Paupérisation
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Consolation
Paupérisation
Répétitions des mêmes rouages
De siècle en siècle
De paysage en paysage convoité
La saine occupation serait plutôt d’aimer
Être nomade
Et vouloir être fidèle
Et
Si nous passions plus de temps à aimer
Plus de temps à apprendre à aimer
Sans doute y-aurait-il moins de guerres
L’esprit, l’âme et le corps
Seraient bien occupés
Naïveté ou vérité
Marcel s’interrogeait
Où étaient les lieux où l’on aimait
Dans les amphithéâtres des universités
En temps d’occupation
De rébellion
D’émancipation
Qui aimait
Qui s’aimait
Le temps d’un printemps
D’un hiver
D’un été
D’un automne
D’une vie
Où
Dans les jardins zen
Ou à l’anglaise
La française
La finlandaise
Ou
Dans la vapeur des hammams
Ou dans les chapelles des abbayes
Où
Sur les plages
En haut des falaises
Sur les bords des rivières
Au fond des forêts obscures
Où
Dans les rues
Les ronds points
Les maisons closes
Multiplier ces lieux à l’infini
Les écrire
Graffitis des coeurs transpersés
Qu’était pour toi le corps de l’autre
Qu’un territoire à conquérir
Qu’une vue sur la mer
Pour jouir de tous ses fruits
Ses privilèges
Qu’un exercice pour entretenir ta vaillance
Ta jouvence
Ta sensation de toute-puissance
Ou bien
Un temple sacré
Gardien de la lumière du coeur
Que tu savais adorer
Choyer
Protéger
Le corps de l’autre
N’était autre
Que la considération de ton propre corps
Comment tu le traitais
Ce que tu lui faisais endurer
Ou bien
Tout le soin que tu lui portais
Avec l’humilité du jardinier
Qui savait cultiver
Avec constance
Les fleurs de tendresse
Face à toi
Ton miroir
Un roi ignorant
Oui toi le roi
Comment pouvais-tu tuer
Une enfant
Une mère
Une femme
Homme indigne colonisateur
De celle qui t’avait enfanté
Comment pouvais-tu détruire la terre
Comme la mère
Comme l’enfant
Qui t’accueillaient
De leurs bras ouverts
Comment
Bien plus aveugle que cette jeune femme non-voyante
Qui se balançait au comptoir
Tu n’avais rien compris
Ame égarée
Le véritable voyage
N’était-il pas de retourner aux origines
A l’inspiration du poète
O Cantique des cantiques
Que tu avais un temps abandonné
Dans les ruelles d’un marché
Entre les tréteaux de la consommation
La sensualité était au cœur de l’élan mystique
Femme tu le savais
Tu relisais les mots du poète éveillé
Avant de te coucher
Tu entendais la voix de ton bien-aimé qui venait (1)
Il sautait sur les montagnes
Bondissait sur les collines
Quel obstacle n’avait-il pas franchi
Dans l’unique but de te revoir
Te prouver ses sentiments
Pareil à la gazelle
Au faon des biches
Il t’attendait patient derrière ce mur
Et te murmurait
Lève-toi mon amie
Viens
L’heure est venue
L’hiver s’en est allé
Les larmes du ciel sont épuisées
Les fleurs comme des perce-neige sont nées
Entre les débris d’un monde effondré
Entends l’air des chansons revenu
Porté par le ruisseau des oiseaux
La vigne a rougi
Ses feuilles ont verdi
T’offrant l’abondance de la terre
Mieux que toutes les guerres réunies
« L’éternité appartient à celui qui veille sur l’autre avec amour et sagesse »(2)
Il te suffisait d’être proche de la nature
T’éveiller avec elle
T’endormir avec elle
Te soucier d’elle
Veiller sur elle
« Sentir le souffle de la vie » (2)
Où étaient
Jésus-Christ
Gandhi
Victor Hugo
L’abbé Pierre
Mère Teresa
Nelson Mandala
Frère Roger
Où étaient les doux instants
Autour d’un thé
O champs de bonté
Transparents de beauté
Parfums précieux
Il nous fallait réveiller les morts innocents
Tu nous disais
Laurent
Réveiller la ville
De tous ses cris
Ses espoirs
Ses joies
Ses larmes
Tout ce que la ville avait vécu
Perdu
Et gagné
De Paris à Nantes
De Nantes à Marseille
De Marseille à Jérusalem
De Jérusalem à Béthléem
Partout
Changer de premier ministre
Changer de gouvernement
Est-ce que ça changeait vraiment quelque chose
Au scénario de cette pièce
Hypocrisies et mensonges
Des promesses qui n’étaient jamais tenues
Ce petit théâtre qui devait être le nôtre
Tant qu’il n’y avait pas un retournement des coeurs vers l’amour
Il n’y aurait rien de nouveau
Que la médiocrité de ces acteurs
Qui pensaient tenir le guidon de nos vies
Nous les avions déjà semé
A pied nous marchions
Main dans la main
Maintenant
Nous nous aimions
Humanité
Divinité
Liberté
Thierry Rousse
Nantes, mercredi 10 janvier 2024
« Une vie parmi des milliards »
(1) Le Cantique des cantiques »
( 2 ) »Le maître du jardin »
D’après un conte amérindien
Texte : Danielle Dalloz
Illustrations et conception : Damien Schoevaert-Brossault
Édition Kaléidoscope