On voyait écrit dans les petites annonces des cités
Tiste cherche une île pour l’accueillir
On voyait écrit dans les souterrains des villes
L’artiste est d’une grande sensibilité
On voyait écrit sur les troncs des magnolias
On ne sait d’où il vient
Séparation
Scission d’un atome
Tiste
Comme
Ar
Tiste
Comme
Tiste
Tiste
Comme
Artiste
Ce cordon qui te reliait à ta genèse
Vallon prenait ses aises
Paysage fuyant
Jusqu’à l’océan
Très tôt
Tu étais parti
Appelé à ta source
Comme un aimant
Qui t’attirait
On voyait écrit à l’entrée des cinémas
L’artiste livré corps et âme
Dans l’art
Comme dans un miroir
Et maintenant
A l’aube de tes soixante ans
Le temps était venu pour toi t’écrire
Ce que la vie t’avait donné
Tu écrivais avec ton corps
Tu écrivais avec ton âme
La page était ton miroir
Tout ce que tu avais donné de toi
Et reçu des corps et des âmes
Longue odyssée si brève à la fois
Vivre encore un dernier instant pour cet enfant
Vivre encore un dernier instant pour ce monde
Porter un dernier message avant la guerre
Le dernier acte final
On voyait écrit sur les grilles des jardins
Et à côté de l’artiste
L’enfant qui court
Et qui a bien raison
La vie est urgente
D’attentions lentes
On voyait écrit ces graffitis dans les toilettes publics
Qui court dans le jardin de sa ville
Voit des fleurs en chaque chose à cueillir
On voyait écrit sur les pétales des roses
Seule la beauté peut nous donner raison d’exister
Tu avais vingt ans
Et la grande vie devant
Marcel
Tu avais rêvé d’être journaliste
De publier tes canards
Tes regards sur le monde
L’infinie diversité des êtres et des pages
Tu remuais la terre
Affrontais ta mère
Te liait à ton père
Tu avais choisi le camp des rejetés
Des âmes insultées
Rubrique des soleils
Des faits d’hiver
Rubrique
Des poètes captifs
Inlassablement
Tu cherchais cette île pour t’accueillir
De la vie à la scène
Timides pas franchis
Sous les feux des projecteurs
La famille maternelle s’indignait
C’est quand même incroyable de patauger ainsi
Que fera-t-il de sa vie
Quelle femme voudra de lui
On voyait écrit dans cette absence
Qui comprend l’âme autiste
L’eau qui la relie au ciel
L’inconscient au bord du temps
Regards accusateurs
Que percevez-vous dans ce vallon de bonheurs
Rien
Ce côté-là de ta famille ne voyait que ton errance
Allons
Petit poisson
Laisse parler l’ignorance qui te condamne
Réfugie-toi dans le silence
D’une marre
On voyait écrit au fond de l’eau trouble
Le malheur des autres nous rend souvent tristes
On a le cœur gros de les voir ainsi
Et de ne pouvoir rien leur dire
Ton père cachait sa souffrance dans un bar
L’enfant courait comme au cinéma
On voyait écrit dans ses yeux
Une lumière au plafond
Dans le ciel se balance
Connais-tu dans ce monde
Les anges
Un p’tit oiseau venait de se poser sur la main de l’artiste
Il y avait du pain dans sa vie
Une tendresse dans son cœur
Miettes de bonheurs
A l’abri des chasseurs
Et puis
Épuisé
Tu jetais tes mots
Comme des bouteilles à la mer
Passé
Présent
Tu déchirais les feuilles de tes blocs notes
Aucune phrase ne sonnait
Tu ouvrais la porte
Papa
Maman
J’ai mis de la musique africaine
Pour réchauffer l’atmosphère
Pour toucher aux racines
Pour grandir
La poésie de l’image et du son
Était l’avenir
Dessiner les courbes qui parlaient à ton cœur
Et sourire
On voyait écrit sur tes lèvres
Les mots me bouffent
Affamés d’amour
Je ne puis en écrire d’autres
Depuis que tu m’as quitté
Source tarie
Vallon aride
Mosaïque d’humanité
Ton canard était déchaîné
Trop vite
Les pages étaient tournées
De peur de laisser derrière toi
Un cadavre de canard
Exquis
Tiste
Écrivain de l’avent
Ture
Tiste
Ture
Texture
Il y avait écrit dans ton cœur
Ces fissures
Je n’ai qu’une hâte
Connaître votre expérience
Du mot
Et
De la vie
Qui du premier a enfanté l’autre
Ton père écrivait pour survivre
Glissait chaque jour ses textes dans les pochettes transparentes de son classeur
Cent textes
Il t’avait dit
J’écrirais cent textes
Pour toi mon fils
Ton père avait tenu sa promesse
Perdu
Dans la tempête
Par sa force d’écrire
Il t’avait guidé
Ramené à la vie
Depuis tu lisais
Et écrivais
Il était écrit entre vous deux
Nous mangerons ensemble
Toi et moi
Le cadavre exquis
Chacune
Chacun
Est artiste
L’excellence était de vivre
A la hauteur d’une fleur
Tiste
Tu l’avais vu
L’Enfant artiste
Marcel
Au milieu de la cour
Sous la pluie
Tu l’avais compris
Tiste était d’un autre monde
Ferais-tu ce pas
De le découvrir
Pas après pas
Il était écrit patience
Est la science
Des sages
Grappe d’été 87
L’enfant Tiste
Thierry Rousse Nantes, vendredi 8 mars 2024 "Une vie parmi des milliards"