PIM

Prologue

Hey une petite rose Pim

C’est pas grand chose

Et ça porte bonheur

C’est avec mon bon coeur

Moi Pim trois mois couché ici sur les quais froids

De la station Château d’eau

Pim il boit

Comme un châtelain qui a perdu son château

Pim là se noie dans le pinard des caniveaux

J’habitais pas loin pas très loin hier jadis

Un joyau de Collioure au creux d’un galet de sable

Petit bout de choux que j’étais à écouter la mer et ses violons

Coloré par ses yeux sculpté par ses mains bercé par ses voix

Quand sous un candélabre venait à mes pensées le songe d’être l’étoile fille de Luigi

Avant que la nouvelle guerre économique de retour en banlieue me démaquille

Laisse à mes rêves amers l’A.N.P.E. pour mère à qui raconter les gloires du passé de mon enfance inachevée

Quand se noircissait la crique d’un cirque engloutie par les capotes venues au soleil chercher autre chose qu’un bouquet de roses

Connectées d’internet et de techno planètes

Je restais là dans ma chambre seul devant ton miroir pénétré de son ombre jusque dans ma nuit

Les larmes d’un fatal destin coulaient de mon regard comme pour t’accompagner jusqu’au dernier phare de ton utopie

Enterré comme un indigent dans la fosse commune de l’océan

Non m’sieur dames Pim tend pas son coeur pour boire

Pim boit pour vous tendre son coeur rouge en déboire

S’donner un peu d’audace devant le public

C’est comme ça qu’il est devenu alcoolique

Touche l’enfer d’un S.O.S. qui tourne en rond

Où les cieux traversent un tunnel oblong

Ton regard se perd à l’horizon quelques larmes

Dans les débris de verre l’âme se désarme

Dis Pim y’a plus personne

C’est démodé tu sais de faire le pitre

Les gens préfèrent aller au cinéma en discothèque s’amuser quoi

1

Quoiqu’il arrive Pim est propre pas sentir

Pas laisser les cafarts l’habiter l’envahir

Me laver me peigner me brosser résister

Puiser l’eau dans le trou des W.C. m’évader

Quoiqu’il arrive Pim est humain veut sortir

Pas finir dans cette tombe respirer vivre

Grimper

De plus en plus hautes sont vos marches

De plus en plus urgent construire son arche

De plus en plus vital décrocher la lune

J’m’l’ai promis hier maintenant j’ai plus d’tune

De plus en plus cher gober une bouffée d’air

Dis y’en a plus assez pour soulager la terre

Enfin dans ce coin surgit au coeur de Pim

Un rayon du ciel

Comme une lune de miel

Ah c’est qu’on respire par ici

Eh poussez pas

Y’aura bien une miette sans voler

Hey m’sieur dames pourriez-vous pourriez-vous

M’indiquer mon mon chemin

Non j’suis pas fou

J’cherche ma direction

Hey p’tit pourrais-tu me dire où j’peux m’tirer ailleurs

Cesser d’tourner en rond pour un monde meilleur

Cesser d’cracher au fond pour payer mes erreurs

Hey p’tit pourrais-tu dessiner un brin de chaleur

Le long des baies un miroir scintillant de rêves

Sous les caresses des amants avoir la fève

Non p’tit écoute pas ta maman

J’suis pas un

Un méchant inconnu

Seulement mé … méconnu

Hep mademoiselle aux longs cheveux ondule l’eau

Pourriez-vous m’indiquer ô ma destinée

Non j’vous drague pas j’n’oserais vous abîmer

J’perçois dans vos yeux ma divinité

Un doigt pour me montrer où prendre un café chaud

Et un café un orangina un chocolat un thé

Les dés jetés

Un franc

J’retourne sur ma rive

Au-moins j’suis sous terre

Qu’une guerre n’arrive

Qui quoi que vous voulez mon identité

Appelez ma renommée la dévisagée

Privée d’essuie-glace pas d’place pour vos blasons

Vous suivre où en prison

C’est déjà ma maison

Cette rue a des yeux pour m’épier

Elle me colle toujours aux pieds

Et veut que j’y reste pour l’épouser

J’ai compris j’bouge plus j’suis piégié

Depuis qu’elle m’a taillé un rôle sur mesure

A la hauteur hautaine de sa démesure

C’est qu’j’en ai dans ma caboche de chanteur

J’ai des airs d’Paris plein ma valoche en couleurs

En veux-tu j’aurais pu d’venir monsieur Carré

Si j’étais moins rond que j’m’étais pas fait jeter

De l’école quand j’transformais les dictées

En poèmes rêvant d’amour et de beauté

Mais les pro n’ont plus l’temps d’écouter mes chansons

Noircissent des dossiers pour toucher leur pognon

Faut rentrer dans la case voler dans la cage

D’initiales habiller d’merci son plumage

J’suis plus un homme plus à moi qu’une étiquette

J’appartiens à ces rois qui font des recettes

Pour m’aider à plus sortir de leurs jeux d’échecs

Et me taire

Le regard cloué en

Prière

Pas d’panique j’mords pas

Pas d’ennui j’crie guère

Ma muselière c’est l’verglas de l’hiver

Le gros rouge au matin qui étouffe mon sang

Attire amuse horripile les gens

Quand y’a des jours j’me gratte en pendant au ciel

Non j’réfléchis pas pourquoi j’ai l’air fiel

C’est un poux qui pleurt que j’lui caresse la tête

Et qu’à cette heure j’lui adresse sa fête

Un p’tit peigne Pim

Un p’tit miroir

C’est pas grand chose

Mais ça change des idées noires

Et de un et de deux

Et de trois adieux

Et de cinq et de six

Et de sept mon joli

C’est un régiment le huitième rugissant

Une colonie la énième labourant

Le champ de mes pensées en de multiples enfants

Des fois que des allocs je touche cent dix francs

Toi mon mignon je te garde pour cette nuit

Dans mon clairon au fond me tenir compagnie

T’as pas l’air bien méchant petit poux petit rien

Te voilà atterri sur le sol des terriens

Hein il est dur le sol de la rue des mirages

J’y croyais aussi quand j’suis tombé à ton âge

De ma fenêtre de merveilleux paysages

Oh ça m’gratte quand j’pense aux drôles de nuages

Je m’accroche comme je peux à la planète

Dans l’univers à poursuivre ses pirouettes

Et te ressemble un peu petit poux petit rien

A me nourrir dans les poils griffant des terriens

Léger comme un voile prenant aucune place

Et pourtant qu’on chasse de sa main qui agace

J’te ressemble beaucoup petit poux petit être

Et maudis la terre qui au matin m’a fait naître

Pardon mon petit poux

Il t’a fait mal ce fou

Ecrasé dans sa main

Te disant à demain

Un refrain qui avait

Les couplets d’un « jamais »

Pardon ma liberté

Qu’on a tant piégée

Née d’un terroir sans mère

De tant avoir souffert

D’éclats de pleurs gelés

D’ébats d’amour brisé

Oh le p’tit poux est tombé

Un vétérinaire Pim

C’est pas grand chose

Mais ça peut le sauver

Quand y’a plus d’soleil qu’il est parti en vacances

Je devrais partir m’réchauffer en Colombie

Quand mes pieds se gèlent esquissent un pas dansent

Dans les bras d’un bal changer de pays d’envies

Et comme d’habitude en rond j’vais tourner

Comme d’habitude pour pas me les geler

Comme d’habitude la rue va m’piéger

Comme d’habitude je pourrai plus bouger

Comme d’habitude j’avais qu’à pas t’épouser

Putain je me les gèle et j’compte plus demain

Ma main qui se morcelle et sonde son chemin

Qui pourrait me soulager ma mort me réchauffer

Comme un cri dans la nuit au dehors etouffé

Un p’tit bol de soupe Pim

C’est pas grand chose

Mais ça réchauffe le corps

C’est l’heure de la soupe et du peuple des ombres

La chaleur des pauvres un brouillard d’idées sombres

Dans le brouillon des cités un jardin qui fume

De légumes artificiels contre nos rhumes

Nous sommes irrécupérables dans les sables

Mouvants nous roulons dans les fables sous les tables

Putain elle brûle la douce aux doigts de feu

Cette vache qui rit j’en voudrais bien un peu

De sa joie de vivre dans mon creux malheureux

Mon désir qui hurle un baiser chaleureux

O putain voilà qu’elle me quitte dans son bus

Derrière son carreau d’un léger rictus

Et une soupe, du pain, du pâté, deux mandarines, une « vache qui rit »

Oh une clope avachie s’est endormie

Sous mon pied transi redresse-toi tu vis

Viens entre mes doigts retrouver consistance

Réchauffée par ma voix revoir ton existence

Pardon m’dame vous auriez pas du feu s’il

Vous plaît ah pressée vous rejoignez votre île

Je comprends par ces temps par ces froids par la peur

On ne sait plus qui on croise quelle horreur

Dépêchez-vous j’crois qu’cette fois-ci c’est le luxe

Moi contre vous tous les deux une fois de plus

Comme tu es jolie dans ta robe si blanche

Ce soir si con chérie blotti entre tes hanches

J’t’allumerai pas tout de suite

J’te ferai languir

Au point de jouir

Effleurant ma bouche

Les bords de ta souche

Et tu ressentiras

Comme un fracas

La chaleur humide

D’un désir fluide

Quand mon soleil se couche et rentre chez lui

Descend ta lune fardée s’en va pour son long tour

Flâner au fond des quais l’amour aux alentours

D’un regard qui louche aux cils de minuit

Dans la ronde des astres elle pleure son homme

Le coeur en désastre d’une bête de somme

Quand mon soleil se couche et rentre chez lui

Le cinéma sur terre reluit

De celui qui dort dehors à embrasser

Les bracelets en or de sa bien-aimée

Quand celui qui veille sans toi va protéger

Les cordes de sa paye drôle de société

C’est là qu’j’ai adopté ma façon de respirer

Fleurir l’hiver d’chansons solitaires enchanter

Quand c’est l’heure de me coucher je dois m’enfuir

Echapper aux Bleus défendre mon avenir

J’n’irai pas dans vos fourgons

Je préfère ma prison

Mes quais bercés d’horizons

Que vos dortoirs sans cloison

C’est qu’j’ai mon intimité

Même que j’suis qu’pauvreté

J’ai jamais aimé l’armée

Mon amour est liberté

Oh un abri téléphonique voilà mon affaire

Pour parler avec le reste de l’univers

Allo y’a quelqu’un au numéro demandé

Ah bon c’est personne puis-je lui parler

Il n’est pas là c’est con il n’y a jamais personne

Que des fils glacés d’un silence qui résonne

Je vais sonner l’horloge à l’aube parlant

Qu’à sa voix je sursaute sorte du néant

C’est que je pourrais m’endormir dans ce glacis

M’assoupir et dire au revoir à la vie

C’a pas l’air mais c’est urgent vital de savoir

Que quelqu’un va t’appeler qu’il y a un espoir

Au-moins ça te donne une raison de vivre

Jusqu’au lendemain pour quelqu’un ou pour de rire

Un téléphone rose

C’est pas grand chose messieurs

Mais ça met du baume au coeur

Oh putain

Elle m’a pris la solitude

Jusqu’aux reins

Du vertige des habitudes

2

Oui j’ai composé pour être réveillé

Ah j’avais oublié j’étais dans mon passé

Merci de l’épousseter je vais m’bouger

M’dame me soulever me lever m’élever

M’envoler mais pour qui pour quoi

Il fait si froid dehors quand j’entends en cadence

Les grelots de la mort m’invitant à leur danse

Aux ailes alourdies du givre de l’absence

J’cherche en vain mon amie mes pieds n’ont plus confiance

Confiance dans le jour perdus dans l’univers

Des salles d’attente d’un amour de naguère

Ho hisse encore un effort faut bien changer

Chercher du boulot dit-elle se réinsérer

Bonjour numéro 10 444 XKZ 007

Quand il y aura un emploi on contactera votre numéro

Me dit une charmante mandarine

Tout en se pinçant très fort les narines

C’est que Référence numéro 10 444 XKZ 007 n’a pas le téléphone madame

Répondis-je de ma plus belle voix

Pour réveiller en elle son émoi

Si c’est comme ça on a peut-être quelque chose pour numéro 10 444 XKZ 007

Me dit-elle sortant de ses poubelles

Un contrat d’emploi durée mirabelle

Bien sûr que ça va Référence numéro 10 444 XKZ était légionnaire en arithmétique

Acceptais-je pour plaisanter

Je crois qu’elle a rigolé

Je repartais avec ma mission en poche

Fier de moi grandi reprenant ma sacoche

Tel un soldat s’en allant nourrir sa patrie

Sorti de ses boutons fleur au bout du fusil

Mon costume brillait faisait de moi un homme

Même à genoux pour ramasser quelques pommes

J’étais le quadrupède défendant sa peau

Dans les champs perdus criblés en sang du boulot

Entre les morceaux de bidoche de Rungis

Toute la journée pour un sou serrer des vis

Mais dans quel but m’exprimais-je au grand patron

Mais mais criait-il du haut de sa tour de verre

De toujours plus et de plus en plus vite en faire

Ou tu suis ou tu pars c’est ta mission

Des milliers de bras attendent comme toi

A leur tête c’est moi le Roi qui les reçois

Mon seul lit pour me reposer de ce combat

N’était qu’un abri de bus de rats et de chats

Je couvrais mes poumons des nouvelles du jour

Que le vent des nuits me joue un mauvais tour

Qu’au matin je me réveille comme un marbre

Sans ses feuilles déraciné seul comme un arbre

Là dans un tourbillon un rêve de dix francs

Me prit par les yeux sur les ailes du temps

Un billet de dix francs ça vole c’est rien

Mais à cette heure il était mon ailleurs

Dans un bar une odeur de femme en chaleur

J’ai monté mon désir dans le bus de nuit

Dégueulé dans le caniveau mon ennui

Dix francs l’oubli à ce prix-là tu le savoures

Remuer tes mots comme une lettre d’amour

Longtemps la petite dans le fond de la tasse

Et remonter le sucré jusqu’à la surface

Offrir mes lèvres à tes pensées pour les boire

Et voir l’océan plongé dans un café noir

Pardon garçon ah l’addition je dégustais

Doucement doucement ma vie je réchauffais

A chaque gorgée du regard un sein salue

Dame danse un cul dans le port des pas perdus

Où s’entrelacent les corps des rames fendues

Que j’écarte ta forêt en feu de mon jus

Pigalles princesse nue au coeur des étoiles

Scintille en mon coeur une larme sous son voile

Qui ne tombera pas qui ne tombera pas

Mon enfant tu es si loin de moi de papa

J’espère que tu vas bien que tu réussis

Moi je vais ni bien ni mal je vais fini

Je vais où mes jambes portent mon corps livide

Je vais où les marches s’enfoncent dans mes rides

Je vais où les portes s’ouvrent et se referment

En plaisirs stériles dans les W.C. des thermes

Caresser mon lifting pour tromper ma misère

Accomplir ma montée pieuse en plein hiver

Pour combien de temps de chutes et de cris

Et combien de sang d’heures et de nuits

A verser à pleurer seul dans mon ennui

Que de vagues souvenirs froids

Dans tes yeux éteints sans droit

Que de sapins artificiels

Brillant de pics crevant ton ciel

Quand des larmes coulent du toit

Brisées de solitude tu crois

Quand des bougies brûlent pour toi

En ces murs qui hurlent la joie

La colline est haute et les sentiers nombreux

Pour chanter et communier avec les cieux

A moins que ton blanc funiculaire te hisse

Jusqu’à ton Sacré-Coeur cueillir la fleur de Lys

Et me voici en songe tiré jusqu’à toi

Au-dessus des toits illuminé par la foi

Et voilà que dans cette jungle de la ville

Je m’étais découvert ici un doux asile

Mes anges mes démons pour vous ces quelques rimes

Oh pas très adroites flirtant avec les cimes

Celles que j’ai descendues des bancs de la vie

Au coeur des avalanches de mes élégies

Un Noël pour Pim

M’sieur dame

C’est pas grand chose

Et c’est à votre bon coeur

Epilogue

Qu’as-tu à me déshabiller ainsi de tes prunelles Nina

Quand tombent les farandoles multicolorent sur la piste déserte

Que le fard n’est plus là pour cacher ma misère

Tu attends un père qui te porte dans ses bras jusqu’au royaume d’un petit monde de princes et de fées

Mais sais-tu j’ai le crâne blanc et je boite

Mes numéros ne retiennent plus que les fauves affamés

J’ai dans la chair la cicatrice d’un amour déchiré balafré sur mes yeux aveuglés

Comme un funambule cabriole sur la corde effilochée du temps trébuche et s’accroche en suspens se balance au-dessus des précipices du néant

Sa tête perd l’équilibre dans un dernier pied de nez à la vie

Tu voudrais que mes jambes fassent le triple saut périlleux autour du globe transparent comme les grands trapézistes de l’univers

J’ai essayé par mes vers c’était pour te plaire

Mais mon avenir est déjà bien entamé par ce putain d’alcool en verre qui me découpe jusqu’aux lèvres de mon esprit

Je ne suis qu’un rôle de figuration noyé dans les masses alertes d’une société inerte

Tu es déçu je sais

Je ne suis pas le beau le fort le héros dont tu rêvais

Celui qui te protégerait des mauvais coups de la vie

Ecoute-moi ne me suis pas là où je vais

Ce n’est pas un monde pour les enfants

Garde tes rêves surtout

Ne laisse personne les approcher les voler

Va-t-en Nina

Faut que j’aille jusque là oui m’étendre là oui sous la rame oui la mer arrive oui je la vois comme autrefois un fracas en finir en finir en finir une bonne fois

Adieu

Thierry Rousse
Melun, décembre 1997
Texte du spectacle PIM mis en scène par l'auteur
Création Compagnie Le Fil de l'Aube


Numéro SACD : 96 646 – Date du dépôt : 2 janvier 1998

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