Du ruisseau du Jaunay au platane de Londres, tant d’infinies merveilles

 

Mercredi 20 mai 2020. 4 heure 30. Me lever tôt pour prendre le train en Gare de Nantes. Vêtir mon joli masque jaune et vert.   Parcourir le Pont de l’Ascension. Cinq jours de visite à mes ami-e-s de Vendée, des Sables d’Olonne à La Roche-Sur-Yon. Joie des retrouvailles. Echanger. Jardiner. Cuisiner. Savourer de délicieuses salades. Jeudi de l’Ascension. Ecouter des poèmes, assis sur l’herbe, à l’ombre des arbres d’un jardin public. Prendre place parmi ce cercle des poètes retrouvés. Vendredi, samedi, dimanche. Marcher. Découvrir de merveilleux chemins comme ce sentier escarpé au bord du Lac du Jaunay. Un goût de Méditerranée. A l’autre bout, les vastes forêts du Québec. Ainsi, pas après pas, se construisait mon « Jour d’Après ». De l’emploi, il n’y avait rien de changé, toujours aussi compliqué d’y accéder. Des lettres, des appels téléphoniques, sans réponse. Une enquête « Métiers » bien difficile à réaliser. Aucune perspective concernant les spectacles et stages prévus. Attendre. Reprendre ? Reprendre quoi ? Jouer où et pour qui ?

Lundi 25 mai 2020. Nantes. Descendre du ciel. M’y remettre. Apporter un document important à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie. Porte toujours fermée. Demi-tour et détour par le Tabac-Presse de Vincent Gâche. Plus qu’un journal sur le présentoir, La Croix. J’échangeais avec la Buraliste fort aimable. Il ne s’agissait pas d’une grève. La société distributrice des journaux nationaux refusait la reprise du travail à une partie de ses salariés. Un rachat de cette société était en cours de négociation. L’incertitude flottait. Nul ne pouvait savoir où les journaux étaient distribués, ni quels journaux étaient distribués. Au petit bonheur, la chance ! Je regagnais à deux pieds ma maison, cette Croix chargée sur mon dos, au fond de mon sac, en longeant, depuis le Tram de Pirmil, la Sèvre et ses platanes bicentenaires, aux troncs de huit mètres de circonférence. On devait la plantation de ces arbres robustes, résistant aux pollutions urbaines, à Louis Caillaud, un Nantais passionné d’arboriculture. Cette espèce de platanes, fruit d’une union entre le platane d’Orient et le platane d’Occident, serait apparue à Londres vers 1670. Je saluais les platanes de Londres, nain que j’étais, et rentrais chez moi un peu moins bête.

La Croix titrait en première page : « Changer de monde ». Les élections étaient annoncées pour fin juin. La crise sanitaire semblait derrière nous et la crise économique devant nous. Entre deux crises, il nous restait une sérénité à trouver, un rôle à jouer, le meilleur fusse-t-il.

« Il faut renoncer à l’hubris, cet excès d’orgueil qui nous a fait considérer, depuis deux ou trois siècles, que l’homme est appelé à régner sans mesure sur la planète et la nature » déclarait Pascal Lamy. « Il faut aussi renoncer à l’idée que l’on peut s’en sortir tout seul » ajoutait Laurent Berger. *

Depuis plusieurs jours, toucher l’écran de mon Smartphone me provoquait des picotements, du bout de mes doigts au long de mon bras. La réalité m’appelait. Quelle porte s’ouvrirait ? Je ne m’en sortirais pas tout seul…

 

Thierry Rousse

Nantes, Lundi 25 mai 2020

Chroniques (4) « Et après ?

 *Journal « La Croix », 25 mai 2020

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