tu l’avais rapportée dans ta bourrine

Pour ta jolie Amélie

T’avais gravi pour elle toutes les dunes

Parcouru pour elle tous les marais

Et tous les prés de jonquilles de coquelicots et de lavande

Et bien des chemins

Et bien des chemins encore du nord au sud

J’m’en souviens

Elle était de plus en plus lourde

Cette huître géante

Enfin j’étais arrivé à notre bourrine

J’me suis caché derrière un rideau rouge

Pour faire une farce à mon Amélie

Oui

J’m’en souviens Pierrot

Elle était si inquiète

Ton Amélie

De pas te voir revenir dans la nuit

Quand au milieu de votre cuisine au matin

Elle est tombée sur cette huître géante

Et là

Elle a tout compris

T’étais de retour

Pierrot

Des grandes marées

Des fonds des océans

Des bourrasques

On en sort bien un jour vivant

On rebondit sur le sable des abysses

Et c’est de nouveau la vie qui nous sourit

Une perle magique confinée dans une huître

Et tu rajeunis

Toi et ta jolie Amélie

Vous retrouvez tous les deux l’île de votre enfance

Elle

T’apprendra à danser

Même si t’as pas le rythme

Tu t’sentiras libre et heureux avec elle

L’huître

Elle

Pendant ce temps-là

Retrouverait

Sa mer

Délivrerait les poissons

S’envolant dans le ciel

Sans elle dans votre bourrine

Vous aviez retrouvé tous les deux votre vieillesse

Et puis

Qu’importe

Vous restait la jeunesse de votre amour

Se balançant dans vos cœurs

O mon Pierrot

Tu es beau comme un paquebot

O mon Amélie

Tu es jolie comme la vie

Tu promettais

A ta belle

De pêcher

Dès lors

Tous les bouchons en plastique

Qui étouffaient les poissons

Et polluaient tout l’océan

Et tous deux

Viviez unis à l’unisson de l’univers

Dans la simplicité de votre tendresse

Dans la simplicité de votre tendresse

Quand est-ce qu’on sort d’cette boîte

Tu t’souviens

La Guinguette ensablée

Et la Soupe aux Cailloux

Et les Gamines

Tu t’souviens

Et la Belle Vie

Et l’Académie Fratellini

Tu t’souviens

Et Nangis

Et Saint-Gilles

De vraies scènes de théâtre

Tu t’souviens

Sous l’chapiteau des Croqueurs de Pavés

Tu t’souviens

J’me souviens

Même le Rêve du Loup nous avait accueillis

J’me souviens

Même le four d’un boulanger à La Clopinière

J’me souviens

On jouait aussi dans la rue

C’est là qu’nous avions débuté

Face à la mer

Face à tous les vents du large

Sur un remblai aux Sables d’Olonne

Alors

Alors

On remets ça

Alors

Alors

On remets ça

Pierrot et Amélie

On remets ça

Hissons tous les trois notre grande voile

Au vent des globes

Quand est-ce qu’on sort d’cette boîte

Dès que le vent soufflera amis

On repartira tous les trois avec Renaud

Pierrot et Amélie

Et tous les enfants du monde

Sur l’port de Trentemoult

Et vaille que vaille

Le cœur un peu fou

Et vaille que vaille

Le dragon des mers nous protégera

Et vaille que vaille

Le dragon des mers nous aimera

Thierry Rousse
Nantes, lundi 7 octobre 2024
« Une vie parmi des milliards »

Jean troué papillon

Une vie parmi des milliards

Y’avait des tapis rouges

Et des paillassons

Y’avait des serviettes

Et des torchons

Et toi t’essuyais les verres

Au fond d’un café

J’connais cet air

Tu m’l’avais chanté

A ta p’tite place du fond

Tout discret

Marcel

Tu t’confondais aux murs marron

T’avais tant d’années à rattraper

Où la douleur t’avait submergé

T’étais plus capable de poser un mot

Ta plume s’était asséchée

L’ancre était trop lourde

Tu n’pouvais que marcher

T’éloigner le long d’un canal

Longer au loin des ruisseaux

Tu rêvais de rivières

Le long d’une usine désaffectée

Tu rêvais un jour de tout quitter

Tu rêvais d’les rencontrer

Sous les lampions d’un bal

C’était lui

C’était elle

Que tu voyais main dans la main

Silhouettes qui s’éloignaient

Sur les bords de la mer

Début d’une romance

Pouvais-tu l’écrire jusqu’à la fin

A quoi pouvais-tu prétendre

Tombé dans tous ces bouquins

Écrire ton premier roman

Les palourdes

Espérer un jour être édité

Par qui

Et à quel prix

Ta chaise était rangée

Au rang des auditeurs

Et au rang des lecteurs

Assidus

T’attendais patiemment ton tour

Avais-tu seulement étudié la littérature

Sur les bancs de l’université

Quels écrivains connaissais-tu

Quels ouvrages

Que pouvais-tu en dire

Quels passages avais-tu retenus

Serais-tu reconnu par tes pairs

Qui un jour feraient entrer ton nom dans leur cercle

Marcel

Qui étaient tes pairs

Quel était ton cercle

Suffisait pas de trouver l’ouverture

De faire bonne figure

Fallait correspondre au style

C’était quoi déjà ton style

Jean troué ou chemise cravate

La cravate

Ça s’faisait encore la cravate

Ou le noeud papillon

Le noeud papillon

Point d’interrogation

Te faire remarquer

Sortir du lot

Jouer le décalage entre deux tendances

Esquisser un pas de danse

Jean troué papillon

Nouveau cercle des salons littéraires

Ciel bleu d’automne

T’allais prendre l’air

Y’avait plus de serviettes

Y’avait plus de torchons

Y’avait plus de tapis rouges

Ni de paillassons

Que des feuilles

Que des feuilles

Tombées du ciel

De toutes les couleurs

Et c’était joli

Et c’était joli

L’automne

Des salons multicolores

T’en voulais encore et encore

Jean troué papillon

Allez chauffe Marcel

Jean troué papillon

Allez chauffe Marcel

Thierry Rousse
Nantes, dimanche 6 octobre 2024
“Une vie parmi des milliards”

Le loup rouge et le petit chaperon noir

Le loup rouge et le petit chaperon noir, belles histoires, belles images, lecture très facile

Dessin un.

Il était une fois le rouge petit chaperon, le chaperon petit rouge, le rouge chaperon petit, le rouge petit chaperon, le petit rouge chaperon, le petit chaperon rouge, car les histoires commencent toujours par « il était une fois », ou, presque, je crois par une maison, car il y a toujours au-moins une maison dans un conte, au-moins une, j’imagine, une belle maison, car on rêve tous d’une belle maison, normande, de préférence, la maison, avec un toit de chaume pour la couvrir et des poutres en bois pour la tenir et soutenir son toit, le toit de la maison qu’il est important de tenir le toit de la maison de son enfance, je suppose.

Je suppose, car cette maison ne peut être vide, impossible! Une maison est toujours remplie dans un coin, car il y a au-moins un enfant dans un coin de cette maison, au-moins un, et peut-être même avec un chat noir entre ses jambes, et s’il y a un enfant au-moins dans cette maison, il y a au-moins une maman, au-moins une, la maman de cet enfant, j’en déduis.

Le papa ? Je ne sais… J’ignore s’il y a un papa dans cette maison, pas plus dans ce coin, ce puits ou ce grenier malgré cette échelle que j’aperçois, car il n’est pas dessiné du tout le papa.

Et, qu’aurait-il dit à sa fille, le papa, s’il avait été dessiné ?

Dessin deux.

Car, cet enfant est une fille, oui, une jolie jeune fille en souliers blancs, avec des collants, une jupe violette rayée, rayée la jupe, un tablier blanc comme les souliers blancs, une poche cousue sur son tablier par sa maman naturellement, une fleur bleue dans sa poche cousue, les bras et les mains nus, une main cachée derrière son dos, une bouche en forme de coeur, un petit nez, des yeux sur le côté, une natte noire, et un capuchon rouge, non, un capucheron rouge, non, un chapucheron rouge, non, un chaperon rouge, oui, le petit chaperon rouge, c’est comme ça qu’on a écrit le nom de cette jolie jeune fille, mais le motif ne le dit pas, c’est seulement indiqué sur la couverture du livre: « Belles histoires, belles images, le petit chaperon rouge, denise chabot, lecture très facile, fernand nathan ».

Cet enfant, on ne peut que l’aimer, cet enfant affublé d’un tel nom.

« Le petit chaperon rouge , ça me dirait bien ce nom , se dit Lucie, c’est pas commun! », mais qu’est-ce qui est commun ?

Dessin trois.

Sa maman lui donne un papier, non, un panier ! Un panier, avec, dedans, une galette et un pot de confiture, parce que, la galette, c’est bon, et que la confiture, c’est bon aussi, et que galette et confiture, ça va bien ensemble, du-moins, je crois, galette et confiture.

La scène se passe devant une cheminée, avec une marmite suspendue au-dessus des bûches et du feu, une chaise vide près de la cheminée et une bougie sur la cheminée, dans son bougeoir, la bougie, forcément. Sans doute, bientôt l’heure de souper, et, pourtant, la maman envoie du doigt en mission son enfant qui ne mangera pas ce soir, c’est évident.

Dessin quatre.

Devant, je vois le petit chaperon rouge quitter sa maman dans la maison en portant son panier le pas léger.

Le pas léger, toute réjouie, il me semble, de quitter sa maison, car, un beau jour, on a toujours envie de quitter sa maison, jeter ses yeux ailleurs, remplir son ventre sans doute ailleurs, je crois, sans doute.

Dessin cinq.

On ne voit déjà plus la maison, qu’une église au lointain, un chemin sinueux, une fleur rouge au bord du chemin sinueux, des flaques d’eau, un pont de bois, un pont de bois au-dessus, au-dessus du temps, je rajoute.

Le petit chaperon rouge franchit le pont comme si elle s’envolait et se retenait à un fil invisible, le panier léger, un oeil vers sa destinée, l’autre, vers son passé, car on pense toujours à ce qu’on pense trouver devant soi, car on pense toujours à ce qu’on pense laisser derrière soi, car on pense toujours en somme, en somme on pense, on pense à la somme des pas qu’on dépense, de ce qu’on, qu’on compense toujours de trop peut-être, de trop peut-être, d’être de trop peut-être, peut, peut un être, je n’en suis pas certain, certain de rien, de rien.

Dessin six.

Après, c’est quatre poussins, j’en compte quatre, trois devant qui chantent, et l’un derrière à la traîne, car il y en a toujours un à la traîne près d’une fleur rose, c’est ainsi la vie.

L’action se déroule dans une forêt avec de grands arbres, car les arbres sont toujours grands dans les forêts qu’on dessine, du moins, je pense.

J’ai oublié la fleur bleue avant, et la flaque d’eau après. On oublie quand on est sur l’instant.

Dessin sept.

Maintenant le panier est posé sur une souche d’arbre, je crois, je ne vois pas bien, un oiseau est à côté qui piaille.

Notre petit chaperon rouge a la tête nue. Elle a ôté son capuchon ou presque. D’une main, elle tient un bouquet, de l’autre, elle tend une fleur, tout ça est joliment coloré bien sûr, et il y a de grands arbres, toujours.

Dessin huit.

Le loup est en face les jambes croisées, la queue velue nonchalante, pantalon rayé bleu, ceinture jaune, pieds et torse nus, poilu, pas les pieds, le torse, court gilet marine, casquette assortie au pantalon rayée bleu, la classe en sorte!

Je continue… Une oreille tendue, dressée, un bout de langue qui sort, une main sur la poche de son gilet, et l’autre, l’autre main recroquevillée qui semble appeler, appeler qui?

Son regard me paraït triste pourtant, un regard de loup battu malgré sa classe de gentleman estival et viril.

Serait-il seul ce loup humain? Un vrai solitaire, le loup? Et sa meute, où est-elle?

Derrière un tronc, le guette une minuscule souris. Au pied du tronc, tout contre, trois champignons, la maman et les deux petits, et le papa? Toujours pas de papa! Un peu plus loin, deux pâquerettes roses au coeur bien noir.

Dessin neuf.

Le loup s’incline, ôte sa casquette tout poli, s’adresse au petit chaperon rouge avec tant de délicatesse.

Le loup me semble si gentil. Que lui demande-t-il ? Que peut-il, à ce croisement, demander au petit chaperon rouge, vraiment ? Sans doute, un service, lui ramasser un champignon ou une pâquerette ?

Je vous accorde cette ligne blanche.

Je reprends avec ma plume noire. Le petit chaperon rouge lève les yeux vers le loup, tenant des deux mains son panier rempli, admirative.

Dessin dix.

Sur le dessin suivant, il n’y a plus qu’un paysage, le lieu de cette rencontre, entre le rouge et le noir, un vide, le vide d’un désir à remplir, on peut tout s’imaginer, tout, ou, presque, avec deux couleurs, une illusion et du bonheur.

Trois oiseaux chantent, un bleu, un jaune, un rouge, un rouge devant le jaune et le bleu.

J’aimerais m’arrêter, m’y promener, ne plus travailler, boire un café, être bûcheron ou forgeron, être un oiseau et chanter, être un enfant et dessiner, être un poète et compter mes pieds jusqu’à l’arrivée, m’échapper de la page discrètement.

Je suis fatigué d’écrire, d’écrire n’importe quoi, ou, presque n’importe quoi, on n’écrit jamais n’importe quoi, jamais, ça, c’est ben vrai.

Dessin onze.

Le loup cogne à la porte d’une maison, la queue redressée, timidement incliné.

Sur la boite aux lettres réside un oiseau, sous la boite aux lettres, deux fleurs, la maman et son enfant, toujours pas de papa, et, au-dessus de la porte jaune, sur un toit, trois autres oiseaux.

Le loup semble avoir chaud. Chaud de quoi ? Peur de quoi ?

Pas de dessin, intermède

Un enfant m’apporte une pâquerette jaune, puis deux pâquerettes blanches, puis deux autres pâquerettes plus grandes.

C’est beau les fleurs, je me dis, c’est beau un enfant qui apporte des fleurs, j’écris, c’est beau, que rajouter à ce geste ?

Dessin douze.

Dans un large lit vert à baldaquin, deux rubans violets noués à chaque extrémité, soigneusement bordée, la tête sur ses deux oreillers blancs, encadrée à ne plus bouger, emmitouflée comme en hiver, les mains le long de son corps avec discipline rangées, sous un drap d’arlequin et un édredon rouge, dort la grand-mère, car il y a toujours une grand-mère dans une histoire, au-moins une, je prétends, une bonne grand-mère du terroir normand, des confitures et des galettes, bonne la grand-mère il va sans dire, avec une charlotte à fleurs et des lunettes rondes.

Notre loup, à ce moment, entre à pas de loup, étirant sa longue langue rouge de soif. Son entrée m’a tout l’air théâtrale. Le décor est planté, le rideau est ouvert. Comédie de boulevard ou comedia dell arte ?

Dessin treize.

On se méfie toujours du treize, qu’on voudrait déjà être au dessin quatorze, mais c’est le treize qui m’importe à cette heure.

Les cloches sonnent. Loin de la forge, j’écris dehors, un jardin pour les grands enfants.

Notre mère-grand bien-aimée monte en courant les escaliers, si vite qu’elle en perd sa charlotte dans le vent. Un oiseau transparent au-dessus de sa tête l’emporte.

  • Et bien, mamie, quelle vitalité ! Quelle jeunesse retrouvée ! Qui t’a ainsi émoustillé ? Est-il convenable d’en parler, seulement entre nous, seulement, après un verre de vin partagé ? Aurait-elle vu le loup, mamie ?

Je vous laisse fabuler , tout ou presque.

Dessin quatorze.

Et déjà l’on regrette le précédent.

Il n’y a plus que le visage, le visage du loup qu’on voit en gros plan, la charlotte de mère-grand sur sa tête, la langue rose ravie d’un désir assouvi.

Dessin quinze.

En dessous du portrait de ce loup heureux, le médaillon du petit chaperon rouge aux yeux si doux, à genoux, le panier de galettes et de confitures tout près d’elle, un bouquet de fleurs dans sa main, posé sur son autre main un papillon jaune, le même qu’on devine sur son tablier blanc.

Lucie songe à ce loup solitaire croisé dans la forêt aux grands arbres.

Qu’est-il devenu ? S’est-il fait une amie, ou, peut-être mamie ?

Dessin seize.

Le petit chaperon rouge cogne à la porte jaune.

Un oiseau est sur le bord de son panier. Un autre vole à sa rencontre. Un autre se penche par-dessus le toit. Un autre est sur le toit, tout simplement, il est, posé.

A la droite de la porte, une boite à lettres verte.

Sous la boite à lettres verte, deux fleurs, une grande et une petite.

C’est simple, il n’y a rien de plus simple la vie. Qui la complique ?

Dessin dix-sept.

Notre petit chaperon rouge se penche pour parler à son ami le loup, lui murmurer quelque attention sans doute.

Sa jupe rayée est relevée de ce fait par cette action osée.

Ses deux mignons pompons rouges sont visibles, ostensiblement offerts.

Notre loup, retourné, feint de dormir, son museau sous la blancheur du drap.

Au-dessus, une représentation du grand-père, sans doute à la force de son âge, l’image est noircie volontairement.

Dessin dix-huit.

Le loup surgit, pattes brandies, le bout de sa ceinture jaune raidit telle une flûte enchantée.

Le panier est entre deux, figé.

  • O! Que c’est drôle! S’exclame Lucie, quel talent !
  • Je t’ai bien surpris ! Répond le loup, je t’ai joué la farce du gros méchant loup. Cette pièce mérite le « in ». La critique est unanime. Reste un mystère, la chaise à bascule noire, celle du père de ce récit ?

Dessin dix-neuf.

L’image est une place. La place d’un village. Un village désert.

Au milieu, une fontaine. Sur un trottoir, un réverbère. Des maisons avec des toits de chaume, des coeurs découpés sur les volets que je touche, et, et une église, au-moins une, et sur le clocher de l’église, les quatre directions, le nord, le sud, l’est, l’ouest, parce qu’il faut bien s’en aller quelque part, tout en haut de la cime de l’église, un coq.

Que fait-il ben donc ici ce coq hardi ?

Dessin vingt.

Vous avez mérité un verre.

Des arbres sont apparus dans le village. La lumière aussi à travers cette chaumière.

Traverse sur la grande place un gros monsieur, oui, un gros monsieur avec des lunettes rondes, une moustache, une barbe, un fusil, des bottes marrons sous ses guêtres blanches, un pantalon vert, une veste beige, et un écusson sur l’épaule, oui, un écusson jaune , rouge, et noir.

C’est le gros monsieur connu comme le loup blanc dans le village, le premier debout qui tire sur tout ce qui bouge.

Mais qui l’accoste? Une femme légèrement de profil, chaussons à carreaux, robe rose, châle à franges violet, serait-ce notre mère-grand l’aguichant ?

Gros-monsieur en est tout renversé d’amour, il me semble, ah l’amour, l’élixir des artistes!

Dessin vingt et un.

L’histoire dégénère.

Un pied sur le dos du loup, Gros-monsieur pose pour son trophée, une volute de plaisir s’échappant de son fusil brandi.

Notre loup est face contre terre, abasourdi.

  • Maintenant elle est à moi, la mamie, se dit le Gros-monsieur vainqueur. C’est l’instinct du mâle sur l’animal.

Dessin vint trois.

Petit chaperon rouge crie au loup dans les bras de mamie qui se justifie.

  • Je n’y suis pour rien mon petit. Les grands savent mais n’avouent rien aux petits de ce qu’ils savent des erreurs des grands.

Dessin final.

Thierry Rousse
Lieu de création « La vie de Bohême » , Broglie (Normandie), invité en résidence par Delfine Ferré, artiste plasticienne en juillet 2011
Relecture le 5 octobre 2024 à Nantes
Texte intégré au recueil « Une vie parmi des milliards »

Comment dire les mots

Une vie parmi des milliards

De la séparation

Ce qu’elle

Ce que tu ne ressentais plus pour lui

Ou peut-être

Ce qu’elle

Ce que tu n’avais jamais vraiment ressenti pour lui

Ou tout simplement la vie

Celle dont tu rêvais était ailleurs

Avec un autre que lui

Comment lui annoncer ton départ sans le blesser

Sans le percer

Sans le transpercer

Car au fond

D’elle

De toi

T’éprouvais de l’affection pour lui

Natalia en était là avec Simon

Chapitre six

“Rien n’est jamais écrit d’avance” (1)

Natalia

Dans ses réflexions

Dans ses confusions

Dans ses persuasions

Dans ses questions

Dans ses intuitions

Natalia

Lasse

Simon

T’allais t’endormir avec Natalia dans ta tête

Son point d’interrogation dans ton cœur

Comment dire les mots

Ou ne pas les dire

Juste les faire comprendre d’un signe

Ces mots qu’on signe

Peut-être d’un geste

D’un regard

D’un reproche

D’une envie

Juste l’envie d’être ailleurs

Natalia

Comment dire tes maux

Cette histoire qui te réveillait au milieu de ta nuit

Quand tu culpabilisais de le quitter

Quand t’avais pourtant besoin de ta liberté

Vivre pleinement ta vie

T’épanouir

Jouir librement

Ne pas avoir à dépendre de lui

Voler de tes propres ailes

Lui

Simon

Il avait su t’abriter au moment où t’en avais vraiment besoin

Être ton nid douillet rassurant

Trois mois écoulés

T’avais repris des forces

Tu pouvais t’envoler vers ta destinée

La grande ville qui te faisait rêver

Fuire cette province trop calme à ton goût

Où tu ne voyais aucun avenir

Aucun tremplin pour te réaliser

Qu’une routine où t’enfoncer

Une campagne où rien ne se passait

Qu’un vol d’hirondelles

Il resterait toujours pourtant lui

Dans ton cœur

Ton ami

Ton confident

Simon

Pouvait-il le comprendre

Sans se sentir abandonné

Sans se sentir trahi

Ou utilisé par toi

Natalia

Pouvait-il t’aimer jusque là et après

Pause autour d’une bière

Il est des êtres

Sur terre

A vocation

De passeurs migrateurs

Crois-tu qu’ils connaissent le bonheur

La joie d’offrir

Sans rien attendre en retour

Reprise du récit

Simon te répondrait-t-il dans l’heure

Ou

Se protègerait-il pour ne plus souffrir

Ne plus espérer être aimé

Comme on aime sa moitié

Simon

Natalia

Combien d’ils comme lui

Construisaient des murs

Pour oublier

Dans la routine

La femme tant aimée

Combien de Simon

Puisaient dans leur travail

Dans une détente planifiée

Un emploi du temps bien orchestré

Des lieux bien identifiés

Leur survie

On pouvait passer toute une vie seul

Au milieu des autres

N’être qu’une série de missions programmées

Naître

Vivre

Et mourir

Connaissais-tu toi les larmes des temps gelés

Simon espérait toujours

Voulait ramener la femme qu’il aimait vers lui

Natalia

Elle avait besoin de vivre simplement sa vie

Le comprenait-il

L’amour était-il appartenance

Ou

Délivrance

Comment dire les mots sans qu’ils blessent

Dire que c’est fini

Que t’as dit le mot de trop

Dire que c’est fini

Que tu n’as pas dit le mot qu’elle attendait

Peut-on tracer un trait définitif

Pour une histoire de mots

Effacer les effusions de tendresse au bord de l’eau

Les sourires et les rires

Les instants de complicité

Les étreintes fusionnelles sur un banc

New York avec toi

Comment dire les mots de la séparation

Comment dire les mots de la réconciliation

Comment dire

Comment te dire

Comment tout te dire

Natalia à Simon

Je suis loin de toi à présent

Le temps s’est écoulé

Je traverse l’océan

Quand toi t’es encore au bord d’une rivière

Quand toi t’es encore au bord d’une rivière

Simon

Fin du chapitre six

Thierry Rousse
Nantes, vendredi 4 octobre 2024
“Une vie parmi des milliards”
(1) “Rien n'est jamais écrit d'avance” Daniel Bercheux, éditions Maïa


C’est comment qu’on naît

Une vie parmi des milliards

C’est comment qu’on fait

T’as le mode d’emploi dis

Il est où

Passe-le moi

Comment on fait pour exister

Pour ne plus être transparent

Dans la foule des gens

Comment on fait

Dis

Cette fois-ci

Fais le premier pas

Si l’autre ne le fait pas

Prends ton courage à deux pieds

Ou à deux mains aujourd’hui

Fais le poirier pour te faire remarquer

A l’envers tu sais on voit les cimes

Bonjour l’hirondelle

Comment t’appelles-tu

Souviens-toi de sa réponse

Et réponds-lui

Moi c’est

Et puis

Trouve le p’tit mot

Pour introduire la discussion

J’ai bien aimé ce qu’tu disais

Quoi déjà

Quel mot tu t’souviens d’elle

Quel mot t’est rentré là dans ton cœur

T’a fait rire ou sourire ou pleurer

Peut-être réfléchir sous la pause

Quel mot d’elle t’a fait plaisir

Jubiler

Quel mot de ses ailes a percuté ta mémoire

Jusqu’à la faire frissonner

Et s’envoler

Voilà ce qu’tu peux lui dire

Ton trou noir percé d’étoiles

Le mode d’emploi au comptoir

C’est qu’la poésie

Ça n’se consomme pas

Ça s’partage

On se l’offre et on se l’a reçoit

La poésie

N’est pas une compétition

Juste une libération

Un marathon

Où l’écho se fait son défi

J’ai entendu l’autre fois

On parlait d’une coupe du monde

Un trophée de mots

Dis-moi

C’est quoi le monde

Une abstraction

Une extraction du vide

Plus t’es près de ton cœur

Plus les mots résonnent juste à l’intérieur

Jusqu’au Big Bang qui en parle

Même les étoiles scintillent pour toi

L’univers est ta caisse de résonance

La technique

Elle

Viendra

T’inquiète pas

A force de pédaler dans les pages

Les lignes verticales durcissent tes mollets

Et musclent ta voix

Faut qu’ça claque avec ta langue

Mais dis-toi

Qu’une technique sans l’coeur

Ce n’est rien qu’un no’man land

Qu’un plat de nouilles sans son beurre

Car faut avoir des nouilles et du beurre

Un soupçon de trouille pour laisser traverser des années de lumière

Des mots qui bafouillent

Ces mots balbutiés qui prouvent

Que t’es pas une intelligence artificielle

Que c’que tu leur racontes c’est ta vie

Même si tu t’la racontes

C’est au public qu’tu la livres

Dans ton miroir c’est lui que tu vois plus que toi

Et quand il sourit

Quand il t’applaudit

T’es en vie

Le reste on s’en bat les nouilles

Ton cœur c’est que du beurre doux

Et salé quand il est révolté

C’est trois minutes et sans musique

C’est la règle à Chicago

Mais la règle est faite pour être déréglée de l’autre côté de l’océan

Alors allume le son de tes radios pirates à Nantes

Chante et danse

La poésie court partout dans ses rues

Les mots sortiront comme ils veulent

Aucune cage ne les enfermera

Ils rencontrent et s’accouplent bien

Avec leurs désirs pour ne pas rester seuls

Et puis tant pis si on t’dit rien sur ton texte

S’il n’est pas dans les normes

Si tu repars dans l’obscurité de la nuit

Les poches trouées à chaque scène

Restent bien toutes ces étoiles

Qui scintillent pour toi

Sur les bords de la Loire

Égrenées une à une

Ton ultime espoir dans un reflet de lune

Pour écrire tu sais faut être humble

Accueillir plutôt que t’imposer

T’as juste à laisser les sons te parler

Ton cœur se vider

Surtout pas chercher la vérité

Juste ta sincérité

Et dis-toi

Demande-lui

Au comptoir

C’est comment qu’on naît

Thierry Rousse
Nantes, jeudi 3 octobre 2024
Une vie parmi des milliards”