Le canapé était confortable
J’n’avais pas tout compris
J’m’étais endormi
Tu m’dis
La poésie n’est pas affaire de compréhension
Mais de perception
Alors j’n’ai pas tout perçu d’la poésie
J’lui dis
J’vais boire un verre
Pour y voir plus clair
Crois-tu j’suis l’seul dans ce cas
J’voudrais bien m’accrocher à leurs mots
De quoi ils parlent
Qu’est-ce qu’ils racontent dis-moi
Qu’est-ce qui vibre
Là sur l’clavier de leurs touches
Quelque chose d’urgent qui m’touche
Est-ce qu’ils nous voient
Au-moins
A qui ils parlent
A un micro
Qui porte leurs mots
A qui ils parlent
Au miroir de leur égo
A qui ils parlent
A leur copain Oulipo
Le canapé était confortable
J’n’avais pas tout compris à leurs mots
J’m’étais endormi
La poésie avait ses publics
Ses langages
Ses mondes parallèles peut-être
A quels carrefours pouvait-on se rencontrer
On se croisait
On s’voyait
Est-ce qu’on se parlait
Est-ce qu’on s’écoutait
On s’jugeait
On s’méprisait
On s’ignorait
On s’acceptait
On cherchait
On questionnait
On apprenait
On s’cultivait
On s’élevait
On régressait
On n’avait peut-être rien à dire
P’t’être qu’on voulait rien dire
Ou qu’on ne savait pas comment le dire
Alors on décortiquait le langage
Comme un objet
C’était quasiment purement formel
On s’créait un réel
On recopiait les notices des jeux vidéos
Les conversations virtuelles
Tout devenait des tas d’réels
Des vies de toutes pièces inventées
Fuites d’un monde insensé
Ou pures vacuités
Pures vanités
Des mots distordus
Exercices d’écriture
On s’construisait des cercles fermés
Sur les sièges des universités
On s’congratulait d’éloges
Et puis après
Surgissaient enfin les mots qui te saisissaient
La force d’un souffle
Les mots qui jaillissaient
Comme des vagues d’une source intarissable
Des cascades d’images
Des litanies de sons
Fallait qu’ils sortent tous ces mots allongés sur l’canapé
Fallait qu’ils sortent c’était vital
Des marées de mots d’hirondelles
Là où l’corps avait besoin de s ‘exprimer
Là où ça faisait mal
Quand son élan avait été contraint au silence
Des mots d’Iran ou d’Haïti
Là où le poème était un pain quotidien
La parole était partagée
La parole était libérée
Thierry Rousse
Dimanche 13 octobre 2024
« Une vie parmi des milliards »