Le 49.3 de la poésie/sortir de nos hivers

Et là

Un samedi

Je traversais

Des poubelles entassées

Et là

Un samedi

J’escaladais

Des sacs bleus et jaunes éventrés

Et là

Un samedi

Je ne voyais qu’un abîme noir de l’autre côté des sacs

Qu’une chute vertigineuse

Des rues qui s’enflammaient

Des fleuves de cendres

D’immondices

D’éclats de cette société de consommation

Parvenue à sa fin ultime

Une société gouvernée par trop de vices

Vices de toutes sortes de sévices

Pillant en toute impunité la Terre

Les rats eux dansaient d’allégresse

Reprenant possession de la ville

Quand

Tout là-haut

Dans son château

Le Roi ne savait plus ni écouter ni dialoguer

Il faisait régner

A coups de 49.3

En toute impudence

Sa démocratie

Dans un silence

Imposé

Dans la plus camouflée des violences

A coups de renforts

De fourgons blindés

De matraques et de cuirasses

A coups de chevaliers

Qu’il faisait avancer sur son échiquier

Echecs et décadences de son royaume

Qui était le fou du roi dans cette histoire

Où se cachait sa dame

En haut de sa tour emmurée ?

Changer d’air

Entrer dans une boîte obscure

Et ne plus voir la réalité

Que par écran interposé

Charlie s’empiffrait jusqu’à en mourir (1)

Traînant derrière lui son chagrin d’amour

Sa culpabilité d’avoir abandonné sa fille

Devait-il toujours se tourner vers son passé

S’interdire de vivre

Porter la mort de son compagnon comme une croix

Telle une baleine échouée qui ne sentait même plus

Sur sa peau lisse l’harpon qui le retenait ?

Devait-il s’inventer une maladie comme nouvelle amie pour survivre

Pour juste qu’une âme charitable soigne un peu son coeur

Espérer un « je t’aime » qui ne lui sera jamais dit ?

Charlie se cachera pour ne pas être vu des gens

Pour passer inaperçu

Et disparaître discrètement de ce monde

Avant que la lumière du printemps ne le ramène au jour

Dans une autre salle de cette boîte obscure

Emily rêvait de liberté (2)

Cette liberté de penser et d’aimer

Ses proches la jugeaient « bizarre »

Elle était juste elle-même

Sincère avec ses sentiments

Avec ses sensations

Juste dans la vérité

Juste elle

D’Emily je retiendrais ces mots

« Il n’y a qu’un seul bonheur dans la vie : aimer et être aimé »

Il était temps, oui, de sortir de nos hivers

Accueillir ce présent

Déposer notre croix sur le chemin

Nous sentir enfin légers

Prêts à aimer et à être aimés

Retrouver le véritable sens de la vie

A quoi me sert d’être né

Et là

Ce samedi

A la cime de ces sacs enchevêtrés

Jaunes et bleus

Je préférais

Au 49.3 de notre roi

Celui qui nous rendait libres

Le 49.3 de la poésie.

Thierry Rousse

Nantes, samedi 18 mars 2023

« Une vie parmi des milliards »

( 1 ) The Whale de Darren Aronofsky

( 2 ) Emily de Frances O’Connor

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