Que restait-il à Marcel au fond de ses poches
Soixante euros pour finir le mois
Un lundi vingt deux mai
Deux mille vingt trois
Soixante euros et quelques rimes au fond de sa sacoche
Bien seul
Sa caisse, elle, son épargne avait disparu
Une maigre fortune fondue
Si vite
Trop vite
Un beurre grignotté tout cru par Dame Voiture
De réparation en réparation
De rature en rature
Soustractions
Jusqu’à soixante euros
Jusqu’au jour de sa paye
Soit, environ, six euros par jour
C’était jouable
Tout n’était que jeu
Qu’un grand jeu
Dans le pays de Marcel
Soixante euros aux allures d’un trésor
Soixante euros à l’élégance d’un Don Quichotte
A qui il ne restait que ses rêves
Marcel
Une maison
Pas une prison
Cette maison
Une libération
Entre terre, bois et brins de paille
Où il respirerait enfin l’éclat d’une médaille
L’étoile jaune d’un réveil
Parce que ça commençait toujours par là entre potes
Autour d’une table
Marcel
A imaginer ce que pouvait être une route de soi
Un chemin jusqu’à ce vieux chêne
Entendre vibrer le coeur des feuilles et du vent
Dans son coeur
Le remplir de leur force
L’union d’un oud et d’une guitare
A la lueur d’une Lune argentée
Notes du monde réunies
Mots de tendresse, de larmes et d’espoir
Rires de flammes enlacées
Rires de jeux enfantins
Tours de Babel
Fourchettes et couteaux de bambous
A qui toucherait le ciel de sa folie
De son ivresse
Joie d’un banquet de toutes saveurs
De toute beauté
Cuisiner ensemble avec passion
Laisser le souffle jaillir de nos corps
A l’unisson
Entendre les voix de l’univers
S’accorder de leurs différences
Contempler les visages
Tous les visages
D’enfants
De femmes
Et d’hommes
D’ailleurs et d’ici
Lire leurs sourires comme autant de mains tendues
Comme autant de mains offertes
Et s’endormir tout près d’eux
Dans une maison de correspondances poétiques
Car ça commençait toujours par là
La vraie vie
Par une histoire d’amour
Au bord d’une rivère
Ce n’était pas en nageant dans son courant certes qu’il remplirait ses poches
Marcel
Et pourtant
C’est là qu’il gagnerait une écoute
Juste une écoute
Allongée sur un muret
Et c’était beaucoup pour Marcel
Et c’était tout pour Marcel
Pour repartir
Repartir heureux Marcel
Confiant que l’abondance l’attendait
Au bout de ce champ
De blé
Marcel
Et puis le ciel
Et puis le ciel
Thierry Rousse
Nantes, lundi 22 mai 2023
« Une vie parmi des milliards »