Où était-elle
A une heure du matin
La fille en bas résille
Celle qui embauchait à vingt trois heures pile
Où était-elle
La fille qui embauchait à vingt trois heures pile
Sur le pont de la voie ferrée
En plein coeur de la ville
Exposée à tous les vents
Tous les regards
Tous les brouillards des passants
Où était-elle
La fille du pont
Entre les théâtres et les restaurants
Entre les poumons du commerce
Et les coulisses du sexe
Où était-elle
La fille du pont
Si belle
Arc-en-ciel
Celle qui avait attendu
Peut-être une heure
Ou deux
Dans la peur
La stupeur
L’ennui
La routine
Où était-elle
La fille du pont
Celle qui attendait patiemment
Pas loin du quai
Tout juste face à l’hôpital
Les fleurs du mal
L’Escape Game
D’un Hôtel Dieu
Son armateur
Où était-elle
La fille du pont
Dans quels bras
Quel hôtel de luxe
Ou minable de la gare du Nord
A une heure du matin et plus
A chercher de l’or
Où était-elle
La fille du pont
Celle qui assouvirait les besoins
Les fantasmes
Les us
D’un renard
Traquenard
Salace
Ou solitaire
Où était-elle
La fille du pont
Celle qui louerait au prix fort
Les services rendus par son corps
Où était-elle
La fille du pont
Où était-elle
La fille du pont
Dehors
Avait-elle choisi son métier dans la rue
N’être qu’une poule
Qu’on déroule
Dans le poulailler
D’une cage dorée
Qui était la fille du pont
Qui était la fille du pont
Faisait-elle le plus vieux métier du monde par nécessité
Par contrainte
Une dernière chance de s’en sortir
Une dernière étreinte
Pour payer son loyer
Et manger
Une dernière étreinte
Par contrainte
Pour rester sur une terre de libertés
Et exister
Et exister
Au-delà du pont
Cette fille séduisante
Ou
Tout autre chose
A vingt ans qu’on ose
La fille du pont
Clamait-t-elle de tout son corps sa liberté
Le droit d’être une travailleuse du sexe
Place des gens et du commerce
Ne louait-on pas son corps pour d’autres métiers
Mannequin
Comédien
Escort girl des hommes d’affaires
Petite détente en temps de guerres
Que faisait la fille du pont
Que faisait la fille du pont
Rendait-elle service
A tous les vices
A toutes les solitudes
A toutes les frustrations
Depuis des générations
Qui était au fond la fille du pont
Qui était au fond la fille du pont
La muse des libérations
La muse des compensations
La fille du pont attendait cette nuit dans le froid
L’homme ou la femme qui la réchaufferait
L’homme ou la femme qui l’aimerait
Vraiment
Vraiment
Croyait-elle aux tendres braises
D’un chevalier aimant
Ou servait-elle une histoire de baise
A un chevalier errant
Sur la route
Chaotique
De ses déroutes
La fille du pont mélancolique
Je passais à côté d’elle cette nuit
Cherchant les mots que je lui pourrais lui dire
J’anticipais déjà sa réponse
Laisse-moi travailler
Marcel
Passe ton chemin
Ce n’est pas tes oignons
C’est ma vie
Et tu n’y peux rien
J’avais poursuivi mon chemin sous la pluie
Sans rien pouvoir lui dire
Juste un regard
Dans les ronces d’une rose
Au petit matin d’une pause
J’avais écrit
Un infime coin
De cette vie
Un infime coin
De ce pont
Inconnu
L’espoir d’une rue
Le trottoir d’un point de vue
Quand
La fille du pont
S’était jetée
Dans les bras d’une Lune
Dorée
Et jouait sa pièce
Ou sa malédiction
Toute la nuit
Étoilée
Ou dégoutée
Ou dégoutée
A la perfection
De ses ambitions
Il était une fois
La fille du pont
Il était une fois
La fille du pont
Il était une fois
La fille du pont
Cendrillon
Thierry Rousse Nantes, vendredi 29 mars 2024 "Une vie parmi des milliards"