1
Un
Tu étais assis
Au milieu d’un cube blanc
Seul au milieu d’un cube blanc
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Un
Cube
L’absolue solitude apparente
Là où rien ne pouvait divertir ton regard
Qu’un vide blanc
Là
Là où rien ne semblait t’attendre
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Que d’être assis là dans un vide blanc
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Sur une île
Un
Sous une Lune absente
Une
Indifférente
2
Deux
Deux yeux perdus inoffensifs
Quand
Dans un instant inattendu
Tes oreilles entendirent
Le crissement
D’un ruban adhésif qu’on arrachait
Sur tes murs
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Un à un tes quatre murs blancs s’ouvraient lentement
Une main doucement s’approchait de tes cils
Et te prenait délicatement la main
Deux
Histoires de mains
3
Trois
Guidé par la douce main de cette inconnue
Tu parcourais le premier mur à découvert
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Des images découpées que tu devais recomposer
Trouver la partie manquante
L’autre moitié
La passerelle qui te mènerait de l’une à l’autre
Ce jeu t’amusait
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4
Quatre mains
Sur un piano transparent
Curieusement
Ton premier habitat était le monde
Un monde inhospitalier
Là où toute vie ne semblait pas désirée
Hostilité des paysages
Traits graves des visages
Comme la froideur d’un vent d’avril
Perçant le ciel de tes pas fragiles
Riant de tes fausses notes
Pouvais-tu vivre ici
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Habiter pleinement la profondeur des océans
L’infini espace d’un ciel sans frontières
Gravir les cimes des plus hautes montagnes
Suivre les bonnes pistes dans le désert
Et pourtant
5
Cinq
Cinq doigts
En émoi
Transis
Et pourtant
La vie était là aussi
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Qui t’attendait
Dans l’étonnement d’un regard
La traversée d’un oiseau migrateur
Le surgissement d’un poisson-clown
Le monde était beau
Et tu découvrais enfin sa douce chaleur
Presque trop tard
Presque trop
Presque
6
Six
Scie ta branche
Sans doute le roi
N’avait aucune envie que tu la vois
Sans doute le roi
Te préférait
Enfermé
Les yeux clos
Entre les quatre murs de ton cube blanc
A ne rien voir des beautés de la vivante
A ne rien sentir
A ne rien entendre
Que les tremblements du monde
Quand la vivante au fond
Était
Bras ouverts
Ton premier habitat
7
Sept
Sète
Port de Brassens
De cette première rencontre
La douce main t’accompagnait dans un jardin
Là où tout poussait parfaitement dans une intelligence collective
Là où tu n’avais de tes longues journées
Qu’à prendre soin de ses plus infimes graines
Là où tu n’avais de tes longues journées
Qu’à récolter l’abondance de ses naissances
Là où tu n’avais de tes longues journées
Qu’à te délecter des fruits des abeilles
De cette rencontre inouïe
La douce main t’accompagnait à ton éveil
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Tu apprenais à cuisiner avec elle
Dans une Cocotte Solidaire
Tu donnais à ton corps
La saine nourriture
Qui élevait sa chair jusqu’au ciel
8
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Ton cube blanc avait pris des couleurs
L’absolue solitude apparente
Là où rien ne pouvait divertir ton regard
Qu’un vide blanc
Là
Là où rien ne semblait t’attendre
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Tu riais à présent aux éclaboussures du temps
Et les salades
Et les poireaux
Et les choux
Dansaient
Maintenant
Sur un fil
9
Neuf
Comme tout neuf
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Par la douce main
A toi
Qui s’était offerte
Ouverte au printemps
Comme une fleur sacrée
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Avec elle
Tu te faufilais entre les interminables fumées d’usines
A la quête de l’essentiel
10
Dix avait cessé d’être un collectif factice
Deux mains sur une colline maintenant enlacées dans la vie
N’étaient pas prêtes à se séparer
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Le jeu quittait les écrans
Pour embrasser les vivantes
11
Onze
On se bougeait à Nantes
On aplanissait les tours
A chaque détour
De la Perle à Wattignies
Du Live Bar à Marguerite
De nouveaux mondes fleurissaient
Des habitats humanistes
Occupaient de rêves les espaces publics
Et pas que
Tout bonnement leur donnaient vie
Affranchis des hautes têtes
Qui croyaient tout savoir
Affranchis des hautes têtes
Qui pensaient détenir les pouvoirs
Affranchis des hautes têtes
Qui pensaient récupérer nos semences
Affranchis des hautes têtes
Qui pensaient cultiver l’art hors du sol
Notre zone à défendre était toute une planète
Notre zone à défendre était tout notre cœur
12
Douze rêves de Play Mobile avec elle
A gratter du bout des doigts une guitare
A chanter à deux voix
A bouger nos cordes
Et nos corps
A marcher
Dans l’espace infini
A nager
Dans un cube blanc déployé
A dessiner à deux mains nos lignes
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Tu rêvais à quatorze ans de monter un groupe de musique
Tu t’enivrais des Beatles, des Rolling Stones, des Pink Floyd, de Bob Dylan, de Téléphone et des Doors
Tu écrivais des chansons seul dans ta chambre pour ne plus entendre les cris
Tu t’évadais dans des allées de maisons
Imaginais le bonheur à l’intérieur
Tu dansais sur les murs de tes rêves
Des mots aujourd’hui disparus
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Tu t’enfoncais dans la forêt obscure
Tu rêvais d’être grand
Pour parler aux oiseaux
Ton toit était invisible
Pour inviter chez toi
Tout l’univers
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Riz
Paille
On
Avait presque tout
Pour être heureux
Presque tout pour nous envoler jusqu’aux cieux
Et ne plus jamais être vieux
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Toi l’enfant
Au coeur fragile
Tu étais assis
Au milieu d’un cube blanc
Seul au milieu d’un cube blanc
Dans l’hôpital des pas de l’espérance
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Thierry Rousse
Nantes, mardi 22 avril 2024
D'après « L'habitat interactif », création artistique de Thierry Rousse