J’avais raté la conférence de presse du Chef de la Santé. Raté l’allocution du Grand Chef. Monsieur Giscard d’Estaing venait de nous quitter, Où avais-je la tête ? De belles flammes rougeoyaient dans l’âtre de ma cheminée. Trente huit mille mots dans mon Mini-Larousse à connaître par coeur. Je jetais un oeil par la fenêtre. Le Soleil s’était couché pour me laisser contempler la Lune et ses étoiles. Il était gentil, le Soleil. J’étais à des années-lumière de l’actualité. Une fenêtre s’ouvrait, puis une autre, puis une autre. Trois délicieux chocolats qui me racontaient leur histoire de l’Avent. Un écureuil. Trois noisettes… et… le trois décembre, je ne savais pas ce que c’était. Un arbre ? Fip me berçait de ses douceurs suaves, de la voix chaleureuse de Rodolphe Burger au pop rock britannique, une mèche rebelle et salutaire de liberté. Il avait plu toute la journée. Une pluie londonienne romantique. Je m’étais affairé ce matin à ranger mon premier casier. Un carnet de deux mille treize se rappelait à mes souvenirs. Des photographies de représentations théâtrales et circassiennes. Presqu’IL, Les Cabotins, Les Arlequins, L’Agora de Vésines, Les Bagattelli, Passage Clowns… Des cartes postales reçues de la pointe du Finistère… Ce tri qui devait me prendre tout au plus un quart d’heure se multipliait au-moins par quatre. Chaque trouvaille était une retrouvaille avec tous ces moments de bonheur. L’émotion était intacte. Les souvenirs encore présents. Ma mémoire tenait bon. J’envisageais d’écrire le passé, au cas, où ma mémoire, une nuit, s’en irait par la fenêtre vers l’avenir. L’histoire du Savon de Marcel et de Jean Ferrat m’intriguait. L’énigme n’était pas résolue. Mon casier était enfin rangé. Des feuilles blanches, des enveloppes et des crayons. J’étais prêt à correspondre, Je me préparais au jour où il n’y aurait plus de SMS, plus de Messenger, plus de Mail, qu’une feuille, qu’un crayon, qu’une enveloppe pour s’échanger des mots. Au-moins, je pourrai les relire, ces mots. Ils resteraient, tout près de mon coeur, dans le tiroir de ma table de chevet, ces mots. Monsieur Google ne les ferait pas disparaître de mon écran. L’après-midi, je les consacrais à l’emploi, quelque peu dissipé à relire des lettres. Les chiffres me rappelaient à l’ordre. J’étais du bon côté de la fenêtre, aujourd’hui. La Ville de La Baule m’appelait pour me transmettre le planning du Père Noël. La grande tournée s’annonçait. Puis, c’était la Ville de Rezé. Un deuxième entretien d’embauche, cette fois-ci, sans écran pour nous séparer, un poste en janvier qui me plaisait fort également. Transmettre le goût des livres aux enfants. La pluie pouvait être joyeuse, le soleil, intérieur. Je venais de prendre rendez-vous chez le coiffeur. Une nouvelle vie m’attendait demain. Un écureuil, trois noisettes et… tout ce qu’il était possible d’imaginer, de beau et de tendre. Etre du bon côté de la fenêtre, et, voir le Petit Prince s’entretenir avec son Renard. « Dans la forêt, quand les branches se querellent, les racines s’embrassent » (*). « Fip, gardien de l’optimisme depuis cinquante ans ». J’étais du bon côté, du bon côté pour ouvrir ma fenêtre. Des perles de pluie aux étoiles de neige, ton écharpe me réchauffait. L’infirmière du bilan de santé de la CPAM m’avait autorisé des petits plaisirs de temps en temps, rien que des petits plaisirs. Un chocolat caché derrière chaque fenêtre que j’avais tant de joie à ouvrir avant de m’endormir. Il nous fallait écrire avec le coeur, oui, rien qu’avec le coeur. Il était une fois, une nuit, au bord d’un champ de vignes… Quand, « All you need is love » chantaient les quatres garçons dans le vent, juste avant mon point final provisoire.
Thierry Rousse
Nantes
jeudi 4 janvier 2020
« A la quête du bonheur ».
(*) Tradition orale d’Afrique de l’Ouest