Le ballet des phares
Au pied du château de ma Duchesse
Jusqu’au dernier carosse motorisé
Enfin le silence des sabots d’Hélène
Et des autos pressées
Enfin Anne
Avant le déferlement du premier train de marchandises
Un court instant de répit d’avril
Maudire les lampadaires
Bien tirer tes rideaux qui raccrochent
Juste te délecter du noir
Et des reflets d’étoiles
Dans un miroir d’eau
Et là
Tout ce monde qui s’arrête
Crois-tu bien dire
D’autres travaillent la nuit
D’autres sauvent des vies la nuit
D’autres luttent pour survivre la nuit
D’autres vivent leur dernière nuit
Et tout ça près de chez toi
Tout près tout ça de chez toi
D’autres surveillent la nuit
D’autres attendent la nuit
D’autres dorment dehors dans la nuit
D’autres font l’amour où ils veulent dans la nuit
D’autres font l’amour où ils peuvent la nuit
D’autres y trouvent de l’or la nuit
D’autres espèrent simplement s’endormir la nuit
Seulement quitter un temps le monde
T’en extraire
Doux refuge de la nuit
Ou enfer
D’autres vivent à l’heure des guerres toute la nuit
D’autres ont peur la nuit
La nuit du loup
D’autres écoutent son cœur battre la nuit
Et pour d’autres
Bien d’autres
La nuit c’est le jour
La terre tourne
Et le soleil tourne aussi
Et la lune tourne aussi
Tout tourne aussi
Tes pensées tournent aussi
Tes mots aussi tournent
Comment veux-tu
Que dans ce tourbillon
Cette tarentelle incessante
Ton âme se repose un instant
La nuit du derviche tourneur
T’élève vers ses astres
Attise ton désir
De mille et une muses
Pour ne pas mourir
C’est la nuit de tous les plaisirs qui s’enlacent
Nuit des angoisses qui s’éveillent
Nuit des tensions à refroidir
Te réveilleras-tu demain
Le soleil aussi
Se réveillera-t-il
De son heure de grâce
Le monde sera-t-il encore debout à l’aube
Ou le monde sera-t-il
Complètement irradié
Brûlé par un fou furieux
Qui aura de son pouce appuyé
Orgueilleux
Sur le bouton gagnant et perdant
D’une énorme énorme bombe nucléaire
Ou le monde ou le monde sera-t-il
Complètement anéanti
Par une petite petite météorite
Extermination mondiale
Encore plus rapide
Voudras-tu définitivement rester dans la nuit pour ne plus avoir à affronter la folie de ces jours à la Prévert
Des tempêtes
Des pluies diluviennes et glaciales
Qui n’en finissent pas de se passer le relais
Quand en Thaïlande cognent sur l’habitant quarante degrés
Et déjà un air bien trop chaud
Pour être heureux
Quand dans cette journée ici
Tu peux passer du tee-shirt à l’écharpe
Tu te dis ce radiateur est complètement déréglé
Le monde se disloque
Pièce après pièce
Le mécanicien
Et le chirurgien
Sont dépassés
Exténués
L’infirmière s’est dévêtue
Entre les bras d’un médecin désespéré
Mieux vaut dormir
Ou plutôt vivre la nuit
Écouter l’origine du monde
Parler aux anges
La nuit est bien plus remplie
Que tu ne le penses
C’est peut-être le meilleur temps pour écrire
L’élan des coeurs amoureux
Nuit
Laisse-moi te pénétrer
Jusqu’au nectar de ta source divine
Pour d’autres la nuit tu le sais
La nuit n’est que nuit parmi d’autres nuits
Nuit de défonce
De paradis artificiels
La nuit nuit aux fragiles
Pour d’autres la nuit tu le sais
La nuit grandit les sensibles
En font d’illustres
Ou d’inconnus
Mystiques
Ignorés du jour
N’est-ce pas grâce à la nuit qu’on voit ta lumière
La nuit des chimères
La nuit des saintes et des saints
La nuit d’effusions
La nuit des naissances
Fusion des corps
Séparations
La nuit des pleurs
Des douleurs
Des horreurs
La nuit des croix
La nuit
Le monde est en toi
Profite de ce répit
Pour l’embellir
La nuit
Te suit
Avec toutes ses caresses de tendresse
Thierry Rousse
Nantes, mercredi 10 avril 2024
"Une vie parmi des milliards"