« Ok, Google, raconte-moi une histoire ! », de l’utilité des bibliothèques.

 

« Vacances pour la Zone A ». Ce mot « vacances » sonnait comme une délivrance pour celles et ceux qui étaient en vacances, à cette heure, ce vendredi 5 février 2021. Oubliée la Covid ! « De vraies vacances au soleil en Espagne !  » Ce couple en avait rêvé des jours et des nuits et son rêve était sur le point de devenir réalité, le temps pour ces beaux amoureux de grimper dans leur bel avion. La Covid resterait dans le triste hall de l’aéroport. Des barrières de sécurité veillaient à retenir les envies de poudre d’escampette de la vilaine sorcière. Roméo et Juliette lui disaient « Au revoir  » sans lui serrer la poigne, et, chassaient de leur esprit, au-dessus des nuages gris, toutes leurs idées noires. Dans leurs valises, ils avaient soigneusement rangé leurs promenades bucoliques, leurs baisers langoureux, leurs douces caresses, leurs dîners aux chandelles, leurs bains moussants aux pétales de roses, leurs séances « Home cinéma », et, cette part de découverte de soi, des autres, des paysages, d’une culture étrangère qui contribuait au charme des vacances.

Tant pis pour ma pomme, je faisais partie de la « Zone B » ! Il me fallait encore être un peu patient. Chaque chose en son temps. Vivre l’instant présent. Mon travail, au-moins, avait un sens. Transmettre le goût de la lecture aux enfants.

Certes, j’avais une concurrente de taille, Mademoiselle Google. Il suffisait de lui dire: « Ok, Google, raconte-moi une histoire ! « , et la charmante voix, aussitôt, contait une histoire dans la catégorie choisie. La demoiselle invisible aux deux « O » infatigables en connaissait des histoires. Je me sentais bien niais, arrivant à peine à l’ongle du pouce de son pied, à vingt mille lieux sous Terre. Les histoires drôles étaient son terrain de prédilection. Le seul avantage, si avantage il y eut, était que j’étais, bien que masqué, visible en grande partie aux oreilles de mes auditeurs. Bref, j’existais de chair et d’os pour leurs yeux. Je pouvais répéter, m’arrêter, expliquer, interroger, illustrer, saisir un sourire, un bâillement, un ennui, une envie, transmettre de ma voix, de mon corps la passion des mots qui m’animait. J’invitais les enfants à dessiner ce qu’ils avaient retenu de l’histoire,, ce qui les avait ému, ce qui leur avait plu.

Pour ces enfants, j’enrichissais ma culture, semaine après semaine, une heure à la médiathèque de Rezé chaque lundi, mardi, jeudi et vendredi. Il m’avait fallu un bon quart d’heure avant de trouver l’entrée, dissimulée derrière une paroi noire oblique vertigineuse. Un couloir humide entre deux murs menait au Palais des Livres. Un genre d’entrepôt ou d’usine, composé de béton brut, d’aluminium et de verrières, qui n’avait rien de chaleureux, si ce n’est d’imposants fauteuils, des lampes de chevets rouges et des tables en bois grises aux jambes galbées. Je me disais que les architectes contemporains, à l’image de Le Corbusier et de sa cité radieuse qui n’avait de radieux que son nom, cultivaient le goût de la société industrielle, sans doute pour porter notre attention sur ce qui pouvait nous en extraire : les livres, les sentiments, l’amitié.

Cet Espace Diderot, au coeur d’une cité qui avait mal vieilli comme tant de cités d’une époque révolue, finissait par m’être familière. Mes pas glissaient sur sa plage lisse de béton gris jusqu’à la table en bois aux jambes séduisantes qui m’attendait. Mes pieds empruntaient les nombreux escaliers. Mes mains exploraient l’univers de la littérature « Jeunesse ». Mes yeux étaient attirés par des dessins et des mots. Chaque livre était un voyage, une parenthèse sur le temps. D’autres vies s’ouvraient, d’autres mondes. Je grimpais dans mon avion. Je me sentais en vacances dès que je franchissais le sas de décompression. Mes voisins étudiaient. A cette heure de la journée, la majorité était des étudiantes et des étudiants. Cette ambiance me rajeunissait d’au-moins trente ans. J’aimais ce parfum de silence, d’âmes concentrées, d’esprits bouillonnant qui régnait dans les bibliothèques. C’est curieux, je voyais toujours plus de femmes que d’hommes en ces lieux. Etaient-elles plus assidues aux études et aux sentiments dont les mots étaient les messagers ? L’homme préférait-il la mécanique et le skate-board ? Finalement, j’en concluais que ce n’était pas idiot d’entreposer des livres dans une usine et d’inviter Diderot au milieu d’une cité à la croisée des cultures. Les livres, au fond, ne cessaient de nous entretenir de l’humanité. Ce couloir humide entre deux murs était le passage secret vers l’intimité universelle.

Mon livre choisi de ce vendredi était « Le souffle de l’arbre », l’histoire d’un ancêtre qui s’était transformé, un jour, en arbre. Un tout petit arbre fragile qui avait grandi au fil des saisons, élargissant ses racines, ses branches, puisant au fond de la terre la nourriture qui le rendrait fort, grand et robuste, capable de subir les sécheresses les plus rudes, de traverser les moments les plus durs de la vie. Cet arbre perdant inexorablement ses feuilles, cet arbre à présent nu, savait, un midi, qu’il revêtirait son costume de lumière, aux mille couleurs du monde. Les enfants le dessinaient, le voyaient. Les mots prenaient chair. Un grand-père, une grand-mère, quelque part, renaissait. L’héritage des mots et des sentiments les plus purs, les plus tendres.

Un oiseau chantait sur une branche. Un rayon de soleil caressait le coeur du temps. Le livre était dans le nid, ouvert à la page du ciel.

Les lumières brillaient sur la ville, un pont enjambant nos deux rêves, deux envies, deux voyages vers l’infini du temps.

Thierry Rousse

Nantes, vendredi 5 février 2021

 » A la quête du bonheur »

Un jour de pluie, un jour d’hiver, le dessin d’une enfant

 

Le Grand Chef avait repris la situation en mains. Ce n’était plus aux médecins de décider du confinement. Le Grand Chef trancherait désormais. Un bien plus précieux prenait la tête : l’économie. Il en allait aujourd’hui de sa santé. De quelle économie parlait le Grand Chef ? Quelles productions et quelles consommations fallait-il sauver? Celles qui étaient essentielles? Lesquelles étaient essentielles ? Quelles vies devions-nous sauver ? Nous en étions arrivés à devoir choisir : sauver les vies de la covid ou sauver les vies de l’économie? A qui profitait vraiment l’économie ? Le « et » était-il seulement possible ? Et les enfants, qu’en pensaient-ils ?

Je regardais le dessin de cette enfant. Il était déjà tard et ma journée avait été bien remplie. Ce dessin allégeait mon âme. Il y avait un soleil tout jaune qui brillait avec ses deux yeux et sa bouche rouges en forme de coeurs. Un ciel tout bleu. De l’herbe. Le toit tout coloré d’une maison. A l’intérieur de la maison, deux chaises.Une table ronde au milieu. Sur la table, deux tasses. Au milieu, un plateau. Sur le plateau, quatre boules marrons. Des chocolats? A gauche, ce que je pris d’abord pour un gros poste de musique, était en fait un petit lit avec un enfant allongé dedans sur le côté. Je m’en rendis compte en tournant le dessin. Trois lettres s’en échappaient: « Z Z Z ». Juste au-dessus, un drôle d’enfant dans les airs était dessiné au crayon, à peine visible. Etait-ce l’esprit de cet enfant qui volait ? Ou son ange gardien ? A droite, un cube tout gris avec un carré rouge au milieu: était-ce un poêle? Au plafond, un rectangle rouge d’où partaient trois traits vers le bas semblait représenter une lumière. Je ne comprenais pas trop ce qui était dessiné à l’intérieur. Il y avait cette herbe également qui traversait la maison. Une part de mystère et de sagesse habitait le coeur de cette enfant. L’essentiel, au fond, n’était-il pas représenté dans ce dessin? L’amour ? Une lumière extérieure et une lumière intérieure. Ce qui éclairait et réchauffait. Le partage autour d’une table et la présence continue de la nature. Un ange protégeant l’enfant qui dormait. Dans ce tableau du bonheur, les deux chaises étaient vides. Qui était absent dans cette maison? Que pouvait signifier cette absence ?

Je regardais le film « Plonger » de Mélanie Laurent, jusqu’au moment où la jeune femme quittait son compagnon et son bébé. Sans doute, avait-elle besoin de repos. Voir plus clair dans sa vie. Se retrouver.

Retrouver ses origines ?

Un jour de pluie, un jour d’hiver, une enfant m’avait offert ce dessin, et, dans le ciel, brillait un soleil tout jaune, le désir du bonheur.

Thierry Rousse

Nantes, mercredi 3 février 2021

« A la quête du bonheur »

D’une saison à une vie reportées

 

Un week-end de pluie bretonne, un week-end à rester blotti dans sa bonbonne.

Samedi matin, l’Empereur et son petit Prince. L’Empereur :  » Je fis mes courses à Vertou et une marche dynamique au Pont Caffineau, un charmant site, au bord de la Maine, au milieu du vignoble nantais, qui se dévoilait à mes yeux. La pluie fine et régulière calmait mon esprit d’aventure et me conviait gentiment à rebrousser chemin. Je rapportais de ce paysage, un souvenir bucolique, et du marché, une dorade, deux merlu, huit bulots, une maillonaise « Maison », douze huîtres et une offerte, un kilo de pommes de ma productrice bio et un pain semi-complet de mon boulanger bio aussi ». Le petit Prince : « La pêche était copieuse, me régalais-je déjà et voyais-je ma vie tout en bio! « .

L’après-midi était passé vite, trop vite, le temps de manger quatre bulots et quatre huîtres, de digérer ces fruits de la mer, brosser mes dents, laver mes couverts, assiettes, verres, balayer les dalles de mon carrelage, ranger mes tee-shirts, chaussettes, caleçons, répondre à mes mails, relire les dossiers de présentation de mes spectacles en vue de les actualiser, et, déjà, le soleil se couchait. Trop tôt à mon goût. Je couvrais mes ardeurs et tirais mes rideaux. Francis me tenait compagnie. Un « Samedi soir sur la terre ». Quel poète, ce Cabrel ! Pensif, regardais-je tous ces programmes de théâtres proches de ma table de chevet: « Le Grand R », « Le Grand T », Le « Théâtre », « Le Lieu Unique », « La Soufflerie ». Tous les autres étaient rangés bien sagement : « Le T.U. », « Le Théâtre Vasse », « Le Cyclop », « Le T.N.T. », « Le Poche Graslin » … J’ouvrais les catalogues encore à portée de ma main, tout beaux et tout fiers. Mes doigts feuilletaient leurs pages colorées. Tant de spectacles que j’aurais désiré aimer ! La vie s’était soudain arrêtée, toute une saison ou presque, reportée. J’avais substitué ces sorties par des lectures ou des séances « DVD ». Je devenais casanier en ces temps de guerre froide. Le Grand Chef nous épargnait un troisième confinement. Il était gentil, le Grand Chef. Il pensait à notre moral, le Grand Chef, à l’économie aussi, à ce qui lui était essentiel. Le Grand Chef ne tenait pas à voir ressurgir, devant les grilles de son Palais, les hirsutes Gilets Jaunes avec leurs fourches et leurs pavés. Le Grand Chef nous faisait confiance. Bien fermer nos portes pour empêcher à l’ennemi d’entrer. Une manche nous tenait à distance du petit virus qui avait muté. Certains se réjouissaient déjà que l’île britannique se soit retirée de l’Europe. « Good Bye !  » Un grand soulagement. Bien chez moi ? L’égoïsme gaulois me gagnait-il ?

Au fil des programmes, parcourais-je ces titres afin de me réveiller de cette tentation à l’hibernation : « Le Jour se lève », « Le Jeune noir à l’épée », « D’autres mondes », « Les Hauts Plateaux », « De misère et d’amour », « Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été », « Un furieux désir de bonheur », « Blanche-Neige, histoire d’un prince », « La Conquête », « Féminines », « Je suis plusieurs », « Qu’est-ce que le temps ? « , « La Mécanique du hasard », « Têtes Raides, 30 ans de Ginette », « Et pourquoi pas ?¨! », « Le peuple », « Le bain », « Encyclopédie de la parole », « Les Oiseaux ne se retournent pas »…

Demain, le « Jour d’Après », dimanche.

Dimanche se levait avec une envie irrésistible de vivre et d’aimer. La nuit ouvrait à mon coeur de nouveaux horizons. Manger avec conscience m’avait occupé une grande partie du samedi soir sur la Terre. Mon esprit déculpabilisait mon ventre en digérant sa dorade. « Si ce n’est pas toi qui la manges avec raffinement et beurre fondu, ce sera un terible requin aux crocs pointus qui la croquera férocement et toute crue ! « . La formule était maladroite et maline à la fois. Je sauvais ma Belle méditérranéene d’une mort atroce, pourvue qu’elle fut attrapée avec douceur par un petit pêcheur sans racler les fonds de sa mer bleue. Passé minuit, mon estomac rassasié, renouais-je avec le « seul en scène ». Mes yeux et mes oreilles admiraient la verve et les mimiques des jeunes humoristes comme des anciens, de ce belge prometteur qui avait la frite, Guillaume, à notre illustre Raymond Devos qui partageait la dernière page de son millefeuille. Rire était une excellente thérapie à la monotonie des discours pondus par nos Chefs. (Co-co) ri (co) ! En face de la nouvelle Gare de Nantes, à l’aube d’une grasse matinée, mes pas s’égaraient dans les allées du Jardin des Plantes. L’orchidée avait bien de la chance d’être confinée sous sa verrière. J’aurais aimé être une orchidée ou un orchidée ? L’orchidée était une femme. Je restais dehors sous la pluie à l’attendre. Le jardinier m’expliquait qu’elle ne pouvait pas sortir puisque c’était une fleur des pays chauds. Je rentrais dans ma maison, un peu confus. Pourquoi les maisons n’étaient pas des verrières ?

Trêve à cette guerre sans répit. L’heure du goûter avait sonné chez Mémé Zanine et je ne l’avais pas entendue. Les crêpes n’auraient pas lieu. Mozart jouait sur son piano une sonate. Le monde était néanmoins paisible. Un désert silencieux où s’égrenaient les notes du vent. L’ennui possédait le charme d’un désir.

A défaut de crêpes, il me restait à savourer un délicieux chocolat chaud en lisant toutes ces vies reportées.

« Le jour se lève » : Jean-Claude Galotta reviendrait aux sources , le début des années 80. A cette époque, il rêvait d’être chorégraphe. Rodolphe Burger l’accompagnerait. Cette danse n’aurait d’autre sujet que le vivant.

« Le Jeune noir à l’épée »: Adl Malik, qui m’avait signé son livre au temps où nous étions libres, clamerait son long poème inspiré d’un tableau, un long parcours entre la pauvreté et le béton d’où jailliraient les fleurs des mots.

« D’autres mondes » : Frédéric Sonntag explorerait nos univers parallèles, une « méditation sur le cours de nos destinées », la « crise écologique » et notre « besoin de nous inventer des ailleurs ».

« Les Hauts Plateaux » : Mathurin Bolze m’inviterait à prendre de l’altitude et réfléchir sur ce que notre société léguerait à nos enfants. Le cirque inventerait les possibles de demain, l’audace, les points d’équilibre et les mains tendues pour ne pas chuter.

« De misère et d’amour » : La Mouche, une compagnie yonnaise, porterait les mots de Jehan Rictus, cet homme qui avait traduit la langue de la rue en poésie, interrogeant notre monde, nos regards, notre coeur.

« Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été » : Anaïs Allais nous offrirait une fête algérienne. La mère de Lilas et d’Harwan leur parlerait enfin de son pays où elle est née, cette histoire coloniale oubliée, tue, refoulée, proscrite. Des secrets de famille dévoilés.

« Un furieux désir de bonheur »: Olivier Letellier donnerait vie aux mots de Catherine Verlaguet et son personnage, Léonie, qui, du haut de ses soixante dix ans, déciderait de vivre heureuse, vivre tout ce qu’elle n’avait pas pu vivre et désirait vivre. Pour une fois, le bonheur s’accrochait et pétillait.

« Blanche-Neige, histoire d’un prince » : Michel Raskine revisiterait le célèbre conte où rien ne serait comme on l’avait imaginé, où l’on rirait du tragique, crise et déclin, monde qui se déglingue, le royaume de l’amour perdrait les joyaux de sa couronne. Rire du pire pour l’éviter?

« La Conquête »: Nicolas Alline et Dorothée Saysombat nous questionneraient sur nos origines, « de quelle histoire sommes-nous les héritiers ? ». En quoi mon histoire intime pouvait participer à la grande Histoire mondiale ?

« Féminines »: Pauline Bureau nous raconterait l’histoire de ces onze femmes qui composèrent la première équipe de France féminine, championne du monde. Comment la femme s’était faite une place dans un sport accaparé par les hommes?

« Je suis plusieurs »: Mathilde Lechat chanterait ce qui unirait, nous réunirait, nous distinguerait des autres pour exister.

« Qu’est-ce que le temps ?  » : Stanislas Roquette sous le regard de Denis Guénon incarnerait Saint-Augustin, la confession d’un homme qui cherchait à saisir le temps.

« La Mécanique du hasard » : pur hasard.

« Têtes Raides, 30 ans de Ginette »: l’un de mes groupes fétiches, un jour, reviendrait, quelques bougies en retard.

« Et pourquoi pas ?¨! » : Et pourquoi pas ? Le conteur Mamadou Salll s’inspirerait de Roméo et Juliette. Il nous parlerait aussi du « poussin noir qui voulait devenir blanc ».

« Le peuple »: ce lieu de débats, d’arts, de spectacles, de concerts était vraiment unique, il me manquait tant.

« Le bain » : les nus à travers l’art, quel était notre rapport au corps?

« Encyclopédie de la parole » : des paroles recueillies, ça chuchoterait, ça rirait, ça dialoguerait, ça apostropherait, ça expliquerait, ça consolerait, ça encouragerait, ça vivrait…

« Les Oiseaux ne se retournent pas »: Nadia Nakhlé mettait en scène cette enfant qui fuyait la guerre. (1)

Le spectacle vivant avait de beaux jours reportés devant lui. Hâte, avais-je, de retrouver les fauteuils ou strapontins de ses théâtres, hâte de m’émouvoir, m’interroger, rire, pleurer, réfléchir et d’aimer, hâte de partager ces instants éphémères avec toi, et toi, et toi, ici, et là, et ailleurs…

Il pleuvait encore. Le soleil s’était couché. Mozart continuait de jouer ses notes d’espoir. Je m’y accrochais, m’y balançais, le temps d’un soir, bercé d’étoiles, je tirais mon rideau et j’ouvrais une papillote. Etait-ce bien raisonnable pour ma santé?

« Plus on prend de la hauteur, plus on va loin ». (2)

Thierry Rousse,

Nantes, samedi 30 et dimanche 31 janvier 2021

« A la quête du bonheur »

(1) D’après les catalogues de programmation des théâtres.

(2) Proverbe chinois.

Une autre fin pour Juliette et Roméo et l’humanité ?

 

Le Conseil de Défense se réunissait ce soir, composé du Grand Chef et de sept de ses Chefs attablés pour décider de notre destin. Pur exercice de rhétorique ou de diction ? Quelle serait la fin de cette grande comédie ? Fin heureuse ou fin tragique ? Mon ventre s’offrait une soirée « Restaurant Cinq étoiles à domicile », composée d’une pizza bio du Pays Basque, accompagnée d’une savoureuse bière d’abbaye, d’une salade verte et d’un kiwi. Tête à tête avec ma tête embrumée d’Angleterre, d’Irlande, d’Italie et de Bretagne, songeais-je aux récifs de Roméo et Juliette.

Bel amour de jeunesse qui se concluait dans un bain de sang. Juliette dormait dans un caveau. Son âme espérait rencontrer les yeux et les mains de son bien-aimé qui la délivrerait de son mariage forcé avec Pâris, comme le lui avait promis le Frère Laurent. Roméo, n’ayant pu être informé à temps du stratagème de ce moine bienveillant et fûté, se précipitait au tombeau de son coeur chéri. Il tuait sur son passage son rival en larmes et découvrait le corps inanimé de sa belle Juliette. La croyant morte, il s’empoisonna : « Ainsi, dans un baiser, je meurs » (1). Juliette se réveilla peu après. Le Frère Laurent avait tenu sa promesse. La potion magique de la Belle au Bois dormant n’avait duré que le temps de ses noces avec Pâris. Elle découvrit hélas son tendre Roméo gisant sans vie. Accablée de chagrin, elle se poignarda, sourde aux mots consolateurs de Frère Laurent. Vivre sans son amour n’était plus vivre. « Tes lèvres sont chaudes » (1) étaient les dernières paroles de Juliette à son Roméo.

Chaque épisode de cette sombre histoire, par concours de circonstances, impulsivité, manque de discernement et de réflexion, passion, vengeance ou autoritarisme de l’entourage des héros, avaient contribué à l’aggravation de l’amour éperdu de deux jeunes appartenant à deux familles, les Capulet et les Montaigu. La véritable cause de cette fin tragique était à trouver au commencement, acte un, scène un, exprimée par Grégoire: « La querelle est entre nos maîtres et entre nous, leurs valets ».

Samson: « Grégoire, ma parole, on ne va pas se laisser marcher sur les pieds ».

Grégoire: « Sûr, autrement on pourrait nous traiter de pieds plats ».

Samson: « Je veux dire que si on nous chauffe le sang, on va tirer l’épée ». (1)

Etrangement, cette sotte rivalité me fit penser au drame de l’époque actuelle. Deux maisons s’affrontaient, celle de l’Humanité et celle de la Nature. La Maison de l’Humanité s’était installée sur le domaine de la Maison de la Nature et avait pris peu à peu ses aises, élargissant sans cesse son territoire. L’époque de la douce cueillette était depuis longtemps révolue, l’Homme chassait, cultivait, construisait, abattait des arbres, dérobait sans scrupule et souvent avec une extrême violence la cave comme le jardin ou le grenier de la Maison de la Nature et ses habitants. La Maison de la Nature au terme de tant d’humiliations commençait à se défendre. Les Grands Chefs de la Maison de l’Humanité auraient pu reconnaître leurs torts et déclarer à leurs citoyens : « Nous sommes allés trop loin dans notre désir inassouvi de produire et de consommer. Il est temps de ralentir nos désirs et retrouver une juste entente et harmonie avec la Maison de la Nature ». Au lieu d’un tel aveu empreint de sagesse, les Grands Chefs de la Maison de l’Humanité n’avaient d’autres préoccupations que de sauver l’économie et les pontes qui la dirigeaient, s’engraissant jour après jour de ses malheurs et réjouissances. Pure folie qui ne pouvait mener qu’à une fin tragique, pareille à celle de Juliette et Roméo !

Si nous ne pouvions compter sur nos maîtres érudits, il ne restait qu’à nous, simples valets, d’écrire une autre fin.

Samson: « Grégoire, ma parole, on va leur demander pourquoi ils nous haïssent tant ».

Grégoire: « Sûr, on va leur ouvrir nos oreilles et notre coeur, qu’importe s’ils nous insultent ou nous considèrent femmelettes, notre véritable force est celle de la tendresse ».

Samson: « Oui, Grégoire ! Je veux dire que si on nous chauffe le sang, on leur dévoilera la puissance du sang de l’Amour qui donne Vie ».

Mon esprit était ainsi visité en cette nuit par la lueur de cette intime conviction : plus la Maison de l’Humanité persisterait en ses erreurs, son aveuglement, son déni des besoins essentiels de la Maison de la Nature, plus les virus muteraient afin de se défendre d’une colonisation exponentielle d’une Humanité vraiment sans gêne, ivre d’orgueil, de puissances, de richesses, d’un narcissisme vraiment démesuré.

La sagesse n’était-elle pas de tirer leçon de nos excès afin de sauver la vie de nos enfants ?

« Au ciel il y a beaucoup d’étoiles; il y a des tribus entières, hommes, femmes, enfants, depuis longtemps devenus étoiles ». (2)

Thierry Rousse,

Nantes, vendredi 29 janvier 2021

« A la quête du bonheur »

(1), Shakespeare, « Roméo et Juliette », Le Livre de Poche

(2) Tradition bochiman, Origines, 365 pensées de Sages africains, Editions de la Martinière

Le moulin des p’tits papiers

 

« L’éviter ou le repousser ? » tel était le sujet philosophique de la semaine sur Bfmtv. George Duhamel y allait de ses arguments. Chaque invité était appelé à voter. L’actualité, à défaut de cinémas et de théâtres ouverts, se transformait en un vaste jeu public. Le suspens était de mise. Chacun y allait de ses pronostics. Qui gagnerait? « Troisième confinement, oui ou non ? ». Le verdict tomberait samedi. « 2008 nouvelles admissions en 24 heures ». Forcément, l’annonce quotidienne de ces chiffres entraînait l’inquiétude chez un grand nombre d’auditrices et d’auditeurs. Le virus de la peur se propageait à toute allure sur ces ondes de chocs. Volonté délibérée ou inconsciente de nos Grands Chefs?

Un ange invisible me protégeait de ces ondes. Depuis quelques temps, j’avais éteint ma Box SFR. Tant pis pour elle ! Plus aucune onde néfaste ne me traversait que les ondes lumineuses de l’Amitié. Je prenais le bateau sur le Port des Pêcheurs de Trentemoult, traversais la Loire agitée en vue de faire le plein de provisions au cas où… Je m’inscrivais à la médiathèque de Nantes puis je marchais jusqu’à la librairie Coiffard après avoir dégusté un délicieux Falafel libanais. Des petits bonheurs qui enchantaient mes journées. Mon panier se remplissait de livres de chansons et d’histoires pour enfants. J’avais cet appétit de légèreté, d’insouciance, cette soif du « vent frais du matin » à partager. Chanter, il nous restait à chanter et danser. L’autre rive m’appelait, ce port si tranquille, de l’autre côté du fleuve, que je venais de quitter pour la grande ville, le temps de décorer mon panier de mets succulents avant le couvre-feu. Ces livres sur leurs étagères, parmi des centaines de livres, s’étaient offerts tout naturellement à mes mains. Chaque livre était une belle rencontre. « La poésie sauvera le monde » de Jean-Pierre Siméon. « Dévotion » de Patti Smith qui s’interrogeait: « Pourquoi est-ce que j’écris?  » (1) . Le « est-ce que » était peut-être de trop. Ecrire pour nous alléger de certains maux qui nous attiraient vers des fonds vaseux ? Ecrire pour prendre le large d’un ciel bleu ? Ecrire pour déployer nos ailes jusqu’à La Lune flamboyante ? Ecrire pour nous enlacer au détour d’un chemin glissant? « La nuit du coeur » de Christian Bobin, l’un de ces écrivains qui faisaient partie de mes collections favories. « Il n’y a pas d’autre raison de vivre que de regarder de tous ses yeux et de toute son enfance, cette vie qui passe et nous ignore » (2) L’endroit et l’envers. Un titre. Une image. Une photographie. Un extrait. Une note. le désir de lire commençait ainsi. Ce qui résonnait en mon coeur à cet instant de ma vie. J’ajoutais à mon panier un nouveau DVD qui, tout pareillement, attirait mon regard : « Mademoiselle de Joncquières », un film de Emmanuel Mouret avec Cécile de France et Edouard Baer. Il n’était pas déplaisant de voyager à une autre époque, celle des costumes élégants et des sentiments délicats parfois brisés, du monde de la cour et ses jardins secrets.

Où choisirais-je de vivre mon troisième confinenent? Rejoindrais-je ma chère Mémé Zanine et son joli transistor ? Me blottirais-je dans la tranchée de France, là où tant de voix se confiaient, comme celle, ce soir, de Maryline Desbiolles:  » … je suis attentive à ça, laisser les mots me conduire… j’essaie dans la mesure du possible d’écrire tous les jours à des heures régulières… j’écris très très lentement… plus ça va, plus j’écris lentement… je reprends très peu… » (3) Entre deux écoutes, deux bribes récoltées, deux interrogations, j’avais encore laissé refroidir ma tisane. Que me diraient les petits lutins? « L’elixir de la tendresse est la plus belle des philosophies ».

Ce moulin au bord de la Sèvre me plaisait bien, tout près de l’Italie. Le drapeau de la Bretagne flottait sur la colline, juste au-dessus. Etais-je arrivé au Village des Invincibles Gaulois, résistant à l’Occupant Virus préoccupant? Ma langue jouait avec les mots un peu trop facilement pour oublier les lourdes difficultés de ces temps hésitants. J’accostais les sportifs du dimanche. « C’est par où la sortie ? Où nous mènera ce chemin ? « . Fallait-il vraiment le savoir pour être heureux? N’était-il pas plus palpitant de ne pas connaître la fin? Ce désir n’engendrait-il pas la vie? « Espérer sur les pas de Charette un soleil qui se lève ? « . Les résistants étaient nombreux. Au milieu de la guerre, j’apprendrais à fabriquer du papier pour écrire, écrire des p’tits papiers par les chemins des marmottes. Au sommet, j’apprivoiserais les pigeons voyageurs. Dans la descente, nous serions les patineurs glissant sur le temps. « La poésie sauvera le monde » (4).

Le monde en avait bien besoin. Quinze millions de françaises et français étaient en dépression, treize avaient des pensées suicidaires. « Une vague d’ampleur est en train de traverser la France … Les gens n’arrivent plus à penser, comme si leur esprit était gelé. Nous entrons dans une ère de vie anormale qui s’installe et dans laquelle tout le monde peut basculer. Plus ça va durer, plus les séquelles seront lourdes… « . La femme et l’homme avaient besoin de se nourrir, se loger, se vêtir, mais elles et ils avaient besoin avant tout de mots doux, de regards, peut-être de caresses, de liens fidèles indestructibles. Etre privé de ces contacts pouvait nous mener à la mort. « Le lien est consubstantiel à notre humanité. Aujourd’hui, ce lien est mis en danger… Nous ne sommes plus portés par un sort commun en partage. La fermeture des lieux culturels participent à ce climat. La culture, c’est ce qui nous rassemble. Les lieux culturels, les terrains de sport sont avant tout des lieux de liens sociaux, où on éprouve ensemble des émotions, où on se sent participer d’un même mouvement collectif ». (5).

Rideau rouge fermé à cette heure.

Tout près du moulin, les affaires véronaises se compliquaient pour Juliette et Roméo.

Juliette:  » Tu t’en vas donc, amour, seigneur, mari, ami ? Je veux de tes nouvelles chaque jour de chaque heure car dans une minute il y a bien des jours. Oh ! selon ce calcul, je vais être bien vieille avant de revoir un jour mon Roméo ».

Roméo:  » Adieu. Je ne manquerai aucune occasion de t’envoyer un message, mon amour ». (6)

Constance d’une correspondance au destin tragique. Je n’aimais pas ces histoires qui se finissaient mal. J’avais à coeur d’écrire une autre fin pour Juliette et Roméo, une autre fin aux erreurs de l’humanité, d’autres p’tits papiers au destin vert comme un pré d’Irlande. Il était de notre devoir d’hisser le drapeau qui nous unirait et nous sauverait.

Le vaccin de l’Amour nous guérirait de nos peurs. Nous regarderions « ces p’tits papiers qui font des ronds sur l’eau, maman », ces p’tits papiers comme des bateaux, lentement, qui nous transporteraient jusqu’à l’île du bonheur.

Thierry Rousse,

Nantes, mercredi 26 janvier 2021

« A la quête du bonheur »

(1) Patti Smith, « Dévotion », Folio

(2) Christian Bobin, « La nuit du coeur », Folio

(3) Maryline Desbiolles, France Culture

(4) Jean-Pierre Siméon, « La poésie sauvera le monde », Editeur Le Passeur

(5) Serge Hefez, psychiatre, L’Humanité Dimanche du 14 au 21 janvier 2021

(6) William Shakespeare, « Roméo et Juliette », Le Livre de Poche

Les loges d’un Amour confiné

 

Une page blanche. Les premiers mots posés sur une page blanche. Deux mots qui se rencontraient, se regardaient, se vouvoyaient. Deux mots qui apprenaient à se connaître. « Bon », « soir », le commencement d’une phrase . Le soir serait bon, je le désirais ainsi.

Hier soir, de retour de mon travail, quand BFMTV s’interrogeait : « Le confinement, qu’est-ce qu’on attend ? » , France Culture nous interrogeait : « Comment l’art va se sortir de la crise? ». Je choisissais la seconde question de ce grand jeu public. Alejandro Jodorowsky, écrivain et cinéaste, répondait à France : « On est esclave de l’économie et l’économie est en train de détruire la planète… L’art a perdu sa signification… C’était devenu une affaire… De quel art on parle? … L’art guérit les consciences, développe les consciences… La méditation… Etre libre… Etre libre, c’est se connaître vraiment… Le but de l’art est de guérir l’humanité ».

Je m’interrogeais: « Comment nous allons nous sortir de la crise ? Grandis? Plus forts? Plus fidèles? Plus unis? Plus intègres? « . Les Chefs ne faisaient qu’essayer d’éteindre un feu qu’ils entretenaient chaque jour. Les véritables questions n’étaient jamais abordées. L’origine du virus? Aucune nouvelle véritable de l’enquête menée par l’O.N.U. Erreur d’un laboratoire ? Acte délibéré ? Chauve-souris? Déforestation provoquant la propagation de toutes sortes de virus par le biais d’animaux sauvages délogés de leurs habitats naturels? Surconsommation de viande nécessitant une déforestation massive pour cultiver des céréales destinées à engraisser des bêtes confinées dans des espaces réduits, vivant et mourant dans d’atroces souffrances ? Mauvaise santé de la plupart des être humains dûe à une mauvaise alimentation les rendant plus fragiles à toutes sortes de virus? Les Chefs se plaisaient à restreindre nos libertés sans jamais restreindre celles de la surproduction et de la surconsommation à tout va qui entraînaient ces catastrophes sanitaires mondiales.

Au milieu de ce tohu-bohu, l’art pouvait nous guérir de ces maux. Mais, « Etre guéri » ne faisait pas l’affaire des actionnaires qui comblaient nos frustrations par une consommation maladive, dépendante, excessive à grands renforts de spots publicitaires. Les Chefs soumis aux actionnaires experts avaient fermé les théâtres, les cinémas, les musées qui pouvaient nous guérir en nous faisant réfléchir.

Je me réfugiais dans une loge du passé. Paris. J’avais seize ans. Première rencontre avec le théâtre. L’Odéon. J’étais amoureux de Caroline. Je pensais que Caroline m’aimait. Je n’osais lui déclarer ma flamme, à Caroline, la flamme d’un amour idéal, l’amour de toute une vie, cette flamme que nous avions tous porter, au-moins, une nuit, au fond de notre coeur, à cet âge romantique. Notre professeure de lettres avait sorti notre classe de ses murs provinciaux. Ma première grande sortie. L’illustre Capitale ! Ses beaux quartiers intellectuels¨! « L’illusion comique »! Les vers de Corneille exprimaient tout ce que je ne parvenais à dire, ce désir de beauté, de tendresse, de fidélité, d’union sacrée. Le théâtre guérissait mes blessures en les élevant jusqu’au ciel, un ciel parsemé d’étoiles filantes. Caroline avait disparu de ma comète. Il me restait cet art de l’illusion. Excessivement timide, je n’osais monter sur la scène, dire ce que je désirais lui dire à travers ces vers. Qu’il m’en avait fallu du temps pour vaincre toutes mes peurs ! Objecteur de conscience, quelques années plus tard, je désirais travailler pour l’un de ces théâtres. Une réponse brève, claire et sans appel me fut adressée: « – Etes-vous inscrit dans une école de théâtre reconnue? – Non. – Désolé. on ne peut pas vous accueillir ». L’Armée du Salut m’ouvrait ses bras pour un autre chemin qui m’apprenait la vie. Je m’occupais de tout petits enfants dans un centre maternel, puis, je servais la soupe populaire aux sans-abris. Il me manquait un clairon pour paraître fanfaron. Sans doute, fallait-il vivre longtemps avant pour interpréter tous ces rôles ? Le théâtre venait toujours après, le soir, après mes études, le soir, après mon travail d’éducateur. Je fis mes armes aux cours de Christina Mijol et dans de nombreuses troupes amateures, écrivant et mettant également en scène mes propres pièces, avant que le directeur d’une compagnie professionnelle me repère au sein d’un stage et me recrute dans sa troupe. Quatre années de répétitions, de représentations et de labeurs en tout genre sans aucune rémunération, le temps d’un apprentissage, avant de percevoir mon premier cachet. Promesse tenue. Ce coût à payer ? Je rêvais de ces rôles, Roméo, Cyrano, et de leurs auteurs, William Shakespeare, Edmont Rostand. On me tendait à la place les costumes de maîtres tyranniques, obsessionnels, de serviteurs niais et dociles, Gorgibus, Harpagon, Le Malade imaginaire, Gros-René… Quel coeur pouvais-je ainsi séduire ? Il me restait le rôle d’un jardinier amoureux de ses escargots, ses écureuils, ses libellules, ses papillons, ses oiseaux, ses hérissons, ses coccinelles, pour rencontrer une fleur. Pousser ma brouette dans les jardins à la Française pour rejoindre une forêt, entouré d’enfants riant aux éclats, au fond, me convenait bien. Je goûtais à ce bonheur, de nouveau, quelques années plus tard avec « Barnabé le Jardinier ». Le théâtre pouvait nous sauver d’un monde de buis taillés, exposé au vent, au soleil, à la pluie. Cette orée confinée était un doux abri pour nos coeurs fragiles. La rencontre se fit dans un sous-bois. Jouer « Le Petit Prince » me disait bien tant était gracieuse cette rose, délicate et secrète ! Quel-le metteur-en scène m’accorderait cette faveur? « – De quelle école sortez-vous? – De l’école du ciel ! « .

Une nuit blanche. Les premiers mots posés sur une nuit blanche. Deux mots qui se rencontraient, se regardaient, se tutoyaient. Deux mots qui continuaient à se connaître. « Bon… soir… » . Le soir serait bon. Il y aurait des crêpes, des étoiles filantes et un film « Le goût des merveilles », je le désirais ainsi, simple et bon comme le goût de la vie.

Thierry Rousse

Nantes, Vendredi 23 janvier 2021

« A la quête du bonheur »

Comme autrefois…

 

« Comme autrefois… » , cette expression aurait sans doute déplu à Monsieur Eckhart Tolle, ce sage qui nous enseignait à vivre dans l’instant présent. En ce mercredi 20 janvier 2021 à 21 heures pour faire court, une odeur de feu de bois remontait l’escalier jusqu’au nez de Mémé Zanine. Puis, une chanson de Jean-Louis se glissait en boucle dans ses oreilles. « Va où ton coeur te dit ». Tout pour être heureux, ou, presque. Et pourtant, la nuit entraînait le songeur que j’étais dans les doux rêves d’un jour fabriqué des bonheurs du passé. J’aimais, dans le froid, la pluie, le vent de l’hiver, visiter ces palais d’autrefois, ces palais où nous sortions à découvert, le visage nu de rires, de sourires ou de larmes. Ces palais, où accoudés au bar d’une guinguette, nous refaisions le monde. Ces palais, où nous allions, libres, au gré de nos envies, au théâtre, au cinéma, ou, encore, flâner dans les allées d’un musée, admirer les beautés de ces corps impressionnistes. Ces palais, où je jouais Harpagon, Le Malade Imaginaire, Amédée le Jardinier, ou encore, Gros-René dans les jardins des châteaux de toute splendeur, Vaux-le-Vicomte, Fontainebleau, Chantilly, Champ de Bataille, ou, sur les scènes des théâtres à l’Italienne ou à la Française, les cours des festivals, d’Avignon à Richelieu, les estrades des écoles et des collèges, des plus petites aux plus grandes cités, ces plages d’or des villages de vacances, de Lille à Marseille jusqu’à Essaouira en faisant une escale sur l’Ile de Beauté, des rêves qui se vivaient, d’aventure en aventure, aux pas de l’esprit d’une troupe, hélas brisée. Comme autrefois. Lutte de pouvoirs et de querelles. Une malle de souvenirs enfouis. Des toiles d’araignées étincelantes. A peine, quelques photographies, jaunies, que me restait-il de cette vie d’arlequin ? Qu’un songe d’autrefois? Le costume avait pâli. Un bonheur perdu pour toujours?

Je ne savais trop quoi penser du passé, du présent, de l’avenir, du théâtre de mon pays et du monde. Où en étions-nous ? Couvre-feu ? Mille pas ? Vingt mille pas ? Autorisations de sortir ? De se blottir ? De s’aimer? Se parler ? S’enlacer ? Danser ? Chanter? Rire aux éclats? Les amoureux ne s’étaient pas vus depuis des lustres. Le plancher couinait. Confinement ? Masque ? Vaccin ? J’étais parti un peu loin, un dimanche, au coeur d’une lande. L’on y servait des pâtisseries dignes des plus grands pâtissiers de Versailles, des Vatel aux percing qui nous faisaient rêver à nos châteaux d’enfants. Une demoiselle, toute en noir, accompagnée d’un pianiste, tout en blanc, lui, logé au grenier d’une grange, elle sur une pile de planches juste en dessous, nous enchantait de ses chants lyriques. Un magicien dissimulé au fond d’herbes folles nous faisait croire à l’impossible, pendant que tournait en rond dans le ciel bleu un hélicoptère solitaire, bien incapable de nous attraper. La poésie échappait à toute raison. De cette illusion, je ne voyais rien qu’un prodige. Monsieur Eckhart, de son présent, parvenait à m’extirper de mon palais d’autrefois. Je n’aurais jamais connu toutes ces merveilles, songeais-je, ces rencontres et ces moments inoubliables, si mon rêve, une nuit, ne s’était rompu. Tous ces nouveaux présents emplissaient inexorablement ma malle d’autrefois. A peine vécus, ils étaient déjà souvenirs. Je prenais racine dans son bois. L’arbre grandissait, unique de toute une vie, de toutes ces vies, les pièces d’un puzzle qui s’assemblaient jour après nuit. L’âme de Notre-Dame, malicieuse, Emma, habitait ses landes sauvages. Je le savais. Aucun hélicoptère n’atterrirait sur sa mousse, qu’un avion en papier. Sur ses ailes, un enfant y avait dessiné un trèfle à quatre feuilles et une pâquerette.

Ces temps de guerre, ces vies de résistants, camouflés parmi les fougères, devaient nous ouvrir à la paix du coeur, à l’élévation de l’âme, à la véritable santé mentale et physique, à la fraternité d’une croyance, à la culture d’une confiance, à l’audace des sentiments, des mille et un et une chevaliers et princesses de ces landes enchantées. J’étais ce qui me nourrissait. Chaque cloître était le berceau de l’Amour. Comme autrefois au milieu du Morvan. Un lac. Une pierre. Une feuille. Comme autrefois, en ses forêts obscures, il était une fois une histoire merveilleuse où les loups étaient nos amis fidèles et sincères, où leurs cris, leurs pleurs, leurs rires, au coeur de la nuit, nous montraient le chemin des étoiles, « cette confiance en qui tu es, en qui tu aimes ».

« Puisses-tu vivre, continuer.. puisses-tu aimer…continuer… puisses-tu puiser un peu d’eau dans le puits de nos nuits… puisses-tu sourire et même rire quand le pire est à venir… Puisses-tu aimer qui tu es… qui tu aimes…  » (*)

Thierry Rousse

Nantes, Mercredi 20 janvier 2021

« A la quête du bonheur »

(*) Jean-Louis Aubert, « Puisses-tu »

Du bal masqué de nos désirs

 

Nous étions un million sept cent vingt et un mille auditrices et auditeurs à écouter France Culture. Un record jamais atteint. Ce chiffre ne cessait d’augmenter. J’avais rejoint les rangs. J’étais ce « un million sept cent vingt et un mille un » qui me ruais sur chaque opportunité, un trajet en voiture, un temps de la vie quotidienne, de la douche au petit-déjeûner, du repas du soir au coucher, pour me nourrir de toutes les cultures locales et universelles. Les sujets étaient infinis, vastes comme le monde, légers ou profonds, obscurs ou lumineux. De Lewis Caroll à Claude Chabrol, de la vérité à l’illusion, de la poésie à la science, les émissions se succédaient les unes aux autres. Je passais, affamé, « Du grain à moudre » à « Politique », de « Concordance des temps » à « L’Esprit public », de « Matières à penser » à « Affaires étrangères ». Mes oreilles parcouraient le globe, avides d’entendre ce qui se disait, se pensait, se vivait sur toutes les faces de l’humanité, à tous ses étages, dans tous ses éclats, tous ses murmures, ses silences, ses doutes, ses questions. La Covid, puisque le virus avait changé de sexe, ne devenait plus qu’une information parmi tant d’autres, noyée dans la masse et la légèreté de l’être. La joyeuse France, de sa voix sensuelle et cultivée, m’aidait à prendre du recul. Je respirais enfin. Il y avait tellement de sujets bien plus passionnants que La Covid qu’il n’était jamais trop tard pour apprendre. A cinquante trois ans, j’embrassais ma fougue du jeune homme de vingt ans, étudiant à l’université des heures libres, et toute la vie devant, devant les pas de mon coeur diamant, pierre précieuse dansant au clair de Lune d’un Quartier Latin des bords de Seine. Sous ses pavés contaminés, je devinais déjà la plage d’une guinguette ensablée, ses dunes, ses coquillages et ses algues, les embruns du grand large, une sirène, nue, aux cheveux longs, sur les récifs escarpés, qui chantait au matin, et, ce pêcheur, tenant sa voile, fidèle, de retour à son port. Je compensais par mes songes la fermeture des théâtres, des cinémas, des musées. « Juste une illusion », ou, rien que la Vérité ? J’avais cette sensation que le monde continuait à vivre, se rencontrer et s’aimer. Mon petit transistor me reliait à ses ébats. Il m’invitait au grand bal masqué de ce nouveau siècle.

Quel serait mon masque? Celui du loup ou du mouton? Quelle femme croiserais-je au bal ? Les yeux radieux de Juliette me souriaient. Les masques éveillaient des désirs secrets. Qui se cachait derrière? « Tous deux sont sous le charme d’un regard échangé » (*). La passion n’avait jamais été aussi présente qu’en ces temps de distanciation sociale, les préliminaires amoureux, jamais aussi longs, jamais aussi prudents, respectueux, délicats, romantiques. Roméo avait trouvé la parade, déclamer des vers à sa belle au pied d’un balcon. Juliette en était tombée amoureuse. Le peuple latin vivait à l’heure britannique. Une côte brisée. Pourrions-nous, dès lors, nous passer de ces masques, les doux refuges de nos sentiments, ces masques qui nous protégeaient si bien des autres ? Les regards, grâce à eux, pouvaient tranquillement s’enlacer, sans crainte d’une déception. Les aveux des amoureux les engageaient à la fidélité et la confiance. « Tu ne regarderas que moi, je ne regarderai que toi ». La peste entraînait la fermeture des théâtres à Londres. Sur son île, Shakespeare composait ses sonnets. Cinq ans plus tard, au sud de la Tamise, le Théâtre du Globe jaillissait de la terre. Les plus beaux amours et les plus sanglantes guerres s’y joueraient. Il en était ainsi du monde, masqué. Un bal qui retentissait au coeur des éclairs de la nuit. Les silences contenaient bien plus de mots.

Le couvre-feu avait sonné son glas.

Dix huit heures à partir de ce samedi.

Le pêcheur murmurait à mon coeur :

« Prends garde, jeune homme, que le feu de ta plus belle passion reste en vie … ».

Thierry Rousse,

Nantes,

Vendredi 15 janvier 2021

« A la quête du bonheur ».

(*) Shakespeare, « Roméo et Juliette ».

Des imperfections du bonheur sur le green

 

Débuter. Par quoi débuterais-je ? Quel premier mot déposerais-je en ce jeudi sept janvier deux mille vingt et un à dix neuf heures trente et une sur le vieil écran de mon ordinateur portable suisse? Mon premier cri ? Ma première larme ? Mon premier rire ? Mon premier baiser ? Mon premier « Je t’aime » ? Ma première caresse ? Mon premier réveil ? Sept heure trente du matin. J’allumais mon petit transistor tout neuf. Trompe en était toujours à s’accrocher à sa canne. Le Grand Chef du monde ne digérait pas sa défaite. « C’est ma Maison Blanche! J’ai gagné la partie de golf, tu as triché, Joe, c’est moi l’ invincible, pas toi ! « . Trompe appelait ses camarades militaires républicains à la rescousse. Des durs de durs qui en avaient connu des guerres. Les Cow-Boys donnaient un coup de pied dans la démocratie américaine. Le trou de la Liberté était pris d’assaut. Un étrange drapeau de Coup d’Etat flottait sur le green. Habituellement, ces insurrections étaient réservées à des sauvages d’Afrique ou d’Amérique du Sud, ou, de Chine. Les moeurs évoluaient au vingt et unième siècle. Trompe poussait son cri de bête blessée au vif de son orgueil. J’avalais d’un trait ma Chicorée et pris la route après avoir bien gratté le givre sur la vitre de ma voiture qui avait dormi cette nuit dehors. Journée de formation. « L’importance du jeu pour les enfants ». Dix huit heures. De retour chez Mémé Zanine. Un froid glacial me disait « Bonsoir, entre, sois chez toi ! « . Je me précipitais à allumer un feu. De vives flammes ressuscitaient le bout de mes doigts. J’allumais de nouveau mon petit transistor tout neuf. « Le soldat augmenté ». France Culture avait de la suite dans les idées ! Les chercheurs de l’Armée réfléchissaient à augmenter les capacités du soldat : lui permettre de voir la nuit, décupler ses forces, ne plus avoir besoin de dormir, être invincible voire immortel. Le Soldat en avait marre de mourir loin de sa famille. Les armes étaient de plus en plus puissantes et le Soldat se devait d’être de plus en plus résistant. Alors, les médecins changeraient ses cellules. Son corps serait transformé. La science-fiction ne serait bientôt plus une fiction. « L’homme qui valait cent milliards » quitterait le petit écran pour devenir une réalité XXL sur le champ des guerres. J’achèterais mon bonheur. Les progrès commençaient toujours au sein de l’Armée, par nécessité vitale, nous disait-on, puis s’étendaient, à coups de charme, au large public, à toi et moi. Qui avait envie de nous deux d’être l’enfant surdoué? L’homme parfait ? La femme parfaite? Qui rêvait d’aimer l’être idéal de ses rêves? Il suffirait de changer nos cellules à la demande. Un garage d’organes satisferait tous nos désirs de pouvoir, d’immortalité, de jouissance, d’affection, de savoir. Le bonheur parfait nous attendait sur le green. L’Armée nous promettait la paix éternelle. Pourquoi ne souriais-je pas à cette félicité promise? J’aurais dû me réjouir à l’idée d’être l’homme parfait désiré et aimé par la femme parfaite. Un goût aux notes imparfaites, pourtant, me retenait. Tant que nous étions imparfaits, songeais-je, nous pouvions nous compléter, apprendre et nous enrichir l’un de l’autre. L’imperfection n’était-elle pas le chemin du désir, d’une vie à bâtir ensemble ? La perfection, au contraire, nous figeait, toi et moi. Si nous avions tout, qu’avions-nous à désirer, à aimer ? La solitude de la perfection finirait par nous lasser dans notre Maison si Blanche. Deux statues si tristes, si vides au milieu d’une partie déjà jouée.

Avouer ma défaite pour apprendre de mes erreurs, et progresser, tout simplement, pas après pas, était tout autre, une aventure palpitante. J’avais encore des yeux pour contempler ton corps imparfait, des oreilles pour t’écouter chanter, un nez pour sentir ta présence, même absente, des papilles pour goûter tes baisers, sucrés ou salés, au goût de chocolat, de citron ou de menthe fraîche, des mains pour parcourir ton pays, de collines en vallées jusqu’à la source de ta vie. O imperfection, tu étais si belle, libre et folle de ces jeux de mots ! Il nous restait à jouer notre partie de scrabble et à en rire, en rire comme deux enfants imparfaits, regarder les pâquerettes sur le green.

Débuter ? Par quoi débuterais-je ? …

« L’Etre suprême a créé avec l’Eau et le Feu. L’Eau et le Feu sont la Vie. » (*)

… par l’ouverture d’un rideau de théâtre.

La vie n’était qu’une grande comédie.

Thierry Rousse,

Nantes,

Jeudi 7 janvier 2021

« A la quête du bonheur ».

(*) Cosmogonie Bantoue, « Origines, 365 pensées de sages africains », Editions de la Martinière

La Fée du Coeur (Tout était passé si vite, trop vite).

Je n’avais pas écouté l’actualité ce mercredi, tout semblait être passé si vite. Entre rendez-vous présentiel et non présentiel. Budget. Emploi. Voeux. Découverte de jeux pour les Apprentis Lecteurs. Tout était passé trop vite. J’apprenais lors d’un échange téléphonique avec mon ancienne professeure de théâtre que la vilaine sorcière sévissait vraiment autour de ses connaissances. Je me sentais plutôt à l’abri dans le Grand Ouest. Les Fées de Brocéliande, sans doute, protégeaient nos deux familles, bretonne et vendéenne. En fin de matinée, j’avais investi dans un petit transistor que j’installais près de ma jolie bouilloire pour me relier à France Culture. Une façon de me cultiver à défaut de pouvoir me rendre dans un théâtre ou dans un musée. Denis Podalydès parlait de son métier. Le corps était un bien essentiel au comédien. Je me penchais sur la question. J’ouvrais ma première Encyclopédie.

Le corps était une « machine complexe, constituée d’os, de muscles, de nerfs, de sang, d’organes, et surtout de beaucoup d’eau »(*). Pas étonnant que j’étais toujours attiré par les fontaines, les rivières, les océans. Je n’avais pas dit les vignes, bien que j’appéciais leurs charmantes collines. Plus de la moitié de mon corps était « constitué d’eau ». Mes os, ma peau, mon sang renfermaient de l’eau et je ne la voyais pas. Cette eau était invisible à mes yeux. Tant de trésors en moi que je ne pouvais pas voir ! Il me fallait respirer pour vivre. Y pensais-je ? Cela se faisait plutôt naturellement. Faire entrer l’oygène de l’air dans mes deux poumons. L’oxygène se glissait ensuite dans mon sang qui circulait partout dans mon corps. Sous mon crâne, il y avait mon cerveau, encore de l’eau, qui commandait et contrôlait tous les mouvements de mon corps. Un Grand Chef vivait en moi et je l’ignorais. Mon cerveau me permettait de ressentir des émotions, il me disait si j’étais triste ou joyeux, fatigué, en colère ou amoureux. Grâce à mon cerveau, je pouvais m’exprimer et me souvenir. Je remerciais pour une fois ce Grand Chef. Des milliers de nerfs le reliaient aux autres membres de mon corps. Des genres de fils électriques en miniature. L’idée était qu’ils ne s’emmêlent pas, tous ces fils. Un court-circuit pouvait tout chambouler à l’intérieur de mon corps. Les nerfs transmettaient aux membres de mon corps les ordres de mon cerveau et lui rapportaient tout ce qui se passait au dedans de moi. Adjudants et journalistes à la fois. Mon cerveau prenait connaissance des actualités de mon corps. Comment allaient mes pieds, mes mains, ma bouche, mes yeux, mon coeur? Sous ma poitrine, à gauche, je le sentais battre. Etait-ce en raison de son emplacement que j’avais toujours voté à gauche et souvent été déçu? Mon coeur était un gros muscle. A chaque battement, il envoyait du sang dans tout mon corps. Il ne s’arrêtait jamais, mon coeur, jour et nuit, il battait mon coeur. Je n’y prêtais guère attention. Je l’oubliais souvent mon coeur. En prenais-je vraiment soin de mon coeur ? L’aimais-je? Mon coeur continuait à battre, fidèle à sa mission. Mon sang, lui, se promenait à travers mes veines, mes artères, mes vaisseaux. La circulation semblait fluide. Quand il était à court d’oygène, mon sang, il revenait faire le plein dans mes poumons. Une station service ouverte en permanence. A toute heure, sous le Soleil ou la Lune. Je remerciais les arbres et toutes ces algues au fond des océans qui m’offraient ma nourriture quotidienne. Le plein d’oygène.

Tout était passé vite, trop vite.

Je m’arrêtais sur ce dessin. Des traits reliés les uns aux autres. Tout semblait allait de soi comme la vie. Mille et un traits comme un seul trait. Un fil infini. Mon coeur battait la chamade.

« Ferme les yeux et tu verras ».

Joseph Joubert.

Les papillottes en chocolat me révélaient, décidément, mille et un trésors au coeur de l’hiver.

La Fée du Coeur.

Thierry Rousse,

Nantes,

Mercredi 6 janvier 2021

« A la quête du bonheur »

(*) Ma Première Encyclopédie Larousse, édition Larousse Jeunesse