Écrivain ou écrivant
Ça t’amusait au fond cette question
Écrivain ou écrivant
Cette question
Que tu avais entendue
Dans un atelier d’écriture
A la Maison Gueffier
André Gueffier était un avocat
Et un homme politique
Et un individu humaniste
Né en mille neuf cent
Et décédé à l’âge de quatre vingt neuf ans
Cette maison qui portait si bien son nom
Etait à présent liée à la Scène nationale de La Roche sur Yon
Le Grand R
Elle accueillait des écrivains en résidence
Des bourses à l’écriture leur était allouées
L’animatrice de l’atelier d’écriture insistait bien sur votre statut d’écrivant
Pour bien vous différencier des écrivains
Des écrivains qui vous partageraient certains week-end leur talent d’écrivain
Eux étaient payés pour écrire
Et toi tu payais pour écrire
Écrivain
Ecrivant
Chacun a sa place
Et les vaches étaient bien gardées
Comme on disait par chez nous
Savez-vous planter les choux
A la mode
A la mode
Alors
Que te fallait-il pour être écrivain
Être à la mode
Avoir lu quantité de livres
Exposés sur leur commode
Être capable de citer tel et tel auteur
Connaître la teneur de leurs œuvres
Être capable de citer de mémoire un tas de phrases
Être un érudit sorti de l’Université agrégé de Lettres
Écrire chaque jour
Et se nourrir de tout
Pour ça tu y étais presque
Alors
Que te fallait-il pour être écrivain
Avoir trouvé ton style
Toi tu changeais de stylo
Et t’amusais des styles
Alors
Que te fallait-il pour être écrivain
Oser aller en des chemins inconnus
Te différencier de tous les écrivains qui t’avaient précédé
Faire scandale ou charmer
Etre au-dessus de la mêlée
Être porté en tête de gondole
Avant de finir au pilori
Ou pire
Dans les rayons des écrivaillons proscrits
Ou mieux
Les féministes écolos
Que te fallait-il pour être écrivaine
En attendant
Après ta mort
L’heure de ton apogée
La cérémonie funèbre
De tes poèmes jamais édités
Tu disais tes textes
Tu disais tes textes
Partout où tu pouvais les dire
Sur toutes les scènes ouvertes
Tu avais autant cette envie de partager
Que d’écouter les mots des autres
Que tu trouvais si beaux
Tu aimais lire
Presque slamer
En toute liberté
Laisser le souffle porter tes sons
Pour ta mémoire c’est vrai
Souvent elle te faisait défaut
C’est ainsi on ne naît pas tous égaux
Académicien
Grand Prix Médicis
Ou Prix Nobel
Quoique que si
Peut-être tous génies
Tombés dans la grâce
D’une vie si belle
Marcelle avec ses deux ailes
Il nous restait à les accueillir
Laisser glisser dans nos veines
La voix créatrice
De Mère Gaïa
Accomplir en nous la bonté de son œuvre
Ses doigts longs et fins
Guidaient ton chemin
Écrivant
Tu avais le vent avec toi
Écrivain
Tu n’avais rien
Certains même un air hautain
Et d’autres
Ecrivaines
La grandeur
L’humilité
La sensibilité
De l’écrivant
Chaque jour
S’adonnant à son labeur quotidien
Un lundi sous la pluie
A la fin d’un atelier
A la libre Usine
Tu avais lu ton texte
Le combat d’une page blanche
Et cette femme t’avait demandé à la fin
Tu es écrivain
A sa question
Tu lui avais répondu
C’est quoi être écrivain
Et elle t’a répondu
Avoir des livres édités
Au-moins c’était sa vérité
Ton livre
Une vie parmi des milliards
Etait juste vivant
Publié pour l’instant
Dans ton corps
Tu le savais
Depuis ta naissance
Dans tous tes pores
La maison Gueffier
Jamais ne serait ton terrier
Tu avais bien plus à espérer
Un jardin au Paradis
Pour cultiver tes mots
Sur la terre
Écris
Le vent
Qui te pousse au devant
Ecrivant
Mange tes mots
Ils te nourrissent
Et te font grandir
Ou
Au-moins vivre
Simplement vivre
Thierry Rousse
Nantes, mercredi 10 avril 2024
"Une vie parmi des milliards"