Un jour
Le mercredi vingt neuf mars deux mille vingt trois
Ainsi défini sur mon calendrier
Me dire que dans quarante six minutes
Ce jour sera fini
M’interroger
Ai-je bien vécu ce jour ?
Ai-je fait ce que j’avais à faire en ce jour d’essentiel ?
Et si c’était là mon dernier jour de vie
En serais-je satisfait ?
Qu’aurais-je pu faire de mieux ?
Qu’avais-je râté
Ce mercredi vingt neuf mars deux mille vingt trois ?
Aurais-je pu vivre autrement cette journée
Comme un roi ?
Partager un repas convivial entre résidents
Plutôt que de me retrouver seul devant un écran ?
Parfois dans la vie
Il y avait ces râtés, ces oublis
Ces « j’aurais dû choisir ceci plutôt que cela »
« Faire ceci plutôt que cela »
Ecrire, téléphoner, rendre visite à …
Travailler moins ou travailler plus
Ou mieux définir mon travail
L’axe de mes rails
Choisir, faire, définir
Des actions qui, inlassablement, se répétaient
Au carrefour de mes chemins
Apprendre avec le temps
Sentir les chemins qui me mèneraient vers la lumière
Et les autres qui me perdraient dans l’incertitude
La spirale d’une chute vertigineuse
Compter mes heures et le sens de chaque heure
Chaque minute, chaque seconde
De souffle
Et de vie
Mercredi vingt neuf mars deux mille vingt trois
Interroger chaque seconde
Chaque minute
Chaque heure
Chaque souffle
Des kilos de soi d’errance
Sur la balance d’un temps fragile
Plus que vingt minutes
A vouloir rattrapper ce jour
A croire à l’utilité de chaque instant accompli
De la main invisible qui me guidait
Si je parvenais seulement à l’écouter
Regarder la couleur du ciel
Des années qu’il et elle ne s’étaient pas retrouvés
Le hasard faisait parfois bien les choses
« El color del cielo » (1)
Un palace au bord de l’eau
Lointain souvenir d’un passé
Deux mille vingt trois
Plus que dix sept minutes
Le temps de me relire
Trouver des rimes
Un jour d’amour
Le mercredi d’une vie
Entre des sacs éventrés
Et des déchets brûlés
Ville miroir d’un monde en péril
Déclassé
Plus que neuf minutes
De violence et de cris
Me blottir dans ma hutte
Et puis zut
Me dire que ce jour sera fini
Et puis tant pis
Avais-je bien vécu
Vingt neuf mars ?
Me consoler
Sur mon calendrier
J’ai fait ce que j’ai pu
Vers ta source je pars
De toute l’eau que j’ai bue
Des beautés de tes images
Radieux paysages de montagnes
Une gare de nulle part
Une minute dans une bulle
Minuit l’âme déambule
J’écris à Dieu
Au-dessus de mes rues
Quelque graffiti
En avril
Découvre-toi d’un fil
Infini
Thierry Rousse
Nantes, Mercredi 30 mars 2023
« Une vie parmi des milliards »
(1) « El color del cielo » film de Joan-Marc Zapata
Festival du film espagnol, Le Katorza, Nantes