Ce matin, j’avais commis un rêve étrange. Une voix joyeuse aux actualités annonçait que le virus avait disparu. La pandémie était finie. Nous pouvions reprendre notre vie comme avant. Plus besoin de vaccin. Ce rêve était doux et me mit de bonne humeur, une partie de ma journée. Mon objectif de ce jour était mon rendez-vous avec le dentiste au Centre dentaire du Centre hospitalier universitaire de Nantes. Le dentiste était assisté d’un étudiant. J’ai eu le droit à toutes sortes de photographies et de radios de ma mâchoire. Je repartais avec mon devis. Huit mille cinq cents euros pour cinq implants. J’oubliais le montant et me voyais déjà avec toutes mes dents, souriant au ciel resplendissant. Certaines absences pouvaient être source de joie, comme la disparition des chiffres ou du virus, et, pourtant… Ne nous avait-il pas laissé, entrevoir, ce virus, surtout durant le premier confinement, une autre vie ? La Terre avait pu se reposer un peu. Les animaux avaient pu retrouver leur territoire naturel, quelques temps. L’Homme avait vite repris possession de ses terres et océans conquis. Les absences des possessions humaines n’avaient été qu’éphémères. Les Grands Chefs du monde contrôlaient la situation. Le vaccin serait d’abord administré aux plus fragiles, les premiers cobayes. On ignorait encore les réactions du corps à ce virus. Il fallait essayer, essayer sur ces êtres qui ne pouvaient pas se défendre, pas s’opposer. Je poursuivais ma quête du bonheur. « Nous vous rappellerons suite à votre candidature… ». J’attendais… Je relançais… J’attendais. La recherche de contrats m’avait enseigné la patience, une prise de recul essentielle. Je définissais mon nouvel objectif pour demain. Après ce joli savon « Marcel » que j’aimais tant, disparu, c’était le tour du numéro spécial de L’Humanité Dimanche consacré à Jean Ferrat. Impossible de le retrouver. Un vide dans mon cerveau. Une absence. Un trou. Où l’avais-je rangé ? Emporté ? Oublié ? Des absences étranges commençaient à surgir dans ma vie. Ces absences qui me révélaient la joie des instants présents. Je mesurais, hélas, toute l’importance d’un être cher, d’un moment, d’un lieu, d’une chose quand cet être, ce moment, ce lieu, cette chose n’étaient plus là. Les absences, avaient,au-moins, cette vertu. Tous ces vides attisaient le désir du bonheur.
Thierry Rousse
Nantes,
Mardi 1er décembre 2020
« A la quête du bonheur »