A
A
Abaissement
Abaisser
S’abaisser
Abajoue
Abandon
Abandonner
S’abandonner
Marcel s’abandonnait
A ces premiers mots du dictionnaire
Sur une scène au bord de la Sèvre
Au rythme des marées et des vents
Attiré vers l’estuaire
Presque déjà la mer
Marcel s’abandonnait
A ces quelques mots avec ses potes
A ces quelques notes avec Bubulle la violoncelliste
A ces quelques mots enlacés de notes sur un fil pour commencer
Marcel était né
Abasourdi
Stupéfait
Etourdi
Marcel
Etait au milieu de quelques mots
Et quelques chaises
Les chaises de ses potes qui l’écoutaient
Et la chaise de Bubulle sur la scène
La chaise de Bubulle la violoncelliste
Et de ses notes
Et de ses notes
Répétées
C’était tout
Et devant la foule
Et devant la foule
Des ronds de bois
Qui n’avaient que faire de ses vers
Et buvaient verre après verre
A la guinguette du temps retrouvé
Marcel
N’était qu’une voix au milieu de ce désert
Et c’était déjà ça
Et c’était déjà ça
Marcel n’était pas seul
Il y avait ses potes
Des pélerins qui lançaient à leur tour leurs mots sur la Terre
Des fois qu’ils rebondiraient dans un coeur
Tout au fond d’une bière
Et qu’ils nageraient
Et qu’ils nageraient dans un abat-jour de pensées
Car c’était presque déjà l’été
Et la saison des amours
Et la saison des abat-jours
Des dispositifs en tissu ou en papier
Qui servaient à diriger la lumière de la vie
Tout en protégeant nos yeux de l’éblouissement fatal
La scène était discrète
Une lampe
Reculée
Presque cachée
A la lisière d’un jardin
Les fleurs savaient bien voir
Ecouter
Ce que les coeurs murmuraient de nos rues
Les fleurs
Et peut-être bien toutes les plantes
Et peut-être bien tous les oiseaux aussi
Et bien au-delà
Certainement le ciel infini
Nos mots s’élevaient
Grandissaient
Sans micro
Juste au bord de l’eau
Presque transparente
Abats de mots
Abattage
Abattant
Abattement
Abattis
Abattoir
Abattre
S’abattre
Abattu
Marcel était abattu
De cette foule indifférente à ses mots
Presque abattu
Marcel s’était tu
Pour laisser place aux notes célestes du violoncelle
Qui remplissaissent le ciel de leur présence
Marcel contemplait les notes nues
Et les mots qui dansaient autour d’elles
Ces cordes vibrantes
Abbatiales
Et sveltes
Et c’était tout
Et c’était tout
Thierry Rousse
Nantes, 1er juin 2023
« Une vie parmi des milliards »