Retour au théâtre

 

C’était en juillet 1996.
Au « Petit Trentin ».
Sur la commune du Thor.
Au milieu de la Provence verte, terre gorgée d’eau et de soleil, où poussent fruits et légumes en abondance.
Un petit oassis dans le département du Vaucluse.

Les fondateurs de l’association « Les Compagnons du Petit Trentin », un ami prêtre, Pierre, et son amie Françoise, organisaient, durant l’été, au sein de leur gîte à caractère familial, un joli mas provençal bercé par le chant des cigales, un séjour intitulé « Découverte du Festival d’Avignon ».

Je m’étais inscrit à ce séjour après avoir décroché en juin 1996 mon diplôme d’éducateur spécialisé.

Quatre années d’études en cours d’emploi après avoir accompli deux années de service civil comme objecteur de conscience à l’Armée du Salut puis au Secours Catholique.
De 1992 à 1996, j’avais alterné mes cours à l’institut régional du travail social et mon travail d’éducateur auprès de personnes sans domicile employées et hébergées par l’association « Le Pain de l’Espoir » à Melun.
Durant cette période, j’avais mis entre parenthèses le théâtre pour me consacrer pleinement à mon emploi et à mes études.

D’un commun accord, guidés par Pierre, les participants à ce séjour, dont je faisais partie, choisissaient les spectacles qu’ils désiraient voir dans le « in » et dans le « off ».
Je me laissais porter et me régalais à assister à ces comédies, ces drames et ces tragédies tout en découvrant les charmes de la Provence, du Palais des Papes aux ruelles animées de cette ville fortifiée, de l’abbaye de Villeneuve-les-Avignon reconvertie en lieu de résidence pour auteurs jusqu’aux alentours champêtres qui me permettaient de me reposer de l’effervescence de ce festival, haut en couleurs et saveurs, avant d’y retourner, avide de nouveaux spectacles qui se dévoileraient à mes yeux et oreilles.

J’allais, entre deux journées festivalières, de merveille en merveille bucolique : Fontaine-de-Vaucluse, les Baux de Provence, Gordes, leLubéron, le Mont Ventoux, l’abbaye de Sénanques, le Pont du Gard, le théâtre antique d’Orange, le colorado de Roussillon…

Je savais désormais qu’il y avait un « in » et un « off » dans la vie.

Chaque jour, ou presque, nous échangions sur les spectacles que nous avions vus la veille. Ce qui nous avait ému, ce qui nous avait questionné, ce que nous avions appris, ce qui résonnait en nous. Le théâtre parlait tout autant à notre raison qu’à notre coeur. Relier cet art de l’illusion à la réalité de nos vies, à nos désirs, à nos plaisirs, à nos engagements, à nos rêves, à nos croyances ou nos absences de croyances prenait sens pour moi.

En 1994, j’avais brutalement perdu ma maman atteinte d’un cancer. Cette rechute lui avait été fatale. Foudroyante. J’avais noyé mon chagrin dans l’ivresse des pubs, des fêtes entre amis, des parties de pétanque et des roads movies, de l’Ardèche à Barcelone.

A l’âge de 29 ans, il me restait à construire une nouvelle vie sur le champ infini d’un effondrement.

Le retour au théâtre se présentait à mon âme et mon coeur comme un chemin d’espoir, de liberté, de fraternité, de tendresse, de consolation, de reconstruction, peut-être…

Le Grand Chef avait décidé de la ré-ouverture de cet art non-essentiel, pour son âme et son coeur, le 19 mai 2021.

Ce retour au théâtre était pour moi vital.
Thierry Rousse
Nantes, mardi 4 mai 2021
« A la quête du bonheur ».

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