« Maestro »
c’était le thème
écrire sur ce thème
le but d’une semaine
et puis, rien
rien du tout
rien à écrire
rien à dire
sur ce Maestro
qu’un vague souvenir
quelques bouts de pensées déchirées.
C’était quoi, déjà, ce mot trop compliqué à prononcer ?
Je cherchais dans mon mini-Larousse, parmi les trente huit mille mots, le mot « Maestro ».
Je ne m’appelais pas Thierry Rousse pour rien.
Ma compagne » La Rousse » trouvait logiquement ce mot page cinq cent vingt sept.
» Maestro : nom masculin. Un nom donné à un compositeur ou à un chef d’orchestre célèbre ».
J’en étais là de mes recherches, et puis, le grand vide
le vide des mots des ateliers d’écriture
un vide qui aurait pu rimer avec celui de Roméo
la douce musique des sentiments déchus
un jour de pluie à la Saint-Valentin
Tout près d’un caveau à demi ouvert.
Il pleuvait sur Nantes.
J’en avais oublié la rose sur un banc.
J’en avais oublié ma Muse dans un train.
J’en avais oublié l’heure sur le quai des pétales répandus
perdu dans une Maison Radieuse bien inquiétante
un village à Rezé de huit cents habitants réunis
un château mystérieux au bout d’une allée.
Huit cents habitants dans un rectangle les pieds dans l’eau.
Un fossé.
Des remparts.
» Vivre les pieds dans l’eau « , toute une vie
la belle idée de Monsieur Le Corbusier, le Maestro de la modernité !
Nous élever au lieu de nous étendre.
Toucher le ciel, les pieds dans l’eau.
Je m’élevais au troisième étage, porte trois cent sept.
Des panneaux de circulation m’indiquaient le chemin.
Je parcourais le monde en zone rouge.
Deux couples s’aimaient d’un amour interdit
sur un chemin sans issue qui flirtait avec la Lune.
Le Street Art ouvrait les rêves là où ils s’étaient brisés.
Je venais de rencontrer ce Maestro du pinceau, artiste voyageur, célèbre ou pas ?
La célébrité était-elle essentielle à la vie ?
L’oeuvre, seule, comptait à mes yeux.
Un chat voulait s’extraire d’un mur.
L’agent chassait alors l’artiste avec humour
l’expulsait de la Culture avec un grand C.
Monsieur Maestro était de trop dans ce monde
et semblait déranger la pensée officielle
d’un ordre mondial déjà bien établi.
Je contemplais le ciel et ses larmes.
Un temps pour entrer dans un salon de coiffure
rue du Maréchal Joffre
digne d’une autre époque.
Perdre quelques cheveux pour rajeunir.
Naître Maestro dans le temps des oublis
des pas cadencés et des désirs
sur les trottoirs
rêvant de tangos sulfureux
et de baisers chaleureux.
Orchestrer le monde du chant des oiseaux.
Aucun maître au Musée des Beaux-Arts
si ce n’était
parvenir à être maître de moi-même.
Guider mes rêves
sur les bords d’un comptoir médiéval.
Trinquer avec l’espoir
d’un sourire offert
enfin
découvrir ton vrai visage
Maestro des saltimbanques !
Adolescent, je tenais la main de ton Amour qui m’accompagnait au lointain
aucun papier à présenter
qu’une sublime symphonie à écouter.
Je passais de l’autre côté
des nuages.
Je nageais dans l’océan des mots bleus
qui se déversaient
de coupe en coupe.
Maestro, à toi de jouer avec les mots !
Thierry Rousse
Nantes, mardi 15 février 2022
« A la bonne heure »