Qui t’attend quand tu rentres chez toi
Ton frigo
Plus vraiment en état
Quelques carottes décomposées
Et dessous
Dessous
De drôles de légumes écrasés
Qu’tu reconnais même plus dans leur jus marinés
Au fond
Attends
Au fond
J’mets mes jumelles
J’te fais l’inventaire du célibataire
Olives dénoyautées à l’oriental
Oeufs de saumon sauvage
Et de lompe agglutinés
Tapenade en effervescence
Câpres c’est bien fini
Mayonnaise aussi
Le jaune a viré à l’ocre
Oeufs de poules élevées en plein air
Sont retournées sur leur terre
Voilà un peu l’frigo du célibataire
D’une vie ordinaire
En temps de guerres
C’est pas vraiment la joie
Mais c’est déjà fait
Grand Corps Malade est passé par là
Ses vers ont vidé tout ton frigo de mots
Faudra que tu trouves autre chose
Pour nourrir ta prose
Et la même question
Qui t’attend quand tu rentres chez toi
Ta table ronde et sa nappe provençale
Plus vraiment envie de manger
Seul face à toi-même
Qui t’attend quand tu rentres chez toi
Francine
La belle Francine
Ses affaires culturelles ont fait la belle
Te manque-t-elle vraiment
Tout son p’tit monde de Paris
Te regardait vraiment de haut
Jamais elle t’avait invité dans sa tour Eiffel
Qui t’attend quand tu rentres chez toi
Cette douche du ciel et son eau si chaude
Qui te fait tant de bien
Le cèdre de la Réunion
Les hauts plateaux qui te revigorent
Te voici tout beau
Parfumé
Presque un homme nouveau
Astiqué de la tête aux pieds
Qui t’attend quand tu rentres chez toi
Ton lit à deux places qui tend ses bras
A ton âme épuisée
Qui s’effondre
De tout son corps échoué
Qui t’attend quand tu rentres chez toi
Un thé noir au gingembre pour te redonner des forces
Un vieux journal du monde ou de l’humanité
Les nouvelles sont-elles bonnes
Fraîches ou avariées
Question vraiment inutile
Réponse vraiment stupide
On dirait l’frigo du célibataire
Qui t’attend quand tu rentres chez toi
Plein de livres pour oublier
Ou te rappeler la misère du monde
Ton ordinateur
Que tu limites à une heure
Quelques pensées vagabondes
Quelques mots parfois échangés
Sur les réseaux sociaux
Faut bien croiser tous nos cas spéciaux
T’as laissé tomber depuis longtemps
Les sites de rencontres d’apparence
Qui t’attend quand tu rentres chez toi
Ton toit de tuiles ou pas
C’est tellement précieux ton toit
Qui t’attend quand tu rentres chez toi
Le bruit des voitures des bus des tramway et des trains
Les rires au dehors
Les cris au coeur de la nuit
Qui t’attend quand tu rentres chez toi
L’ambiance feutrée d’une pizzéria
Tout au bas de ta fenêtre
Des groupes d’amis attablés
Et l’image d’un couple amoureux
Qui t’attend quand tu rentres chez toi
La lune silencieuse
Qui te murmure tout son amour
Quand s’effondrent les murs du jour
Sa tendre joue sur l’oreiller invisible
Douce et imprévisible
Qui t’attend
Quand tu rentres chez toi
Thierry Rousse
Vendredi 27 septembre 2024
« Une vie parmi des milliards »