Par une pluie glaciale
Je traversais les espaces
Les parkings
Les allées
Les ronds-points
J’allais à l’atelier des images
Qui m’attendaient sans étoiles
L’art contemporain
Avait toujours cet art de me renvoyer à rien
Me souvenir de rien
Ne rien comprendre à ce que je voyais
A ce que je lisais
N’être rien
Qu’un regard perdu
Et pourtant
Il me restait peut-être
Une image
Une sensation dans ce rien
Peut-être même deux images ou trois
Une vidéo
Un mot
Peut-être même
Fallait-il tout ce rien autour
Cette incompréhension de ma part
Devant bon nombre d’images
Pour que l’une d’entre elles me touche
Me percute le coeur
Que j’arrête là devant elle mes pas
Un homme nettoyant le carrelage de sa maison
Ce qu’il lui restait de sa maison
Ces carreaux
Soigner le peu oublié pour exister
Aux portes de sa cité
Ce qui lui restait de beau
Ce qu’il aimait
Lui
Cet homme
Hors du temps
Un autre homme sur une scène
Frappant le plancher de ses claquettes
Exister par le bruit que je faisais
Occuper l’espace de mes sons
Le remplir de mes questions
L’espace existait-il sans ma présence
Que devenait-il sans moi
Seul livré à lui-même
Inachevé
En démollition
En construction
En devenir
Une échelle ?
Qu’étais-je dans cet espace
A la fois figé et mouvant ?
Je lisais à présent des lettres minuscules
Un étrange dialogue
L’histoire d’un camion
De ses paysages traversés
Aucun visage
Que deux voix qui se répondaient
Quelques mots là encore qui me percutaient
Une histoire d’amour, de souffrance, d’errance
Une quête infinie
Un exil
Des frontières encore à traverser
Jusqu’à l’océan
Et puis finir
Par un théâtre
Qui s’ouvrait sur une forêt
Profondeur des espaces
Qui m’appelaient
De ce que nous avions construit et démolli
Tout nous ramènait au fond à la nature
Là où tout avait commencé
De ce que nous avions fait de la matière
Un espace
Dont les étoiles étaient tombées sur Terre
Jusque dans nos yeux
Jusque dans nos corps
Nous étions les étoiles gravitant
A travers les espaces
Les parkings
Les allées
Les rond-points
Par une pluie glaciale
Autour d’un point crucial
L’atelier d’une vie
Le désir d’une rencontre.
Thierry Rousse
Nantes, 24 février 2023
» Une vie parmi des milliards »
Espace(s) par le Centre Claude Cahun, L’Atelier, Nantes – photographies de Claire Chevrier et du Frac des Pays de La Loire