Lundi 22 juillet 2024
Quarante heure vingt cinq du matin
Et encore la nuit
Deux corps sous une pile de duvets dorment devant la gare
Ouverture des portes
L’horaire de ton train est bien affiché
4h50
Montpellier Sud de France
Te voici rassuré
Pas encore le numéro de la voie
Attendre
Il s’affiche
Rassuré
Tu
Descends sur la voie indiquée
Cherches sur le quai
Ta voiture dans le train grande vitesse
Voiture sept
N’est-ce pas inouï
Place 26
Côté couloir
Tu penses être côté fenêtre
Alors tu triches
Tu prends la place 27
Elle est vide
La voyageuse du numéro 27 monte à Angers
Ne dit mot
Prend ta place 26 vide
Met son casque
Écoute de la musique
Et descend à Massy
T’es soulagé
Petit ou grand désagrément
Prise de conscience subite
Tu fais dos à ta destination
Il te faut un certain temps pour réaliser
Au bout de la nuit
Que
Ça
T’aimes pas
Faire dos à ta destination
Ne voir que ce que tu laisses derrière toi
Que ce qui dès lors appartient à ton passé
Chaque seconde révolue
Défilement des paysages
Des gens et du temps
Défilement des pensées
Des sensations
Des sentiments
Regarder ce qui ne sera plus
Ne pas voir où tu vas
Ce qui t’attend
Ne pouvoir que l’imaginer
T’en faire une idée ou pas
Te laisser aller au rêve
Être heureux impatient
Et puis non
Tu pourrais être déçu
Si c’que tu imagines en rien tu n’le retrouves
Tu ne veux pas être déçu
Tu ne penses plus à ce qui est devant
Tu vis l’instant présent
Point fixe dans un train
Oui
Go à toute allure sur les rails
Tu remontes ton store
Le jour se pointe
Quelles regards de-ci de-là sur le monde
Des tristes plaines de la Brie à ses jolies collines
Barbara descend
Il pleut sur Lyon
Les nuages ont noirci de gris le bleu du ciel
Laurent est le conducteur du train
T’entends sa voix
Laurent te dit que vous êtes à 295 km heure
Puis c’est au tour de Serge
Le gars du bar
En voiture 4
Là aussi t’entends sa voix
Serge t’attend au bar
Et te dit que pour le moment
Il n’y a pas d’attente
Trois euros le café
T’as pas trop envie de revoir Serge
La nouvelle voyageuse 7 est montée à Lyon
Elle non plus ne dit mot
Elle regarde par la fenêtre
Tu culpabilises
T’occupes sa place
Le sait-elle
Connaît-elle sa place
T’as fini de lire Omar
Omar te dit
Il faut s’enivrer et aimer
Aimer le bon vin et les jolies femmes
Vivre l’instant présent
Car l’avenir est néant
Être heureux
Avant tout
Qu’en est-il des autres
Es-tu beau
Le soleil revient
Le voyageur du siège devant baisse le store
Un store pour deux
Comment vous mettre d’accord
T’oses rien lui dire
C’est toi qui l’avait relevé
Sans rien lui demander
Tu vois plus rien du paysage côté fenêtre
Rien
Qu’une infime ouverture
Tu t’tords ton cou pour apercevoir un brin d’herbe
T’es dépité
T’ouvres un nouveau livre
“Ivre d’un grand rêve de liberté”
Missiac Manouchian
Quelques lignes
Et tu tombes soudain entre les mains du marchand de rêve
T’as beau lutter
T’accrocher aux mots
Le livre t’échappe
Les mots aussi
Absence à toi-même
Combien de temps
T’ouvres les yeux
Le ciel est bleu
La chaleur envahit ton compartiment
Ta voisine numéro 27 dort toujours
T’oses pas la déranger
Te lever pour aller aux toilettes
Tu t’retiens
Le Rhône a remplacé la Loire
Des montagnes ont poussé entre les vignes
Le sol est aride
Tes pensées s’égarent
Au bord du Gard
Lointains souvenirs
Au loin le Lubéron
T’étais jeune
T’étais beau
Grimpais aux cimes
Jusqu’à l’horizon
Nîmes te traverse
N’oubliez rien en quittant votre place
Cela peut coûter cher à son propriétaire
Et générer du retard
T’oublie rien
T’écris pour laisser une trace à ta place
Des mots se dessinent
Sète
Ton terminus
Te voici sur l’quai avec ta valise à roulettes
Brassens t’attend
Te fait signe
Lundi 22 juillet 2024
12h57
Thierry Rousse
Dans le train de Nantes à Sète, lundi 22 juillet 2024
Nantes, Brasserie “Le Molière”, samedi 31 août 2024
"Une vie parmi des milliards"