Barnabé se levait toujours en même temps que le soleil. Il chaussait ses gros sabots de bois, serrait fort son tablier, couvrait sa tête de son éternel chapeau de paille, grimpait sur son âne, et c’était parti pour une belle journée !
Théo : Votre arrosoir, Barnabé !
Barnabé prenait son arrosoir qui fuyait toujours. Théo aimait le suivre à travers les allées de son jardin. Aucune n’était vraiment droite. Barnabé aimait quand ça faisait des zigzags, quand ça montait et descendait !
Au creux de son jardin, il y avait un étang, il était tellement grand qu’on aurait dit l’océan. Cet étang, c’était le paradis des grenouilles, des libellules, des canards sauvages, des hérons scrutant l’horizon, veillant tranquillement sur ce monde secret.
Au fond de l’eau, les algues s’enlaçaient et dansaient un tango, tandis qu’à la surface de l’eau, les lentilles se liguaient entre elles pour se tenir plus chaud. Ainsi, parsemé de toutes ces lentilles d’eau, l’étang de Barnabé ressemblait à un jardin tout vert, un jardin tout vert qui attirait vers lui des oiseaux du monde entier.
Le ciel était le champ libre des colibris. Les colibris n’avaient point de frontière. Parfois, le ciel se couvrait de gros nuages tout gris, mais il y avait le vent, et le vent chassait toujours les gros nuages tout gris.
Le ciel était maintenant tout bleu, immobile. Le vent, sur son passage, avait offert à Barnabé quelques surprises, un petit arbre par-ci, un petit arbre par-là, modelant le paysage d’un chêne, d’un églantier, d’un érable.
C’est là, au bord de cet étang, que Barnabé, sur la pointe de ses sabots, venait remplir son arrosoir, et qu’il prenait le temps de méditer chaque matin.
Barnabé : La Solitude, je ne la connais point. Il me suffit de me pencher au-dessus de cette eau, et déjà, je suis deux, moi et mon reflet. L’eau est notre premier miroir, le miroir de notre cœur. O, je vois un sourire qui me sourit ! Serait-ce toi ma Fée Clochette ?
Eh oui, Monsieur Théo croyait encore à la Fée Clochette, étincelante à la surface des eaux. Tantôt, il la surprenait…
Barnabé : Je t’ai attrapée!
Tantôt elle lui échappait…
Barnabé : Fée Clochette ! Fée Clochette ! … Où te caches-tu ma Fée Clochette ?… Tu ne dormirais pas dans mon panier par hasard ?
Fée Clochette était l’amie de Barnabé, sa « Tite Fée » comme il l’appelait. Chaque jour, il lui écrivait une lettre avec un brin de paille de son chapeau.
Barnabé : «Ma chère Fée Clochette, toi la plus belle, la plus belle, la plus belle, la plus belle… des Fées ! Aujourd’hui, je me sens heureux car tu brilles dans mon cœur.»
Ah, il l’aimait sa Fée Clochette, Barnabé ! Chaque jour, il lui écrivait une lettre avec un brin de paille de son chapeau.
A force d’arracher des brins de paille à son chapeau pour écrire à sa Fée Clochette, Barnabé ressemblait à un épouvantail, mais un épouvantail qui attirait à lui les oiseaux, les abeilles, le soleil !
Barnabé, c’était l’ami de Théo, il aurait pu être son grand-père.
Théo l’avait appelé : « Mon Pote âgé » .
Thierry Rousse,
extrait de « Mon Pote Agé »