J’poussais la porte j’entrais en Irlande
Entraîné en ses mystérieuses landes
Jusqu’aux flots d’ses vagues filles du vent
Les vieux déballaient leurs instruments
Sur le comptoir des fidèles pochtrons
Violons flûtes tambours accordéons
Entre deux houblons grattaient quelques notes
Kelly exhibait sa poitrine forte
Fallait ben ça pour exciter les gars
Ramollis par leur copieux repas
Les faire jouer jusqu’à l’infini
Quand du fond des brumes rousses jaillit
La moustache mouillée de Bobby
Sa voix nasillarde ondulait fière
Dans les creux et monts dressés par la mer
La fougue révoltée de sa jeunesse
Faisait naître des frissons de liesse
Les marins perdus avaient un Captain
Qui chantait à défaut d’une sirène
“Des gouffres on en sort toujours vainqueur
Il suffit de voir de l’intérieur
Ces lames pointues des vagues à l’âme
Ces mots absents qui tuent le cœur des femmes
Il suffit de tout changer en espoir
Entre deux airs parler à son miroir”
Alors Miss Kelly monta sur la scène
Les seins nus se prit pour une sirène
Kelly baptisait Bobby d’une pinte
De Guinness Captain n’osait porter plainte
Le navire braverait la tempête
Miss Kelly redresserait haut la tête
Vaille que vaille le vent de l’Irlande
Vaille que vaille le temps de nos landes
Il s’en racontait ici des histoires
Sur les yeux fatigués des déboires
Poignées d’amourettes printanières
Des gardiens de phare solitaires
Tous ceux-là étaient passés sur Kelly
Mais aujourd’hui Kelly reprenait sa vie
Deux pas devant les vieux de l’Irlande
Kelly dansait au milieu des landes
Vaille que vaille le vent de l’Irlande
Vaille que vaille le temps de nos landes
J’poussais la porte j’entrais en Irlande
Entraîné en ses mystérieuses landes
Ivre ce premier jour du printemps
J’vis dans la brume son cœur tout aimant
Thierry Rousse Nantes, jeudi 21 mars 2024 "Une vie parmi des milliards"