F r o n t i è r e
Fièrement je te traverse
J’aime tes mille visages sur ton visage
J’aime tes rires
J’aime tes pleurs
J’aime tes doutes
J’aime tes colères
F r o n t i è r e
J’aime tes lumières
J’aime tes nuits
J’enjambe tes fleuves de mots déversés
F r o n t i è r e
Je traverse avec mes jambes de géant tes ponts
Car rien n’existent que tes neuf lettres invisibles
Si je les ai bien comptées
F r o n t i è r e
Que tes neuf lignes arbitraires
D’errances et de guerres
Tracées à la craie noire du sang
Que la première pluie de la Terre effacera
F r o n t i è r e
J’ose ta différence
Les poches percées
Un clair de Lune dans ma besace
Et plein d’étoiles sous mes pas
F r o n t i è r e
J’ose ta rencontre
Comme un aimant qui m’attire
Je m’enivre de tes mille saveurs
Je me remplis de ce qui me manque
F r o n t i è r e
J’aime ce qui me bouscule
Ce qui vient de loin
Des fêlures
Des coeurs mis à nu
Au détour de tes rues
De tes tours
Sous tes étagères
F r o n t i è r e
Je suis un étranger à moi-même
Un lieu unique
Absent
Transparent
Un tas de sales gosses
Une bande de saltimbanques
La part inconnue de mon être
Que je découvre chaque jour
Chaque nuit dans chaque pays
Imaginaire
F r o n t i è r e
Je suis le stylo
Je suis la feuille
Je suis l’encre oubliée
Riche de toi
Un végétal
Un animal
Un enfant
Devant tes yeux
Blessé
F r o n t i è r e
Au soir de mon chaos
« La grande vie »
M’apaise
Ton livre ouvert
Christian Bobin
Tes mots, encore tes mots, toujours tes mots
Je te lis à l’infini
Lié à ton désir
Noué à mon désir
Homme et femme
« J’ai cherche un abri, un lieu humain. Je l’ai trouvé…
C’est une chose bien dangereuse que de lire »(1)
Thierry Rousse
Nantes, vendredi 3 mars 2023
« Une vie parmi des milliards »
(1) Christian Bobin, « La grande vie », édition Gallimard